Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 février 1992 et 17 mars 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la ville de La Courneuve (Seine-Saint-Denis), représentée par son maire en exercice ; la ville de La Courneuve demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 22 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 4 juin 1991 par laquelle le comité de délimitation des secteurs d'évaluation de la Seine-Saint-Denis l'a classée dans le secteur d'évaluation urbain n° 2 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 15 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bachelier, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la ville de La Courneuve,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des secteurs d'évaluation des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux : " ... Les secteurs d'évaluation urbains regroupent les communes ou parties de communes dans lesquelles la valeur vénale des terrains à bâtir est homogène ..." ; qu'en vertu de l'article 25 de la même loi, le comité de délimitation des secteurs d'évaluation arrête la délimitation des secteurs d'évaluation des propriétés non bâties au vu d'un rapport établi par le directeur des services fiscaux et retraçant l'ensemble des données recueillies sur l'état du marché ;
Considérant que le rapport de l'administration proposant le classement de la ville de La Courneuve dans le secteur d'évaluation urbain n° 2 a été établi notamment à partir de l'analyse pour cette ville de huit actes de mutation ; qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que la valeur vénale moyenne du mètre carré de terrain à bâtir dans la ville requérante a été calculée sur la base du prix global mentionné sur ces actes alors que pour cinq d'entre eux concernant des acquisitions par voie d'expropriation ce prix correspondait pour une part à la valeur des terrains nus et pour le surplus à celle des constructions qu'ils supportaient ; qu'ainsi la ville de La Courneuve soutient à bon droit que le rapport au vu duquel le comité de délimitaton des secteurs d'évaluation de la Seine-Saint-Denis s'est prononcé repose à cet égard sur des faits matériellement inexacts ayant conduit à une surévaluation de la valeur vénale moyenne de ses terrains à bâtir ;
Considérant il est vrai qu'il résulte des dispositions susrappelées des articles 17 et 25 de la loi du 30 juillet 1990 que pour apprécier si la valeur vénale des terrains à bâtir des communes ou parties de communes est homogène et de nature à justifier qu'elles soient classées dans un même secteur, le comité de délimitation des secteurs d'évaluation doit se fonder sur l'ensemble des données recueillies sur l'état du marché et non uniquement sur les seuls éléments statistiques résultant de l'exploitation des actes de mutation ; que cependant il ne résulte pas de l'instruction que le comité de délimitation des secteurs d'évaluation de la Seine-Saint-Denis aurait pris la même décision si dans son rapport l'administration n'avait mentionné que la valeur vénale des terrains nus faisant l'objet des actes de mutation qu'elle a retenus ; que, par suite, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, la ville requérante peut utilement se prévaloir des inexactitudes dont est entaché ce rapport pour demander l'annulation de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la ville de la Courneuve est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 juin 1991 par laquelle le comité de délimitation des secteurs d'évaluation de la Seine-Saint-Denis l'a classée dans le secteur d'évaluation urbain n° 2 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à payer à la ville de La Courneuve la somme de 15 000 F qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 22 novembre 1991 et la décision du comité de délimitation des secteurs d'évaluation de la Seine-Saint-Denis en date du 4 juin 1991 classant la ville de La Courneuve dans le secteurd'évaluation urbain n° 2 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la ville de La Courneuve une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ville de la Courneuve et au ministre du budget.