Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 23 juillet 1987 et 23 novembre 1987, présentés pour M. et Mme Serge X..., demeurant ... ; M. et Mme X... demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 8 avril 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en réduction de l'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre des années 1982, 1983 et 1984 ;
2°) prononce la réduction de cette imposition et des pénalités dont elle a été assortie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Le Menestrel, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Delaporte, Briard, avocat de M. et Mme Serge X...,
- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne la déduction des sommes saisies sur les salaires :
Considérant qu'il ressort des dispositions des articles 83 et 156 du code général des impôts que les sommes qu'un salarié qui, s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est le dirigeant de droit ou de fait, a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle ce paiement a été effectué, à condition que son engagement comme caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, qu'il ait été pris en vue de servir les intérêts de l'entreprise et qu'il n'ait pas été hors de proportion avec les rémunérations allouées à l'intéressé ou qu'il pouvait escompter au moment où il l'a contracté ;
Considérant que M. X..., qui était président-directeur général de la société X... et Compagnie, devenue en 1963 la société anonyme Prestinox, dont il détenait la majorité du capital, a souscrit le 28 avril 1961 un engagement de caution solidaire afin de garantir auprès d'un établissement bancaire les concours consentis à ladite société ; que par lettre du 27 mai 1964, il a renouvelé cet engagement au profit de la société anonyme Prestinox ; que cette dernière a été mise en règlement judiciaire pour insuffisance d'actif le 9 décembre 1980 et que la banque a alors appelé la caution que lui avait consentie M. X... ; que le contribuable demande que soit déduit des traitements et salaires qui ont été imposés au titre des années 1982, 1983 et 1984 le montant des salaires qui ont été saisis par la banque en exécution de l'engagement de caution susrappelé ;
Considérant, d'une part, que si l'engagement souscrit par M. X... avait un caractère illimité, celi-ci était en mesure, compte tenu de sa position dans la société, d'en apprécier la portée avec une approximation suffisante ;
Considérant, d'autre part, que l'engagement souscrit par M. X..., en se portant caution de la société, se rattachait directement à sa qualité de président-directeur général de celle-ci et a été pris en considération de l'intérêt de cette société ; que les sommes dont le contribuable demande la déduction s'élèvent à 31 832 F pour 1982, 69 164 F pour 1983 et 62 300 F pour 1984 et, ne sont pas au total hors de proportion, en tenant compte de l'évolution prévisible de ceux-ci, avec les salaires perçus, lors de la signature des engagements de caution ; que, dans ces circonstances, les dépenses dont s'agit ont bien été effectuées par M. X... en vue de l'acquisition d'un revenu au sens de l'article 13 du code général des impôts et présentaient, dès lors, pour ce dernier un caractère déductible ;
Sur la déduction des sommes correspondant aux revenus fonciers saisis :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a, en décembre 1979, contracté en son nom personnel auprès de la Société générale, un emprunt de 1 million de F en vue de le verser à son compte courant de président du conseil d'administration de la Société Interarnaud, dont il détenait 50 % des parts ; que, pour garantir cette opération, la Société générale a demandé que ce prêt soit nanti par les parts possédées par M. et Mme X... de la société civile immobilière "La Sevrannaise", propriétaire des locaux industriels loués à la société Prestinox ; qu'à la suite de la mise en règlement judiciaire de la société Interarnaud, le président du tribunal de grande instance de Bobigny a, par une décision du 12 janvier 1982, ordonné la nomination d'un administrateur judiciaire pour encaisser les loyers versés par la société Prestinox à la société civile immobilière "La Sevrannaise", qui devaient revenir à M. et Mme X..., et qui ont été déclarés par eux comme revenus fonciers pour un montant de 240 000 F en 1982 et de 120 950 F en 1983 ; que pour demander la déduction de ces sommes de leurs bases imposables à l'impôt sur le revenu au titre des mêmes années, M. et Mme X... soutiennent que ces sommes ont été saisies au titre des garanties souscrites en faveur de la société Interarnaud ; qu'il est constant que la saisie des loyers en cause est intervenue à la suite de l'impossibilité pour M. X... de faire face aux échéances du prêt contracté ; que les sommes saisies avaient pour objet de permettre le remboursement de ce prêt ; que portant sur une opération effectuée à titre personnel elles ne sont dès lors pas déductibles des bases imposables des intéressés ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application desdites dispositions ni d'accorder à M. et Mme X... la somme de 12 000 F qu'ils demandent ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a refusé de leur accorder la déduction des revenus imposés au titre des années 1982, 1983 et 1984, des sommes respectives de 31 832 F, 69 164 F et 62 300 F ;
Article 1er : Les bases d'imposition à retenir pour la détermination de l'impôt sur le revenu de M. X... sont réduites d'une somme de 31 832 F au titre de l'année 1982, de 69 164 F au titre de l'année 1983 et 62 300 F au titre de l'année 1984.
Article 2 : M. X... est déchargé de la différence entre l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1982, 1983 et 1984 et celui qui résulte de la présente décision.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 8 avril 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme X... et au ministre du budget.