Vu le recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE enregistré le 17 mai 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 23 février 1989 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision en date du 1er juillet 1988 par laquelle le directeur des services vétérinaires du Puy-de-Dôme a retiré de la consommation humaine une carcasse de veau en provenance de l'élevage de la société à responsabilité limitée Cevlot ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par la société à responsabilité limitée Cevlot contre ladite décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 84-609 du 16 juillet 1984 ;
Vu le décret n° 67-295 du 31 mars 1967 ;
Vu le décret n° 71-636 du 21 juillet 1971 ;
Vu l'arrêté du 23 octobre 1980, modifié par l'arrêté du 22 novembre 1984, du ministre de l'agriculture ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Colmou, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 258 du code rural, applicable à la date de la décision litigieuse : "Dans l'intérêt de la santé publique, il doit être procédé (...) 3° A l'inspection de la salubrité et de la qualité des denrées animales ou d'origine animale destinées à cette consommation" ; que l'article 259 confie l'exercice des fonctions d'inspection sanitaire que nécessite l'application des dispositions de l'article 258 à un service d'Etat d'hygiène alimentaire constitué de vétérinaires spécialistes assistés de préposés sanitaires ayant la qualité de fonctionnaires ou agents de l'Etat ; que l'article 262 renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination, en tant que de besoin, des conditions d'application des articles 258 et 259, et précise que ledit décret pourra renvoyer à des arrêtés interministériels pour les modalités des conditions d'hygiène et de salubrité que doivent observer les personnes assujetties aux inspections et surveillance ; que l'article 6 du décret susvisé du 31 mars 1967, pris pour l'application des dispositions susmentionnées du code rural, donne qualité aux vétérinaires inspecteurs, dans l'exercice de leurs fonctions "(...) 3° pour consigner en vue d'en compléter ou d'en renouveler l'inspection toutes denrées animales ou d'origine animale suspectes d'être impropres à la consommation humaine ou animale et pour effectuer sur lesdites denrées tous rélèvements d'échantillons nécessaires à une analyse en laboratoire (...)" et "pour procéder à la saisie et au retrait de la consommation des denrées animales et d'origine animale qu'ils ont reconnues impropres à cette consommation" ; qu'aux termes de l'article 3 du décret susvisé du 21 juillet 1971 : "des arrêtés du ministre de l'agriculture fixeront les normes sanitaires et qualitatives auxquelles devront satisfaire les animaux, les denrées animales et les denrées d'origine animale pour être reconnus propres à la consommation" ; qu'en vertu de l'arrêté du ministre de l'agriculture en date du 23 octobre 1980, modifié par l'arrêté du 22 novembre 1984 : "les viandes, abats et issues provenant d'animaux de boucherie ayant reçu des substances anabolisantes, interdites ou administrées sans que soient respectées les dispositions en vigueur, notamment en matière de temps de retrait ou de temps d'attente, sont retirées de la consommation humaine. La preuve de l'administration d'un anabolisant interdit est établie par la mise en évidence d'implants incriminés ou de résidus incriminés dans tout tissu, tout produit de secrétion ou d'excrétion que ce soit. La preuve de la non conformité peut être établie soit à la suite des constatations faites à partir de documents d'accompagnement tels que les certificats vétérinaires attestant de l'implantation, soit par la mise en évidence des résidus incriminés" ; que l'article 2 de la loi susvisée du 16 juillet 1984 "interdit d'administrer des substances anabolisantes aux animaux dont la chair ou les produits sont destinés à la consommation humaine", tout en autorisant, sous certaines conditions, l'administration à des fins thérapeutiques de médicaments dans la composition desquels peuvent entrer des substances anabolisantes ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des termes de l'article premier de la loi susvisée du 11 juillet 1979 que doivent être motivées les décisions administratives individuelles défavorables qui "restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police" ; que selon l'article 4 de cette loi : "Lorsque l'urgence absolue a empêché qu'une décision soit motivée, le défaut de motivation n'entache pas d'illégalité cette décision. Toutefois, si l'intéressé en fait la demande, l'autorité qui a pris la décision devra, dans un délai d'un mois, lui en communiquer les motifs" ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en date du 1er juillet 1988 par laquelle le vétérinaire inspecteur de la direction des services vétérinaires du Puy-de-Dôme a prononcé le retrait de la consommation d'une carcasse d'un animal de boucherie en provenance de la société à responsabilité limitée Cevlot, et qui s'analyse en une mesure de police sanitaire ait été prise dans des conditions d'urgence absolue au sens des dispositions de l'article 4 de la loi du 11 juillet 1979 ; que le "certificat de saisie" par lequel cette décision a été notifiée à la société à responsabilité limitée Cevlot se borne à faire état de la présence dans l'urine de l'animal de "résidus de substance anabolisante interdite", sans donner aucune indication sur la nature de la substance anabolisante ainsi décelée, et sans mentionner aucun des textes législatifs et réglementaires fondant une telle décision ; que, dans ces conditions, et alors même que le ministre aurait fourni ultérieurement les motifs de cette décision, c'est à bon droit que les premiers juges ont tenu cette décision pour insuffisamment motivée au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 et en ont prononcé l'annulation de ce chef ; que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE n'est donc pas fondé à demander l'annulation de leur jugement ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'AGRICULTURE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Cevlot et au ministre de l'agriculture et de la pêche.