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14/05/1993 | FRANCE | N°135839

France | France, Conseil d'État, 10/ 7 ssr, 14 mai 1993, 135839


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 mars 1992 et 15 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le comité d'établissement (siège et outre-mer) de la Caisse centrale de coopération économique, dont le siège est Cité du Retiro, ... (75379) ; le comité d'établissement (siège et outre-mer) de la Caisse centrale de coopération économique demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du comité interministériel de l'aménagement du territoire (CIAT), ou la décision prise au

sein du CIAT par le Premier ministre le 29 janvier 1992 décidant de transfé...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 mars 1992 et 15 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le comité d'établissement (siège et outre-mer) de la Caisse centrale de coopération économique, dont le siège est Cité du Retiro, ... (75379) ; le comité d'établissement (siège et outre-mer) de la Caisse centrale de coopération économique demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du comité interministériel de l'aménagement du territoire (CIAT), ou la décision prise au sein du CIAT par le Premier ministre le 29 janvier 1992 décidant de transférer à Sarcelles (Val d'Oise) le groupe Caisse centrale de coopération économique et de transférer à Arras le Centre d'études financières, économiques et bancaires ;
2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ces décisions ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 12 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance du 2 février 1944 modifiée et les statuts de la Caisse centrale de coopération économique, notamment leur article 2 dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 20 juin 1945 ;
Vu le décret n° 60-1219 du 19 novembre 1960 portant création d'un comité interministériel permanent pour les problèmes d'action régionale et d'aménagement du territoire ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Stahl, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du comité d'établissement de la Caisse centrale de coopération économique,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie et des finances :
Sur le moyen tiré de ce que l'acte attaqué ne ferait pas grief :
Considérant que si le ministre de l'économie et des finances soutient que le décret susvisé du 19 novembre 1960 ne donne compétence au comité interministériel pour l'aménagement du territoire que pour préparer les décisions du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire, il ressort des pièces du dossier et notamment tant du compte-rendu du comité interministériel qui s'est tenu le 29 janvier 1992 que du communiqué publié par le Premier ministre, que celui-ci, à l'issue de ce comité interministériel, a bien entendu décider le transfert du siège de la Caisse centrale de coopération économique à Sarcelles et du Centre d'études financières, économiques et bancaires à Arras ; qu'ainsi la décision du Premier ministre prise lors de la réunion du comité interministériel qui s'est tenue le 29 janvier 1992 ne constituait pas une simple mesure préparatoire mais avait le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;
Sur la qualité pour agir du requérant en ce qui concerne le transfert du siège du Centre d'études financières, économiques et bancaires :
Considérant qu'il est constant que le personnel du Centre d'études financières, économiques et bancaires est uniquement composé d'agents mis à disposition par la Caisse centrale de coopération économique ; que le transfert du siège de ce centre de Paris à Arras est donc de nature à affecter les conditions d'emploi et de travail du personnel de la Caisse ; que, dès lors, le comité d'établissement (métropole / outre-mer) de la Caisse centrale de coopération économique a qualité pour déférer au juge de l'excès de pouvoir la décision de transférer le siège dudit centre ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie et des finances doivent être écartées ;
Sur la légalité de la décision de transférer le siège de la Caisse centrale de coopération économique :
Considérant qu'aux termes du 1°) des statuts de la Caisse centrale de coopération économique annexés à l'ordonnance du 2 février 1944, modifiée notamment par l'ordonnance du 20 juin 1945 : "Le siège de la Caisse centrale est fixé à Paris" ; que ces dispositions ne peuvent être modifiées que par décret en Conseil d'Etat ; que, par suite, le Premier ministre n'avait pas compétence pour décider, par la décision attaquée, le transfert du siège de la Caisse centrale de Paris à Sarcelles ; que, dès lors, le comité d'établissement requérant est fondé à demander l'annulation de cette décision ;
Sur la légalité de la décision de transférer le siège du Centre d'études financières et bancaires :
Considérant que le Centre d'études financières et bancaires est une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ; qu'aux termes de l'article 3 de ses statuts : "L'association a son siège ... Cedex 08 (75379). Il pourra être transféré en tout autre lieu de la même ville par décision du conseil d'administration statuant à la majorité des trois quarts de ses membres présentés ou représentés", et qu'aux termes de l'article 19 de ces mêmes statuts : "L'assemblée générale extraordinaire peut apporter aux statuts toutes modifications reconnues utiles" ; que, dès lors, le Premier ministre n'était pas compétent pour décider le transfert du siège de l'association de Paris à Arras ; que, par suite, le comité d'établissement requérant est fondé à demander l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office pour des raisons tirées de ces mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à payer la somme de 12 000 F au comité d'établissement (métropole / outre-mer) de la Caisse centrale de coopération économique ;
Article 1er : La décision du Premier ministre, en date du 29 janvier 1992, de transférer de Paris à Sarcelles le siège de la Caisse centrale de coopération économique et de Paris à Arras le siège du Centre d'études financières et bancaires est annulée.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer une somme de 12 000 F au comité d'établissement (métropole / outre-mer) de la Caisse centrale de coopération économique.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au comité d'établissement (métropole / outre-mer) de la Caisse centrale de coopération économique, au Premier ministre, au ministre de l'économie et au ministre du budget.


Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - PREMIER MINISTRE - Incompétence du Premier ministre - (1) - RJ1 Décision de transférer le siège du Centre d'études financières et bancaires - association régie par la loi du 1er juillet 1901 (1) - (2) - RJ2 Décision de transférer le siège de la Caisse centrale de coopération économique (2).

01-02-02-01-02(1), 10-01-02, 68-05-02(1) Les statuts du Centre d'études financières et bancaires, association régie par la loi du 1er juillet 1901, fixent le siège de l'association Cité du Retiro, 35-37 rue de Boissy d'Anglas à Paris ; ils prévoient la possibilité de le transférer en tout autre lieu de la même ville par décision du conseil d'administration, et donnent à l'assemblée générale extraordinaire le pouvoir de modifier les statuts. Incompétence du Premier ministre pour décider le transfert du siège de l'association de Paris à Arras.

- RJ2 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - MESURES A PRENDRE PAR DECRET - DECRET EN CONSEIL D'ETAT - MESURE A PRENDRE EN CONSEIL D'ETAT - DELOCALISATIONS - Modification des statuts de la Caisse centrale de coopération économique - annexés à l'ordonnance du 2 février 1944 (2).

01-02-02-01-02(2), 01-02-02-02-01-01-03, 33-02-02, 68-05-02(2) Les statuts de la Caisse centrale de coopération économique annexés à l'ordonnance du 2 février 1944 modifiée, prévoyant que le siège de la caisse centrale est fixé à Paris, ne peuvent être modifiés que par décret en Conseil d'Etat. Incompétence du Premier ministre pour décider le transfert de la Caisse centrale de coopération économique de Paris à Sarcelles.

- RJ1 ASSOCIATIONS ET FONDATIONS - QUESTIONS COMMUNES - FONCTIONNEMENT - Modification des statuts - Incompétence du Premier ministre pour prendre une décision ayant pour effet de modifier les statuts (1).

- RJ2 ETABLISSEMENTS PUBLICS - REGIME JURIDIQUE - ORGANISATION - Siège de l'établissement - Caisse centrale de coopération économique - Compétence pour le fixer - Incompétence du Premier ministre (2).

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - IMPLANTATION DES ACTIVITES - Transferts - (1) Associations - Transfert de Paris à Arras du Centre d'études financières et bancaires - Incompétence du Premier ministre - (2) Etablissements publics - Transfert de Paris à Sarcelles du siège de la Caisse centrale de coopération économique - Incompétence du Premier ministre.


Références :

Décret 60-1219 du 19 novembre 1960
Loi du 01 juillet 1901
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance du 02 février 1944 annexe
Ordonnance du 20 juin 1945

1.

Cf. Assemblée 1993-03-03, Comité central d'entreprise de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA), p. 41. 2.

Cf. pour une société commerciale, Assemblée 1993-03-03, Comité central d'entreprise de la Société d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA), p. 41 ;

pour d'autres établissements publics, Assemblée 1993-06-04, Association des anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration, Denis et Mme Laigneau et autres, p. 168 et Union des groupements d'achats publics, p. 166


Publications
Proposition de citation: CE, 14 mai. 1993, n° 135839
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Stahl
Rapporteur public ?: Mme Denis-Linton

Origine de la décision
Formation : 10/ 7 ssr
Date de la décision : 14/05/1993
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 135839
Numéro NOR : CETATEXT000007836570 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1993-05-14;135839 ?
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