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07/07/1993 | FRANCE | N°92029

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 07 juillet 1993, 92029


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 octobre 1987 et 14 janvier 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Y..., demeurant ..., M. X... et son épouse née Jacqueline Y..., demeurant ... et Mme A..., demeurant Le Chalet Normand à Theil-sur-Huisne (61260 ; Mme Y..., M. X... et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation de la décision du 30 juin 1987 par laquelle la commission nationale de remembrement a statué sur leur réclamation relative au remembrement de leurs terres situées sur la commune de Brulo

n (Sarthe) ;
2°) l'indemnisation totale, en application de l'art...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 octobre 1987 et 14 janvier 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Y..., demeurant ..., M. X... et son épouse née Jacqueline Y..., demeurant ... et Mme A..., demeurant Le Chalet Normand à Theil-sur-Huisne (61260 ; Mme Y..., M. X... et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation de la décision du 30 juin 1987 par laquelle la commission nationale de remembrement a statué sur leur réclamation relative au remembrement de leurs terres situées sur la commune de Brulon (Sarthe) ;
2°) l'indemnisation totale, en application de l'article 32-1 du code rural, des dommages résultant de l'impossibilité de restitution des terres ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural notamment son article 2-8° ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Aguila, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Boré, Xavier, avocat des consorts Y... et de Mme Madeleine A...,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 30 juin 1987 de la commission nationale d'aménagement foncier :
Considérant qu'aux termes de l'article 2-8 du code rural, dans sa rédaction applicable à la date de cette décision : "Lorsque la commission départementale d'aménagement foncier, saisie à nouveau à la suite d'une annulation par le juge administratif, n'a pas pris de nouvelle décision dans le délai d'un an prévu à l'article 2-7 ou lorsque deux décisions d'une commission départementale relatives aux mêmes apports ont été annulées pour le même motif par le juge administratif, l'affaire peut être déférée par le ministre de l'agriculture ou par les intéressés à une commission nationale d'aménagement foncier qui statue à la place de la commission départementale" ;
En ce qui concerne la légalité externe de la décision attaquée :
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que la commission nationale a pris sa décision le 30 juin 1987, plus d'un an après la seconde annulation par le juge administratif de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Sarthe se prononçant sur la réclamation des consorts Y..., est sans influence sur la légalité de cette décision, aucun délai n'étant imparti à peine de nullité à la commission nationale pour statuer ;
Considérant, en deuxième lieu, que si les consorts Y... soutiennent que le rapporteur devant la commission nationale, qui appartenait au ministère de l'agriculture, ne pouvait pas être totalement indépendant, un tel moyen doit être écarté dès lors qu'il ne ressort pas du dossier que l'ingénieur du génie rral et des eaux et forêts, M. Z..., désigné comme rapporteur par le président de la commission, ait participé à l'élaboration des décisions de la commission départementale statuant sur la réclamation des consorts Y... ;

Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'absence de communication du rapport qui a précédé la décision entreprise, et la circonstance que les demandeurs n'ont pas été présents lors de la visite qu'a faite sur place le rapporteur, alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait qu'ils fussent présents ou convoqués, n'a pas entaché d'irrégularité la décision attaquée ; que les moyens tirés de ce que la décision serait entachée de vices de forme doivent par suite être écartés ;
En ce qui concerne la légalité interne de la décision attaquée :
Sur le moyen tiré de ce que les parcelles D 19, 20 et 75 apportées par les consorts Y... auraient dû leur être réattribuées :
Considérant qu'aux termes de l'article 20 du code rural dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté fixant le périmètre de remembrement : "Doivent être réattribués à leur propriétaire, sauf accord contraire, ... 4° Les terrains qui, en raison de leur situation dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération et de leur desserte effective à la fois par des voies d'accès, un réseau électrique, des réseaux d'eau et éventuellement d'assainissement, de dimensions adaptées à la capacité des parcelles en cause, présentent le caractère de terrain à bâtir, à la date de l'arrêté préfectoral instituant la commission de remembrement. 5° De façon générale, les immeubles dont les propriétaires ne peuvent bénéficier de l'opération de remembrement, en raison de l'utilisation spéciale desdits immeubles" ;

Considérant que les consorts Y... soutiennent qu'ils souhaitaient construire une habitation sur leur propriété, qu'ils avaient obtenu un permis de construire en 1972 sur la parcelle n° 75, que les parcelles abandonnées distantes de 600 m environ du centre du village étaient desservies par des ouvrages collectifs et auraient dû par suite leur être réattribuées ; que, toutefois, le moyen tiré de ce que les dispositions susrappelées auraient été méconnues doit être écarté dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles dont il s'agit ne sont pas situées dans une agglomération ni même à proximité immédiate d'une agglomération et ne peuvent, par ailleurs, être regardées comme des immeubles à utilisation spéciale au sens des dispositions précitées ;
Sur le moyen tiré de la violation de la chose jugée :
Considérant que, pour annuler la décision du 23 juin 1981 par laquelle la commission départementale de réorganisation foncière et de remembrement de la Sarthe s'est à nouveau prononcée sur la réclamation des consorts Y... contre les opérations de remembrement dans la commune de Brulon, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, s'est fondé, par son arrêt du 5 février 1986, sur un moyen tiré de la violation du 2ème alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 67-809 du 22 septembre 1967 complété par l'article 4-IV de la loi n° 75-621 du 11 juillet 1975, aux termes duquel "dans toute commune où un remembrement rural a été ordonné ... les terrains nécessaires à l'exécution ultérieure des équipements communaux pourront, à la demande du conseil municipal, être attribués à la commune dans le plan de remembrement ..." dès lors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis au Conseil d'Etat que la condition de la demande du conseil municipal, posée par la loi pour l'attribution à la commune des terrains nécessaires à la réalisation ultérieure des équipements communaux, n'avait pas été en l'espèce satisfaite ;

Considérant que, s'il résulte de l'arrêt précité du 5 février 1986, que la commission départementale avait illégalement attribué à la commune des terrains apportés par les consorts Y..., la commission nationale de remembrement, qui ne pouvait remettre en cause les attributions de ces terrains qui, à la date à laquelle elle a statué, servaient d'assiette à un ouvrage public communal, a pu à bon droit, dans le cadre des compétences qui sont les siennes pour l'application de la législation sur le remembrement, se borner à rechercher si ces terrains auraient dû être réattribués à leurs propriétaires, les consorts Y... ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts Y... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 de la décision attaquée, la commission nationale d'aménagement foncier, qui n'a pas inexactement interprété les conclusions présentées par les consorts Y..., a rejeté le surplus de leur réclamation ;
Sur les conclusions de plein contentieux :
Considérant que si les consorts Y... se fondent sur les dispositions de l'article 32-1 du code rural pour obtenir réparation des dommages résultant de l'attribution à la commune de terrains qu'ils ont apporté au remembrement, le moyen tiré de la violation de ces dispositions, qui ne sont pas applicables aux circonstances de l'espèce, doit en tout état de cause être écarté ;
Considérant que si les consorts Y... soutiennent qu'un préjudice leur a été occasionné par la perte de certaines de leurs parcelles d'apport, ce préjudice n'est pas établi ; qu'en particulier il résulte de l'instruction que, dans le cadre du remembrement, le principe d'équivalence en valeur entre les apports et les attributions a été respecté, sous réserve de la soulte de 18 000 F accordée par la commission nationale pour compenser la perte d'arbres ; que les conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice doivent dès lors être rejetées ;

Mais considérant que les illégalités dont sont entachées les deux décisions de la commission départementale de remembrement en date du 30 mai 1979 et du 23 juin 1981, qui ont méconnu les dispositions de l'ordonnance du 22 septembre 1967, ont privé les consorts Y... d'un examen dans des conditions régulières de la réattribution d'un terrain et ont causé des troubles dans leurs conditions d'existence, en raison notamment de la procédure qu'ils ont dû engager depuis 1976 ; qu'il sera fait une juste appréciation du montant de ce préjudice en le fixant à la somme de 100 000 F, tous intérêts échus au jour de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer aux consorts Y... la somme qu'ils demandent au titre des sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : L'Etat est condamné à verser aux consorts Y... la somme de 100 000 F, tous intérêts échus au jour de la présente décision.
Article 2 : L'Etat versera aux consorts Y... une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts Y... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée aux consorts Y... et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

AGRICULTURE - REMEMBREMENT FONCIER AGRICOLE - ATTRIBUTIONS ET COMPOSITION DES LOTS - PARCELLES DEVANT OU NON ETRE REATTRIBUEES A LEURS PROPRIETAIRES (ARTICLE 20 DU CODE RURAL).

AGRICULTURE - REMEMBREMENT FONCIER AGRICOLE - COMMISSIONS DE REMEMBREMENT.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE.


Références :

Code rural 2-8, 20, 32-1
Loi 75-621 du 11 juillet 1975 art. 4
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 67-809 du 22 septembre 1967 art. 1


Publications
Proposition de citation: CE, 07 jui. 1993, n° 92029
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Aguila
Rapporteur public ?: Bonichot

Origine de la décision
Formation : 1 / 4 ssr
Date de la décision : 07/07/1993
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 92029
Numéro NOR : CETATEXT000007836425 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1993-07-07;92029 ?
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