Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 7 mars 1991 et 8 juillet 1991, présentés pour le DEPARTEMENT DE L'ALLIER, représenté par le président du conseil général en exercice ; le DEPARTEMENT DE L'ALLIER demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 28 décembre 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé l'ordonnance en date du 24 août 1990 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand décidant que le domicile de secours de M. X... est dans le département de la Saône-et-Loire, déclarant que l'intéressé n'a pas acquis d'autre domicile de secours et rejetant comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions du département de la Saône-et-Loire tendant à ce que les frais d'aide sociale exposés pour le bénéficiaire soient mis à la charge de l'Etat ;
2°) de décider que le domicile de secours de M. X... est dans le département de la Saône-et-Loire, et, subsidiairement, que les frais d'aide sociale exposés pour l'intéressé sont mis à la charge de l'Etat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Roul, Maître des requêtes,
- les observations de Me Vincent, avocat du DEPARTEMENT DE L'ALLIER et de Me Blondel, avocat du département de Saône-et-Loire,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions présentées par le Foyer Pierre Y... :
Considérant que le Foyer Pierre Y..., qui n'a pas eu la qualité de partie devant le juge du fond, n'est pas recevable à demander au juge de cassation que lui soient versés des intérêts moratoires sur les sommes qu'il estime lui être dues, pour l'hébergement de M. X..., par la collectivité débitrice de l'aide sociale à l'égard de ce dernier ;
Sur les conclusions du DEPARTEMENT DE L'ALLIER :
Considérant qu'aux termes de l'article 192 du code de la famille et de l'aide sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 6 janvier 1986 : " ... Les dépenses d'aide sociale sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile de secours", qu'aux termes du premier alinéa de l'article 193 du même code : "Nonobstant les dispositions des articles 102 à 111 du code civil, le domicile de secours s'acquiert par une résidence habituelle de trois mois dans un département postérieurement à la majorité ou à l'émancipation, sauf pour les personnes admises dans des établissements sanitaires ou sociaux, qui conservent le domicile de secours qu'elles avaient acquis avant leur entrée dans l'établissemen. Le séjour dans ces établissements est sans effet sur le domicile de secours" et qu'aux termes du second alinéa du même article : "Pour les prestations autres que celles de l'aide sociale à l'enfance, l'enfant mineur non émancipé a le domicile de secours de la personne qui exerce l'autorité parentale ou la tutelle confiée en application de l'article 390 du code civil" ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées au dossier soumis aux juges du fond qu'à la date du 2 juillet 1990 à laquelle M. X... a demandé à bénéficier de l'aide sociale prévue par les dispositions combinées des articles 164 et 166 du code de la famille et de l'aide sociale en ce qui concerne le forfait journalier dû pour son placement dans un établissement ainsi que les frais de son placement chez des particuliers, ce handicapé n'avait acquis, postérieurement à sa majorité survenue le 6 octobre 1987, aucun domicile de secours dès lors qu'il était hébergé depuis le 4 septembre 1983 à l'institut médico-éducatif "Les Charmettes" à Yzeure dans l'Allier, qui est au nombre des établissements mentionnés par les dispositions précitées du premier alinéa de l'article 193 du code de la famille et de l'aide sociale ; qu'en vertu de ces dernières dispositions, M. X... avait pu conserver un domicile de secours acquis avant son entrée à l'institut "Les Charmettes" ; que, l'intéressé étant mineur lors de son entrée dans cet établissement, son domicile de secours devait être déterminé en application des dispositions précitées du second alinéa de l'article 193 du code de la famille et de l'aide sociale ; que, dès lors, en omettant de rechercher si M. X... avait conservé un domicile de secours acquis avant son entrée dans l'établissement sur le fondement de ces dernières dispositions, la cour administrative d'appel de Lyon a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite, le DEPARTEMENT DE L'ALLIER est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions présentées en appel par le département de la Saône-et-Loire :
Considérant qu'il résulte des déclarations non contestées du département de Saône-et-Loire que M. X..., enfant, a été admis en qualité de pupille de l'Etat ; que le préfet de Saône-et-Loire exerçait donc, en vertu de l'article 60 du code de la famille et de l'aide sociale, la fonction de tuteur ; que M. X... doit donc être regardé comme ayant acquis dans ce département un domicile de secours pour les prestations d'aide sociale qu'il demande, qui ne sont pas des prestations d'aide sociale à l'enfance ; qu'il résulte dès lors des dispositions précitées des deux alinéas de l'article 193 du code de la famille et de l'aide sociale que, lors de sa demande d'aide sociale, M. X... avait son domicile de secours dans le département de la Saône-et-Loire ; que, par suite, le département de la Saône-et-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par une ordonnance en date du 24 août 1990, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fixé le domicile de secours de M. X... dans le département de la Saône-et-Loire ;
Article 1er : L'arrêt en date du 28 décembre 1990 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : La requête présentée par le département de la Saône-et-Loire devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par le Foyer Pierre Y... sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE L'ALLIER, au département de la Saône-et-Loire, au Foyer Pierre Y... et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.