Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 14 mai et 14 septembre 1992, présentés pour la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, dont le siège est ... (93516) ; la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 92-229 du 12 mars 1992 modifiant le chapitre III du titre 1er du livre V du code du travail et relatif à l'élection des conseillers prud'hommes ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 14 232 F au titre de l'article 71-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi du 13 décembre 1926 portant code du travail maritime, modifiée ;
Vu le décret n° 59-1337 du 20 novembre 1959 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Roul, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : "Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution" ; que, s'agissant d'un acte de nature réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution de cet acte ;
Considérant que le décret attaqué, qui modifie les dispositions du code du travail relatives à l'élection des conseillers prud'hommes, n'appelait, quelle que soit la compétence attribuée au tribunal d'instance par l'article 2 du décret n° 59-1337 du 20 novembre 1959 pour certains litiges concernant des contrats d'engagement régis par le code du travail maritime, aucune mesure réglementaire ou individuelle de la part du ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace ou du secrétaire d'Etat chargé de la mer ; que dès lors, la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL n'est pas fondée à soutenir qu'il serait entaché d'illégalité faute d'avoir été revêtu du contreseing de ces deux membres du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte des 5ème et 6ème alinéas de l'article L. 513-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'article 1er du décret attaqué, que, pour l'établissement de la liste des électeurs des conseillers prud'hommes, l'employeur communique à l'autorité administrative compétente les déclarations relatives aux salariés qu'il emploie ; que, si le nouvel article R. 513-11 du même code résultant de l'article 2 du décret attaqué dispose que l'employeur adresse ces déclarations à un centre informatique déterminé par le ministre chargé du travail, il résulte également des dispositions de cet article que le centre informatique se borne à procéder au traitement des déclarations avant de les envoyer au maire compétent, lequel est ainsi le destinataire des informations communiquées par l'employeur ; que, dès lors, d'une part, le destinataire désigné par la disposition réglementaire attaquée est une autorité administrative conformément aux dispositions susmentionnées des 5ème et 6ème alinéas du nouvel article L. 513-3 du code du travail, et d'autre part, cette disposition réglementaire, qui se borne à désigner l'autorité administrative compétente, ne porte atteinte à aucun principe fondamental du droit du travail relevant du domaine de la loi ;
Considérant qu'il résulte des dispositions du 7ème alinéa de l'article L. 513-3 du code du travail ainsi que de celles de l'article R. 513-16 du même code issues de l'article 6 du décret attaqué que le maire est seul compétent pour arrêter la liste des électeurs après le contrôle qu'il lui appartient d'exercer sur les déclarations des employeurs, en tenant compte notamment des observations écrites des salariés mentionnées au 6ème alinéa de l'article L. 513-3 et à l'article R. 513-14 dudit code ; que le traitement préalable des déclarations par le centre informatique déterminé par le ministre chargé du travail, prévu par l'article R. 513-11 du code du travail, issu de l'article 2 du décret attaqué, n'a ni pour objet, ni pour effet de porter atteinte à la compétence attribuée au maire pour établir la liste électorale par le 7ème alinéa de l'article L. 513-3 du même code ; qu'il ne porte pas davantage atteinte à la liberté de vote et à l'égalité des électeurs ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL n'est pas fondée à demander l'annulation du décret n° 92-229 du 12 mars 1992 modifiant le chapitre III du titre 1er du livre V du code du travail et relatif à l'élection des conseillers prud'hommes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.