La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/07/1993 | FRANCE | N°140221

France | France, Conseil d'État, 7 /10 ssr, 28 juillet 1993, 140221


Vu la requête, enregistrée le 6 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la ville de BOIS-COLOMBES ; la ville demande au Conseil d'Etat :
1°/ d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 9 juillet 1992 en tant que le tribunal administratif annule la délibération du conseil municipal en date du 25 septembre 1990 décidant la suppression de l'emplacement réservé pour espace vert n° 81, la délibération du 29 novembre 1990 créant la zone d'aménagement concerté "lieu originel Bourguignons-Déroulède" et la délibération

du 11 juillet 1991 en tant qu'elle approuve le plan d'aménagement de zon...

Vu la requête, enregistrée le 6 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la ville de BOIS-COLOMBES ; la ville demande au Conseil d'Etat :
1°/ d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 9 juillet 1992 en tant que le tribunal administratif annule la délibération du conseil municipal en date du 25 septembre 1990 décidant la suppression de l'emplacement réservé pour espace vert n° 81, la délibération du 29 novembre 1990 créant la zone d'aménagement concerté "lieu originel Bourguignons-Déroulède" et la délibération du 11 juillet 1991 en tant qu'elle approuve le plan d'aménagement de zone modifié et le programme des équipements publics et condamne la ville de BOIS-COLOMBES à verser la somme de 15 000 F à M. B... en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°/ de condamner M. X..., Mme Y... et M. B... à payer la somme de 40 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°/ de rejeter la demande présentée par MM. B... et X... et A...
Y... devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Lesquen, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Peignot, Garreau, avocat de la ville de BOIS-COLOMBES,
- les conclusions de M. Lasvignes, Commissaire du gouvernement ;

Sur la délibération du conseil municipal de Bois-Colombes en date du 25 septembre 1990 :
Considérant que, par sa délibération du 25 septembre 1990, le conseil municipal de Bois-Colombes a modifié le plan d'occupation des sols de la ville, approuvé le 21 février 1983, en supprimant un emplacement réservé qui avait été inscrit à ce plan au bénéfice de la commune, sur le fondement des dispositions de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, en vue de la réalisation d'un espace vert ; qu'il ressort des pièces du dossier que, compte tenu des projets d'aménagement d'espaces verts envisagés dans la même partie du territoire communal, le conseil municipal n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant de supprimer cet emplacement réservé ; qu'ainsi, c'est à tort que, pour annuler, par le jugement attaqué, la délibération du 25 septembre 1990, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que cette délibération serait entachée d'une telle erreur ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen invoqué par M. B... devant le tribunal administratif à l'encontre de la délibération du 25 septembre 1990 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-4 du code de l'urbanisme : "Un plan d'occupation des sols approuvé peut ... être modifié par délibération du conseil municipal après enquête publique à la condition qu'il ne soit pas porté atteinte à son économie générale et que la modification ne concerne pas les espaces boisés classés ou ne comporte pas de graves risques de nuisance. - Toutefois, lorsque la modification ne concerne que la suppression ou la réduction d'un emplacement réservé inscrit au plan d'occupation des sols au bénéfice d'une commune ..., il n'y a pas lieu de procéder à une enquête publique. Cette disposition n'est applicable que pour les terrains non acquis par la commune ..." ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'emprise de l'emplacement réservé supprimé par la délibération attaquée ait comporté des terrains acquis par la ville ; qu'ainsi, en application des dispositions précitées, cette délibération n'avait pas à être précédée d'une enquête publique ; que, dès lors, la ville de BOIS-COLOMBES est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé la délibération du 25 septembre 1990 ;
Sur les délibérations du conseil municipal de Bois-Colombes en date des 29 novembre 1990 et 11 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme : " ... Des prescriptions nationales ou des prescriptions particulières à certaines parties du territoire sont fixées en application de lois d'aménagement et d'urbanisme. - ... Les schémas directeurs, les schémas de secteur, les plans d'occupation des sols et les documents d'urbanisme en tenant lieu doivent être compatibles avec leurs dispositions" ; qu'aux termes de l'article L. 141-1 du même code : " ... Le schéma directeur de la région d'Ile-de-France a les mêmes effets que les prescriptions définies en application de l'article L. 111-1-1" ; qu'aux termes de l'article L. 311-4 : "Il est établi, dans chaque zone d'aménagement concerté, un plan d'aménagement de zone compatible avec les orientations du schéma directeur, s'il en existe un ..." ;
Considérant que le schéma directeur de la région d'Ile-de-France, approuvé par un décret du 1er juillet 1976, prévoit notamment, pour le secteur dans lequel est compris le territoire de la ville de BOIS-COLOMBES, un "contrôle rigoureux de la densification du bâti", en prescrivant de veiller "en particulier à freiner toute extension de l'habitat collectif dans les zones pavillonnaires", et une "adaptation des centres anciens par la réhabilitation plutôt que par la rénovation (avec des équipements de service suffisamment développés)" ; que, si la zone d'aménagement concerté du "lieu originel Bourguignons-Déroulède" a été créée pour la réalisation d'habitations collectives comprenant 175 logements et de locaux destinés à l'exercice d'activités professionnelles, il ressort des pièces du dossier que cette zone, dont la superficie est seulement d'environ 7 600 mètres carrés, est située dans une partie du territoire communal qui ne présente pas un caractère exclusivement pavillonnaire ; qu'en raison de leur état dégradé, beaucoup des constructions existantes ne peuvent faire l'objet d'une réhabilitation ; qu'ainsi, l'opération envisagée ne porte pas atteinte aux orientations générales fixées par le schéma directeur de la région d'Ile-de-France ; que, par suite, le plan d'aménagement de zone, approuvé par la délibération du conseil municipal de Bois-Colombes en date du 29 novembre 1990, ne peut être regardé comme incompatible avec le schéma directeur ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler cette délibération et, par voie de conséquence, la délibération du 11 juillet 1991 approuvant la modification du plan d'aménagement et le programme des équipements publics de la zone, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que ces décisions méconnaîtraient les dispositions précitées de l'article L. 311-4 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. X..., Mme Y... et M. B... devant le tribunal administratif à l'encontre des délibérations des 29 novembre 1990 et 11 juillet 1991 ;
Considérant qu'aux termes de l'enquête publique organisée sur le projet de plan d'aménagement de zone, le commissaire-enquêteur a émis plusieurs réserves, dont l'une avait pour objet que la superficie affectée aux espaces verts à l'intérieur de la zone fût accrue conformément aux recommandations énoncées dans une circulaire interministérielle du 8 février 1973 ; qu'il est constant que cette réserve n'a pas été prise en compte pour l'établissement du plan d'aménagement de zone soumis à l'approbation du conseil municipal ; qu'ainsi, les conclusions du commissaire-enquêteur ne pouvaient être regardées comme favorables ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'urbanisme : " ... Le projet de plan d'aménagement de zone est soumis à une enquête publique dans les formes prévues par les articles R. 11-14-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Toutefois, lorsque la création de la zone relève de la compétence du conseil municipal ..., le maire ... exerce les compétences attribuées au préfet par les articles R. 11-14-2 à R. 11-14-5 et R. 11-14-7 à R. 11-14-15 dudit code" ; qu'aux termes de l'article R. 11-14-14 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " ... Lorsque l'opération projetée doit être exécutée sur le territoire et pour le compte d'une seule commune et si les conclusions du commissaire-enquêteur ... sont défavorables à l'adoption du projet, le conseil municipal est appelé à émettre son avis par une délibération motivée dont le procès-verbal est joint au dossier transmis au sous-préfet ; celui-ci transmet ensuite l'ensemble des pièces au préfet avec son avis ..." ; qu'il ressort de ces dispositions combinées que, dans le cas où la création d'une zone d'aménagement concerté ressortit à la compétence du conseil municipal, la délibération approuvant le plan d'aménagement de zone doit énoncer les motifs pour lesquels le conseil municipal n'a pas cru devoir se conformer aux réserves exprimées par le commissaire-enquêteur ; que la délibération du conseil municipal de Bois-Colombes en date du 29 novembre 1990, qui ne comporte aucun motif de cette nature, est entachée d'une illégalité ; que, dès lors, la ville de BOIS-COLOMBES n'est pas fondée à se plaindre que le tribunal administratif de Paris a annulé cette délibération et, par voie de conséquence, la délibération du 11 juillet 1991 ;
Sur les frais exposés par M. B... devant le tribunal administratif :

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné la ville de BOIS-COLOMBES à payer la somme de quinze mille francs à M. B... au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif ait fait une inexacte appréciation du montant des frais exposés en première instance par M. B... ; que, par suite, les conclusions de la ville tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; que ces dispositions font obstacle à ce que M. X..., Mme Y... et M. B... qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à payer la somme demandée par la ville de BOIS-COLOMBES au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de condamner la ville à verser à M. B... sur le fondement des dispositions précitées, la somme de cinq mille francs ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 9 juillet 1992 est annulé en tant que le tribunal administratif a annulé la délibération du conseil municipal de Bois-Colombes en date du 25 septembre 1990.
Article 2 : La demande présentée par M. Philipe B... devant le tribunal administratif de Paris et dirigée contre la délibération du conseil municipal de Bois-Colombes en date du 25 septembre 1990 est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la ville de BOIS-COLOMBES est rejeté.
Article 4 : La ville de BOIS-COLOMBES est condamnée à payer la somme de cinq mille francs à M. Philippe B....
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la ville de BOIS-COLOMBES, à M. Patrick X..., à Mme Catherine Z..., à M. Philippe B... et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Formation : 7 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 140221
Date de la décision : 28/07/1993
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

54-06-05-11 PROCEDURE - JUGEMENTS - FRAIS ET DEPENS - REMBOURSEMENT DES FRAIS NON COMPRIS DANS LES DEPENS -Appréciation par le juge - Contrôle du juge d'appel - Contrôle normal (sol. impl.).

54-06-05-11 Le Conseil d'Etat statuant comme juge d'appel contrôle l'exactitude de l'appréciation faite par les premiers juges du montant des frais exposés en première instance par la partie en ayant obtenu le remboursement (sol. impl.).


Références :

Circulaire du 08 février 1973
Code de l'expropriation R11-14-14
Code de l'urbanisme L123-1, L123-4, L111-1-1, L141-1, L311-4, L311-12
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 76-577 du 01 juillet 1976
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75 I


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 1993, n° 140221
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. de Lesquen
Rapporteur public ?: M. Lasvignes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:140221.19930728
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award