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01/10/1993 | FRANCE | N°104611

France | France, Conseil d'État, 4 ss, 01 octobre 1993, 104611


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 janvier 1989 et 18 mai 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Dominique X..., demeurant Maison médicale, Vers-sur-Selle à Saleux (80480) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule une décision du 6 octobre 1988 par laquelle la section des assurances sociales du conseil de l'Ordre des médecins lui a infligé la sanction d'un an d'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux et lui a refusé le bénéfice de l'amnistie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le c

ode de déontologie médicale ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 janvier 1989 et 18 mai 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Dominique X..., demeurant Maison médicale, Vers-sur-Selle à Saleux (80480) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule une décision du 6 octobre 1988 par laquelle la section des assurances sociales du conseil de l'Ordre des médecins lui a infligé la sanction d'un an d'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux et lui a refusé le bénéfice de l'amnistie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de déontologie médicale ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Robineau, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Piwnica, Molinié, avocat de M. Dominique X..., de la S.C.P. Rouvière, Boutet, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme et de la S.C.P. Vier, Barthélemy, avocat du conseil national de l'ordre des médecins,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 145-21 du code de la sécurité sociale relatif à l'appel contre les décisions rendues par les sections des assurances sociales des conseils régionaux de discipline des médecins, "peuvent faire appel, en outre des parties intéressées : 1°) les organismes d'assurance maladie ..." ; que l'appel est recevable même s'il tend seulement à une aggravation de la sanction prononcée par les premiers juges ; que dès lors M. X... n'est pas fondé à soutenir que l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme contre la décision du 11 février 1987, par laquelle la section des assurances sociales du conseil régional de l'Ordre des médecins de Picardie l'avait condamné à une interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant trois mois, était irrecevable ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ... "publiquement ... par un tribunal ... qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit sur le bien-fondé de toute accusation en matière pénale ..." ; que les juridictions disciplinaires ne statuent pas en matière pénale et ne tranchent pas de contestations sur des droits et obligations de caractère civil ; que, dès lors, les dispositions précitées de l'article 6 de la convention européenne ne leur sont pas applicables ;
Sur la méconnaissance de l'article 30 du code de déontologie médicale :

Considérant qu'aux termes de l'article 30 du code de déontologie médicale : "Les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage, comme salutaire ou sans danger, un remède ou procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé. Toute pratiqe de charlatanisme leur est interdite" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. X... propose à ses patients, dont certains sont atteints de cancer ou de sclérose en plaques, des traitements ou des procédés dont la section des assurances sociales a souverainement apprécié qu'ils ne reposaient sur aucune base scientifique sérieuse ; que la section des assurances sociales, qui n'a pas nié que M. X... utilisait par ailleurs des procédés et des méthodes éprouvés et reconnus, n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis ; qu'en jugeant que les premiers de ces faits constituaient une violation des dispositions de l'article 30 du code de déontologie médicale et de l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale, la section des assurances sociales les a exactement qualifiés ; que ces faits, qui faisaient courir aux patients un risque injustifié, sont contraires à l'honneur et échappent ainsi aux dispositions de l'article 14 de la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Sur la méconnaissance de l'article 36 du code de déontologie médicale :
Considérant qu'aux termes de l'article 36 du code de déontologie médicale : "Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant, dans toute la mesure du possible, des méthodes scientifiques les plus appropriées et, s'il y a lieu, en s'entourant des concours les plus éclairés" ;

Considérant qu'en estimant que M. X... a prescrit de manière fréquente des "bilans phytothérapiques européens" sans considération de la situation spécifique de chaque patient et qu'il a ainsi élaboré son diagnostic sans discernement, la section des assurances sociales n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis et qui, contraires à l'honneur, échappent aux dispositions de l'article 14 de la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Sur les abus de cotation et les actes inutiles :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. X... a coté des actes qui n'étaient pas prévus par la nomenclature générale des actes professionnels ; que l'appréciation portée par la section des assurances sociales selon laquelle M. X... aurait établi des demandes d'entente préalable pour rééducation orthophonique en faveur d'enfants qui n'étaient pas justiciables de cette thérapie ne peut être discuté devant le Conseil d'Etat, juge de cassation ; que ces faits constituent des abus au sens des dispositions de l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale ; qu'ils sont, dans les circonstances de l'espèce, contraires à la probité et qu'ils échappent par suite aux dispositions de l'article 14 de la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Considérant enfin que l'appréciation à laquelle se livre la section des assurances sociales pour décider d'une sanction déterminée, compte tenu des faits reprochés à l'intéressé, n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ; qu'ainsi M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 6 octobre 1988 de la section des assurances sociales du conseil national de l'Ordre des médecins ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au conseil national de l'Ordre des médecins et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.


Synthèse
Formation : 4 ss
Numéro d'arrêt : 104611
Date de la décision : 01/10/1993
Type d'affaire : Administrative

Analyses

55-04-02-04-01-01 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - SANCTIONS - AMNISTIE - FAITS CONTRAIRES A LA PROBITE, AUX BONNES MOEURS OU A L'HONNEUR - MEDECINS


Références :

Code de la sécurité sociale R145-21, L145-1
Loi 88-828 du 20 juillet 1988 art. 14


Publications
Proposition de citation : CE, 01 oct. 1993, n° 104611
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Robineau
Rapporteur public ?: Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:104611.19931001
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