Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 octobre 1987 et 1er février 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DE LA PROPRIETE AGRICOLE, dont le siège est ... ; la FEDERATION NATIONALE DE LA PROPRIETE AGRICOLE demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir :
1°) le décret n° 87-606 du 31 juillet 1987 relatif aux transferts de quantités de référence laitières ;
2°) la circulaire du ministre de l'agriculture, en date du 14 août 1987, relative aux transferts de quantités de référence laitières ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne ;
Vu les règlements du conseil et de la commission des communautés européennes n° 856/84, 857/84, 1371/84 et 1211/87 ;
Vu le décret n° 84-661 du 17 juillet 1984 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Glaser, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Tiffreau, Thouin-Palat, avocat de la FEDERATION NATIONALE DE LA PROPRIETE AGRICOLE,
- les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne le décret du 31 juillet 1987 :
Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 34 de la Constitution :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 7 du règlement de la commission des communautés européennes n° 857/84 du 31 mars 1984 modifié en dernier lieu par le règlement n° 774/87 du 16 mars 1987 : "En cas de vente, location ou transmission par héritage d'une exploitation, la quantité de référence correspondante est transférée en totalité ou partiellement à l'acquéreur, au locataire ou à l'héritier selon des modalités à déterminer (...) Les Etats membres peuvent prévoir qu'une partie des quantités en cause soit ajoutée à la réserve visée à l'article 5" ; que, d'autre part, aux termes de l'article 5 du règlement du conseil des communautés européennes n° 1371/84 du 16 mai 1984 : "En cas de vente, location ou transmission par héritage d'une ou plusieurs parties d'une exploitation, la quantité de référence correspondante est répartie entre les producteurs qui reprennent l'exploitation en fonction des surfaces utilisées pour la production laitière ou d'autres critères objectifs établis par les Etats membres. Les Etats membres peuvent ne pas prendre en compte les parties transférées dont la surface utilisée pour la production laitière est inférieure à une superficie minimale qu'ils déterminent" ;
Considérant, en premier lieu, que si le décret attaqué soumet, en cas de vente, location, donation ou transmission par héritage de tout ou partie d'une exploitation, les transferts des quantités de référence correspondantes à certaines restrictions fondée les unes sur le volume des quantités de référence en cause, les autres sur les superficies d'exploitation transférées, les limitations ainsi apportées au libre exercice du droit de propriété et à la liberté du commerce et de l'industrie trouvent leur fondement dans les règlements communautaires précités pour l'application desquels ils ont été pris ; qu'ainsi, la fédération requérante ne saurait utilement se prévaloir à l'encontre dudit décret d'une méconnaissance des dispositions de l'article 34 de la Constitution qui réservent au législateur la fixation des principes fondamentaux du régime de la propriété des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;
Considérant, en second lieu, que le décret, s'il s'applique au cas de transmission de tout ou partie d'une exploitation par voie d'héritage ou de donation, ne comporte aucune disposition modifiant les règles concernant les successions et libéralités relevant de la compétence du législateur en vertu de l'article 34 de la Constitution ;
Sur le moyen tiré de ce que les articles 1er, 2, 3 (premier alinéa) et 6 du décret attaqué méconnaîtraient la réglementation communautaire :
Considérant que les articles 1er et 2 du décret attaqué fixent les conditions dans lesquelles s'opère le transfert des quantités de référence laitières en cas de transfert de la totalité d'une exploitation ; que l'article 1er vise le cas où le nouvel exploitant ne bénéficie d'aucune quantité de référence et l'article 2 le cas où le transfert d'exploitation a pour résultat la réunion d'exploitations laitières ; que, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, l'article 1er susanalysé qui ne concerne qu'une hypothèse de transfert de la totalité d'une exploitation ne soumet le transfert des quantités de référence correspondantes à aucune condition non prévue par la réglementation communautaire ; que les limitations apportées par les articles 2, 3 et 6 au transfert des quantités de référence en cas de transfert total ou partiel d'une exploitation ou de reprise d'une exploitation par le bailleur, lorsque le total des quantités de référence en résultant dépasse un seuil qui ne peut être inférieur à 200 000 litres, sont conformes aux dispositions précitées qui prévoient la possibilité pour les Etats membres d'affecter une partie des quantités de référence à la réserve nationale et de moduler les quantités affectées à la réserve selon des critères tenant à la dimension de l'exploitation ;
Sur la légalité du second alinéa de l'article 3 du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1371/84 du 16 mai 1984 : "En cas de vente, location ou transmission par héritage d'une ou plusieurs parties d'exploitation ... les Etats membres peuvent ne pas prendre en compte les parties transférées dont la surface utilisée pour la production laitière est inférieure à une superficie minimale qu'ils déterminent" ;
Considérant qu'en l'absence d'autre précision dans le règlement communautaire et alors même que de nombreuses exploitations agricoles françaises ont une superficie inférieure à 20 ha, les auteurs du décret attaqué n'ont ni méconnu les dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 16 mai 1984 ni commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant que : "Lorsque la superficie transférée est inférieure à 20 hectares la partie de la quantité de référence correspondante est ajoutée à la réserve nationale" ;
En ce qui concerne la circulaire du 14 août 1987 :
Considérant, d'une part, qu'en prévoyant que le transfert des quantités de référence s'opère en cas de transfert de tout ou partie d'une exploitation résultant des actes de vente, location, donation ou transmission par héritage et "de tous les actes comportant des effets juridiques comparables", la circulaire attaquée qui ne fait, d'ailleurs, que reproduire sur ce point les termes de l'article 5 du règlement (CEE) n° 1371/84 modifié par le règlement (CEE) n° 1681/87 du 16 juin 1987 n'a fait qu'interpréter les dispositions du décret attaqué sans y ajouter aucune règle nouvelle ; qu'il en va de même des dispositions de la circulaire précisant qu'il y a transfert total de l'exploitation "si le cédant ne conserve par devers lui qu'une superficie au plus égale à la parcelle de subsistance", et de celles relatives au cas de reprise d'une exploitation par le bailleur lorsque celui-ci ne donne pas son accord écrit à la mise à la disposition du preneur sortant de la quantité de référence correspondante ; que la fédération requérante n'est, dès lors, pas recevable à critiquer ces dispositions de la circulaire ;
Considérant, d'autre part, que le ministre de l'agriculture était compétent, en vertu du pouvoir général qu'il détient d'organiser ses services, pour déterminer, par la circulaire attaquée, la procédure administrative à suivre pour obtenir, en cas de transfert d'exploitation, le transfert des quantités de référence correspondant et prescrire au préfet, dans les cas litigieux, de recueillir l'avis de la section laitière de la commission mixte départementale ; que la fédération requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les dispositions susanalysées sont entachées d'incompétence ;
Article 1er : La requête de la FEDERATION NATIONALE DE LA PROPRIETE AGRICOLE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DE LA PROPRIETE AGRICOLE et au ministre de l'agriculture et de la pêche.