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01/10/1993 | FRANCE | N°96424

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 01 octobre 1993, 96424


Vu le recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION, enregistré le 25 mars 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
1°) remette à la charge du comité interprofessionnel du logement de Voiron la fraction des cotisations d'impôt sur les sociétés (droits simples) auxquelles il doit être assujetti au titre des exercices clos le 31 janvier des années 1978 à 1982, à raison des revenus de capitaux mobiliers procurés par le placement des fonds en attente d'emploi et dont le mo

ntant sera à déterminer par telle mesure d'instruction que le C...

Vu le recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE LA PRIVATISATION, enregistré le 25 mars 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande que le Conseil d'Etat :
1°) remette à la charge du comité interprofessionnel du logement de Voiron la fraction des cotisations d'impôt sur les sociétés (droits simples) auxquelles il doit être assujetti au titre des exercices clos le 31 janvier des années 1978 à 1982, à raison des revenus de capitaux mobiliers procurés par le placement des fonds en attente d'emploi et dont le montant sera à déterminer par telle mesure d'instruction que le Conseil d'Etat voudra bien ordonner ;
2°) réforme en ce sens le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 novembre 1987 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Hagelsteen, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;

Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts :"1 ... Sont passibles de l'impôt sur les sociétés ... toutes ... personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ... 5 ... Les établissements publics ... ainsi que les associations et collectivités non soumis à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition sont assujettis audit impôt en raison : a) de la location des immeubles bâtis et non bâtis dont ils sont propriétaires, et de ceux auxquels ils ont vocation en qualité de membres de sociétés immobilières de copropriété visées à l'article 1655 ter, b) de l'exploitation des propriétés agricoles ou forestières ; c) des revenus de capitaux mobiliers dont ils disposent - à l'exception des dividendes des sociétés françaises - lorsque ces revenus n'entrent pas dans le champ d'application de la retenue à la source visée à l'article 119 bis ..." ;
Considérant que le Comité interprofessionnel du logement de Voiron, qui a le statut d'une association à but non lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901, est chargé de collecter la participation des employeurs à l'effort de construction instituée par l'article L.313-1 du code de la construction et de l'habitation et de promouvoir le logement social conformément aux dispositions de ce texte ; que, s'il procède, dans l'accomplissement de cette mission, à l'octroi de prêts à intérêt pour les candidats à la construction, il est constant qu'il ne peut, en vertu des disposiions réglementaires applicables, accorder ces prêts qu'à des catégories particulières de bénéficiaires regardés comme socialement dignes d'intérêt et à des taux ou selon des modalités qui sont plus avantageuses que ceux du marché ; qu'il n'est pas allégué que les excédents éventuels de gestion seraient utilisés à des fins autres que celles qui sont prévues par la loi, ni que les membres de l'association retireraient un avantage matériel de l'activité déployée par celle-ci ; qu'il suit de là que le Comité ne se livre pas à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif, au sens des dispositions du 1 de l'article 206 et ne peut être assujetti à l'impôt sur les sociétés, au titre des années 1978 à 1982, sur le fondement desdites dispositions, mais seulement dans les limites qui sont définies au 5 de l'article 206 et au taux fixé à l'article 219 bis ;

Considérant que, pour l'application des dispositions du 5 de l'article 206, précitées, doivent être compris dans les bases d'imposition, ainsi que le soutient à bon droit l'administration, les revenus des capitaux mobiliers dont le comité dispose, et notamment les produits des placements de sommes en attente d'emploi, alors même que le Comité n'en aurait la disposition qu'à titre de dépositaire ; que doivent, en revanche, être exceptées de ces bases celles des recettes du comité qui ont été procurées par une activité indissociable du but non lucratif poursuivi par lui et dont la perception découle, non de la mise en valeur d'un patrimoine ou du placement de sommes disponibles, mais de la réalisation même de la mission désintéressée qui correspond à l'objet social du comité ;
Sur le bénéfice de l'exonération édictée par l'article 207-5° bis du code général des impôts :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 207 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 7 de la loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975 : "Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : ... 5° bis) Les organismes sans but lucratif mentionnés à l'article 261-7 1° pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée" ; qu'aux termes du 7 de l'article 261 du code, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée, d'une part, certaines catégories de services rendus à leurs membres par des organismes d'utilité générale dont la gestion est désintéressée, et, d'autre part, des opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales ;

Considérant, d'une part, que les revenus de capitaux mobiliers ou les produits des placements de sommes en attente d'emploi dont le Comité dispose ne peuvent être regardés, ni comme la contrepartie de services rendus à ses membres, ni comme le produit d'opérations faites à des prix homologués par l'autorité publique ou à des prix non comparables à ceux du secteur commercial ; qu'ainsi, le comité n'est pas fondé à revendiquer, pour ceux de ces revenus qu'il a perçus au cours des excercices clos de 1978 à 1982, le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés édictée par les dispositions précitées des articles 207 et 261 du code général des impôts ; qu'il ne peut davantage se prévaloir, sur le fondement de l'article 1649 quinquies E du même code, repris à l'article L.86-A du livre des procédures fiscales, au paragraphe 61 de l'instruction 477-2-77 de la direction générale des impôts du 27 mai 1977, qui ne donne pas de l'article 7 de la loi du 30 décembre 1975 une interprétation différente de celle que retient la présente décision ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE CHARGE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande du Comité interprofessionnel du logement de Voiron, dans la mesure où elle tendait à la décharge de la fraction de l'impôt sur les sociétés au taux de 24 %, à laquelle il a été assujetti à raison des produits des placements de sommes en attente d'emploi qu'il a perçus au cours des exercices ci-dessus indiqués ; qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que le montant imposable des intérêts afférents au placement des sommes en attente d'emploi s'élève, en l'espèce, à 1 252,83 F pour l'exercice 1977/1978, à 138 333,13 F pour l'exercice 1978/1979, à 9 625,27 F pour l'exercice 1979/1980, à 44 432,88 F pour l'exercice 1980/1981, à 69 475,23 F pour l'exercice 1981/1982 et que les cotisations d'impôt sur les sociétés correspondantes se montent, respectivement, à 301 F, 3 320 F, 2 310 F, 10 664 F et 16 674 F ; que ces sommes doivent être remises à la charge du Ccomité interprofessionnel du logement de Voiron ;
Article 1er : L'impôt sur les sociétés auquel le Comité interprofessionnel du logement de Voiron avait été assujetti au titredes années 1978 à 1982 est remis à sa charge, à concurrence de, respectivement, 301 F, 3 320 F, 2 310 F, 10 664 F et 16 674 F.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du20 novembre 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présentedécision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre du budget et au Comité interprofessionnel du logement de Voiron.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 96424
Date de la décision : 01/10/1993
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES


Références :

CGI 206, 207 bis, 207, 261, 1649 quinquies, 219 bis
CGI Livre des procédures fiscales L86 A
Code de la construction et de l'habitation L313-1
Instruction du 27 mai 1977
Loi du 01 juillet 1901
Loi 75-1278 du 30 décembre 1975 art. 7 Finances pour 1976


Publications
Proposition de citation : CE, 01 oct. 1993, n° 96424
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hagelsteen
Rapporteur public ?: Loloum

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1993:96424.19931001
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