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25/10/1993 | FRANCE | N°114955

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 25 octobre 1993, 114955


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 19 février 1990 et 13 juin 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 16 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a, d'une part, rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 22 mai 1986, par lequel le ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité, lui a infligé une sanction disciplinaire d'exclusion pour une durée de 8 jours, et, d

'autre part, rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lu...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 19 février 1990 et 13 juin 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 16 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a, d'une part, rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 22 mai 1986, par lequel le ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité, lui a infligé une sanction disciplinaire d'exclusion pour une durée de 8 jours, et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser son traitement supprimé pendant la durée de son exclusion, ainsi que les primes de sujétions spéciales non versées pendant la période au cours de laquelle il a été suspendu de ses fonctions ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) d'annuler la décision par laquelle le ministre a refusé de constater que le bénéfice de l'amnistie lui était acquis ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser lesdites sommes, ainsi que les intérêts et les intérêts des intérêts ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu le décret n° 68-70 du 24 janvier 1968 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires des services actifs de la police nationale ;
Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Laigneau, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Vier, Barthélemy, avocat de M. Jacques Y...,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 1986, par lequel le ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité, a infligé à M. Y... une sanction disciplinaire d'exclusion pour une durée de 8 jours :
Considérant que par un arrêté du 22 mai 1986, le ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité, a infligé au requérant une sanction disciplinaire d'exclusion pour une durée de 8 jours ; que ledit arrêté ayant été signé par M. X..., directeur du personnel et de la formation de la police, en vertu d'une délégation régulière donnée par un arrêté du ministre du 29 avril 1986 publié au Journal Officiel le 8 mai 1986, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été signé par un autorité incompétente ne saurait être accueilli ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 25 oçctobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, "l'organisme siégeant en conseil de discipline ... est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits" ;
Considérant que contrairement à ce que soutient le requérant, aucune disposition législative ou réglementaire n'obligeait l'administration à l'entendre préalablement à l'établissement du rapport de l'inspection générale des services qui a été soumis au conseil de discipline ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline, devant laquelle M. Y... a été appelé à comparaître le 22 janvier 1986, ait été saisie par une autorité autre que celle investie du pouvoir disciplinaire ; que la circonstance, d'une part, qu'un rapport collectif concernant les agissements de plusieurs fonctionnaires, parmi lesquels M. Y... a été présenté au conseil de discipline, et, d'autre part, que ledit rapport, établi le 7 février 1985, faisait état de son inculpation pour recel, alors qu'à la date de sa comparution devant le conseil de discipline, il bénéficiait d'un non-lieu depuis le 31 octobre 1985, est sans influence sur la régularité de la procédure, dès lors que, contrairement aux allégations du requérant, le rapport indiquait clairement les faits qui lui étaient reprochés et les circonstances dans lesquelles ils s'étaient produits, et qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que le conseil de discipline n'aurait pas procédé à un examen individuel de chacun des cas qui lui étaient soumis ;

Considérant que l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement qui statuent sur le fond de l'action publique ; que tel n'est pas le cas des ordonnances de non-lieu que rendent les juges d'instruction quelles que soient les constatations sur lesquelles elles sont fondées ; qu'ainsi l'ordonnance de non-lieu rendue le 31 octobre 1985 par le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance d'Evry en faveur de M. Y... n'avait pas l'autorité de la chose jugée, et ne faisait pas obstacle à ce que fût poursuivie la procédure disciplinaire engagée à son encontre, fondée non sur les poursuites pénales dont il faisait l'objet, mais sur les faits qui lui étaient reprochés ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... a acheté au gardien de la paix Grier des magnétoscopes sans s'interroger sur la provenance desdits appareils, pour les revendre avec bénéfice ; que ces faits étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu'en prononçant à l'encontre de M. Y..., à raison de ces faits, une sanction disciplinaire d'exclusion de ses fonctions avec privation de toute rémunération pour une durée de 8 jours, le ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé de la sécurité, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre a refusé de constater que le bénéfice de l'amnistie était acquis à M. Y... :

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie, "sont amnistiés les faits commis avant le 22 mai 1988 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions professionnelles ... Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie ... les faits constituant des manquements à la probité ... ou à l'honneur" ;
Considérant que les faits au vu desquels a été pris l'arrêté attaqué constituent un manquement à la probité et sont ainsi exclus du bénéfice de l'amnistie ; que dès lors les conclusions de M. Y... tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre a refusé de constater que le bénéfice de l'amnistie lui était acquis ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser à M. Y... la rémunération dont il a été privé pendant la période d'exclusion de ses fonctions :
Considérant que les conclusions de M. Y... tendant à l'annulation de la sanction disciplinaire dont il a fait l'objet ayant été rejetées par la présente décision, les conclusions du requérant tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la rémunération dont il a été privé en application de cette sanction ne peuvent, en tout état de cause, être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à verser au requérant des indemnités pour sujétions spéciales pour la période du 15 décembre 1984 au 16 décembre 1985 :

Considérant qu'au soutien de ses conclusions tendant au versement des indemnités statutaires pour sujétions spéciales pour la période du 15 décembre 1984 au 16 décembre 1985, M. Y... se prévaut de l'illégalité de la mesure de suspension pendant cette période prononcée à son encontre par un arrêté en date du 30 novembre 1984 du ministre de l'intérieur ; que cette décision est devenue définitive ; qu'ainsi le requérant ne peut exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions tendant au versement de l'indemnité pour sujétions spéciales de la période correspondante ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y... et auministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - MOTIFS - FAITS DE NATURE A JUSTIFIER UNE SANCTION.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - PROCEDURE - CONSEIL DE DISCIPLINE.


Références :

Loi 88-828 du 20 juillet 1988 art. 14


Publications
Proposition de citation: CE, 25 oct. 1993, n° 114955
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Laigneau
Rapporteur public ?: Daël

Origine de la décision
Formation : 5 / 3 ssr
Date de la décision : 25/10/1993
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 114955
Numéro NOR : CETATEXT000007827358 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1993-10-25;114955 ?
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