Vu 1°), sous le n° 103 419, la requête et le mémoire, enregistrés le 25 novembre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DE TRANSPORTS C.G.T., dont le siège est situé ... et pour le SYNDICAT C.G.T. D'AIR INTER, dont le siège est situé ... ; la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DE TRANSPORTS C.G.T. et le SYNDICAT C.G.T. D'AIR INTER demandent que le Conseil d'Etat annule le décret du 27 septembre 1988 autorisant la Société Air Inter à affrêter occasionnellement des aéronefs étrangers ;
Vu 2°), sous le n° 106 957, la requête, enregistrée le 2 mai 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DE TRANSPORTS C.G.T., dont le siège est ... et pour le SYNDICAT C.G.T. D'AIR INTER, dont le siège est situé ... ; la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DE TRANSPORTS C.G.T. et le SYNDICAT C.G.T. D'AIR INTER demandent au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 21 février 1989 autorisant la société Air Inter à affrêter occasionnellement des aéronefs étrangers ;
Vu 3°), sous le n° 116 308, la requête, enregistrée le 24 avril 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour : 1°/ la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DE TRANSPORTS C.G.T., dont le siège est ..., 2°/ le SYNDICAT AIR FRANCE - S.G.P.A.F., dont le siège est ..., 3°/ le SYNDICAT AIR FRANCE SICTAM, dont le siège est ..., 4°/ le SYNDICAT AIR INTER EXECUTION, dont le siège est ..., 5°/ le SYNDICAT AIR INTER CADRES, dont le siège est ..., 6°/ le COMITE D'ETABLISSEMENT T.A.T., Rousseau Avia - Aéroport de Dinard - Pleurtuit (35730), agissant poursuites et diligences de M. Michel X... mandaté à cet effet, 7°/ l'UNION SYNDICALE P.N.T. - T.A.T., dont le siège est ..., centra 373 à Rungis cédex (94596) ; les organisations requérantes demandent au Conseil d'Etat d'annuler :
1°) le décret du 20 février 1990 autorisant la compagnie de Transport Aérien Transrégional (T.A.T.) à utiliser temporairement des aéronefs étrangers ;
2°) le décret du 20 janvier 1990 autorisant la société Air Inter à utiliser occasionnellement des aéronefs étrangers ;
3°) le décret du 20 février 1990 autorisant la compagnie nationale Air France à affrêter temporairement des aéronefs étrangers pour des liaisons de cabotage ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 145, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Aberkane, Conseiller d'Etat,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DE TRANSPORTS C.G.T et du SYNDICAT C.G.T. D'AIR INTER,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions des requêtes n os 103419 et 106 957 tendant à l'annulation du décret du 27 septembre 1988 et du décret du 21 février 1989 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 11 juillet 1979 : "Doivent également être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le réglement" et qu'aux termes de l'article 3 : "La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision" ;
Considérant que l'autorisation d'affrêtement d'aéronefs étrangers a été accordée à titre occasionnel et temporaire à Air Inter par les décrets attaqués sur le fondement de l'article L.330-2 alinéa 2 du code de l'aviation civile, en vertu duquel le transport aérien commercial des personnes et des marchandises entre deux points situés dans le territoire français, en métropole et outre-mer est réservé aux aéronefs français, sous réserve de dérogations spéciales ; que lesdits décrets ont donc le caractère de décisions administratives individuelles qui dérogent à la règle générale et doivent être motivées en vertu des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'en se bornant à indiquer que cette autorisation est donnée à Air Inter "pour assurer sa mission de service public", les décrets litigieux ne satisfont pas aux conditions exigées par ladite loi, et sont par suite entachés d'illégalité ;
Sur les conclusions de la requête n° 116 308 tendant à l'annulation des décrets du 20 février 1990 :
Sur la légalité externe des décrets attaqués :
Considérant que pour accorder les autorisations d'affrêtement demandées, le ministre des transports a fait état des dispositions de l'article L.330-2 dans sa rédaction alors en vigueur du code de l'aviation civile et de l'impossibilité pour les compagnies Air France, Air Inter et Transport Aérien Transrégional (T.A.T.) de faire face à leurs obligations de service public "à raison d'un manque temporaire de pilotes et d'aéronefs adaptés" ; qu'en indiquant ainsi les conditions de droit et de fait qui en constituent le fondement, ces décisions ont satisfait aux exigences de motivation résultant de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant que contrairement aux allégations de la requête les articles L.330-6, L.421-5, R.330-4 et R.330-5 du code de l'aviation civile ne prévoient pas la consultation du conseil supérieur de l'aviation marchande ; que le moyen tiré de ce que la direction générale de l'aviation civile, qui n'est qu'un service du ministère, aurait dû émettre un avis sur le projet de décret ne peut qu'être rejeté ; qu'ainsi les décrets attaqués n'ont pas été pris sur une procédure irrégulière ;
Sur la légalité interne des décrets attaqués :
Considérant qu'aux termes de l'article L.330-1 du code précité : "Les personnes physiques françaises et les personnes morales ayant leur siège social en France ne peuvent exercer une activité de transport aérien public ... au moyen d'aéronefs immatriculés en France que si elles y ont été autorisées par l'autorité administrative. L'autorisation précise la durée pour laquelle elle est accordée, l'objet du transport, les liaisons ou les zones géographiques que l'entreprise peut desservir et le matériel qu'elle peut exploiter" ; qu'aux termes de l'article L.330-2 : "Le transport commercial des personnes et des marchandises entre deux points situés dans le territoire français ... est réservé aux aéronefs français, sous réserve de dérogations spéciales et temporaires qui peuvent être accordées par décret" ; qu'il résulte de l'application combinée de ces dispositions que les compagnies françaises, assurant une mission de transport aérien intérieur, peuvent être autorisées, sous certaines conditions, à utiliser les services d'aéronefs étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article L.330-1 doit être rejeté ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.330-2 alinéa 2 précité, l'administration peut, par décret, accorder aux compagnies de transport des dérogations spéciales et temporaires de recours à des aéronefs autres que français pour effectuer du transport aérien commercial intérieur ; que les décisions attaquées ont été prises pour permettre aux compagnies Air France, Air Inter et T.A.T. de faire face à une situation de pénurie en appareils et équipages, pour une période limitée de un mois ; qu'ainsi, les décrets litigieux ne violent pas les dispositions de l'article L.330-2 susrappelées ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.323-2 : "Toute entreprise frêtant un aéronef ... sur une opération de transport est soumise aux lois et réglements applicables au transport aérien public, quelle que soit l'utilisation faite par l'affrêteur de cet aéronef" ; que si ces dispositions font obligation à toute entreprise frêtant un aéronef de respecter les lois et réglements applicables au transport aérien public, elles n'imposent pas de contrôles préalables à la délivrance d'autorisation d'affrêtement ; qu'en tout état de cause, l'affrêteur français reste soumis à la réglementation française et au contrôle de l'Etat pour la conformité des normes techniques et des aptitudes de l'équipage de l'appareil affrêté ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les décrets attaqués violeraient l'article L.323-2 du code de l'aviation civile en ce qu'ils ne prévoient pas de contrôle à priori de l'opération d'affrêtement doit être rejeté ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des décrets attaqués du 20 février 1990 ;
Article 1er : Les décrets susvisés du 27 septembre 1988 et du 21 février 1989 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la requête n° 116 308 tendant à l'annulation des décrets du 20 février 1990 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS DE TRANSPORTS C.G.T., au SYNDICAT C.G.T. D'AIR INTER, au SYNDICAT AIR FRANCE S.G.P.A.F., au SYNDICAT AIR FRANCE S.I.C.T.A.M., au SYNDICAT AIR FRANCE EXECUTION, au SYNDICAT AIR INTER CADRES, au COMITE D'ETABLISSEMENT T.A.T., à l'UNION SYNDICALE P.N.T. - T.A.T. et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.