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10/12/1993 | FRANCE | N°57758

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 10 décembre 1993, 57758


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mars et 19 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE PLEMET (Côtes d'Armor), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE PLEMET demande au Conseil d'Etat :
1°) de réformer le jugement du 19 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Rennes a limité à 476 377,25 F au titre des travaux et à 10 000 F au titre des troubles de jouissance les sommes que l'entreprise Brosolo est condamnée à lui verser en réparation des désordres affectant

le collège d'enseignement secondaire de ladite commune ;
2°) de co...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mars et 19 juillet 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE PLEMET (Côtes d'Armor), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE PLEMET demande au Conseil d'Etat :
1°) de réformer le jugement du 19 janvier 1984 par lequel le tribunal administratif de Rennes a limité à 476 377,25 F au titre des travaux et à 10 000 F au titre des troubles de jouissance les sommes que l'entreprise Brosolo est condamnée à lui verser en réparation des désordres affectant le collège d'enseignement secondaire de ladite commune ;
2°) de condamner conjointement et solidairement l'entreprise Brosolo et les architectes associés Y... et X... à lui verser 680 598,93 F au titre des travaux, 24 000 F au titre des troubles de jouissance et 239 160,04 F au moins et 352 683,08 F au plus au titre des intérêts de l'emprunt contracté pour réaliser les travaux de réfection ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviose an VIII ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Robineau, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de la COMMUNE DE PLEMET, de Me Odent, avocat de la société Brosolo et de Me Boulloche, avocat de MM. X... et Y... ,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, saisi par la COMMUNE DE PLEMET de conclusions tendant à ce que soit engagée la responsabilité decennale des constructeurs à raison des désordres constatés dans le collège d'enseignement secondaire, le tribunal administratif de Rennes, par jugement du 19 janvier 1984, a déclaré l'entreprise Brosolo seule responsable de ces désordres, retenu une faute du maître de l'ouvrage de nature à atténuer cette responsabilité à concurrence de 30 % du montant des dommages, condamné l'entreprise à verser à la commune la somme totale de 486 377,25 F, et rejeté l'appel en garantie formé par l'entreprise contre les architectes Y... et X... ;
En ce qui concerne les conclusions de l'appel principal de la commune et de l'appel incident de l'entreprise Brosolo :
Sur la première tranche des travaux :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en ce qui concerne cette tranche de travaux, la réception provisoire et la prise de possession des ouvrages achevés ont eu lieu le 15 octobre 1970 ; qu'eu égard au caractère limité des réserves alors formulées, cette date constitue le point de départ du délai dans lequel le maître de l'ouvrage pouvait mettre en jeu la responsabilité décennale des constructeurs ; que la commune n'a intenté cette action que le 1er mars 1982 ;
Considérant, d'une part, que si l'exécution de travaux de réparation dès 1975 ainsi que les termes de la lettre du 25 février 1976 adressée par l'entreprise aux architectes ont, dans les circonstances de l'affaire, constitué de la part de celle-ci une reconnaissance de responsabilité de nature à interrompre le délai de la garantie décennale en ce qui concerne les désordres affectant les façades, la commune ne justifie pas de l'existence d'une reconnaissance de responsabilité en ce qui concerne les désordres affectant les terrasses ; que par suite, l'entreprise Brosolo est fondée à demander, par la voie de l'appel incident, à être déchargée de toute condamnation au titre de ces derniers désordres en raison de l'expiration du délai de la garantie décennale à la date à laquelle la commune a présenté sa demande ;

Considérant, d'autre part, que les mêmes faits ne peuvent pas non plus être regardés, dans les circonstances de l'affaire, comme ayant constitué de la part des architectes une reconnaissance de responsabilité ; que, par suite, la commune n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre les architectes au titre de la première tranche de travaux ;
Sur la responsabilité des architectes au titre de la deuxième tranche de travaux :
Considérant que si la convention conclue entre le maître de l'ouvrage et MM. Y... et Z... et relative à la deuxième tranche de travaux, a prévu une limitation des missions des architectes en ce qui concerne la conception des ouvrages, le procédé de construction étant conçu par l'entrepreneur et agréé par le ministère de l'éducation nationale, les désordres affectant cette deuxième tranche sont néanmoins également imputables aux architectes qui ont mis en euvre sans réserves ce procédé et qui ont exercé la mission de surveillance qui leur incombait dans des conditions qui ont rendu possibles les défauts d'exécution des terrasses ; que par suite la commune est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas déclaré les architectes conjointement et solidairement responsables desdits désordres, dont le coût de réparation non contesté s'élève à 136 000 F ;
Sur la faute du maître de l'ouvrage :
Considérant qu'en imposant un procédé de construction défectueux, alors même qu'il avait été agréé par différentes sociétés techniques, le maître de l'ouvrage a commis une faute de nature à atténuer la responsabilité des constructeurs au titre de la garantie décennale ;

Considérant que si l'Etat était maître de l'ouvrage en ce qui concerne la première tranche de travaux, il n'est pas contesté qu'il a remis les bâtiments et installations à la commune le jour de la réception définitive ; que si la commune avait, à compter de la date de cette remise, qualité pour mettre en jeu la garantie décennale des constructeurs, ces derniers étaient fondés à lui opposer les fautes commises par l'Etat en sa qualité de maître de l'ouvrage ; que, toutefois, la commune est fondée à soutenir que cette faute a été dépourvue d'incidence sur les désordres affectant l'étanchéité des terrasses et dus à l'exécution défectueuse des travaux ; qu'il y a lieu dès lors de ramener de 30 % à 10 % la part du coût global des réparations qui doit demeurer à la charge de la commune ;
Sur le montant des indemnités :
Considérant en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux de réparation tendant à assurer l'étanchéité des terrasses comportent des prestations nouvelles par rapport aux prévisions du marché ; que l'entreprise Brosolo n'est dès lors pas fondée à demander qu'un abattement pour plus-value soit opéré sur le montant desdits travaux ; que compte tenu de l'abattement susmentionné de 10 % et du montant global non contesté des réparations des façades de la première tranche ainsi que des terrasses et façades de la deuxième tranche, égal à 176 000 F, l'indemnité due à la commune à ce titre doit être ramenée à 158 400 F ;
Considérant, en deuxième lieu, que le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation des troubles de jouissance subis par la commune en lui allouant à ce titre une indemnité de 10 000 F ;

Considérant, enfin, que le préjudice subi par la commune au titre des frais financiers afférents à l'emprunt qu'elle a contracté en 1982 pour financer les travaux de réparation susmentionnés est couvert par le versement des intérêts afférents à l'indemnité allouée par le juge ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le montant total de l'indemnité à laquelle a droit la commune s'élève à 168 400 F ; que cette somme doit porter intérêt à compter du 1er mars 1982, date d'enregistrement de la demande devant le tribunal administratif ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 19 mars 1984 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
En ce qui concerne les conclusions de l'appel provoqué de l'entreprise Brosolo tendant à être garantie par les architectes :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non recevoir opposées par les architectes :
Considérant que l'entreprise Brosolo qui obtient par la présente décision une réduction de l'indemnité mise à sa charge par le tribunal administratif n'est pas recevable à demander, par voie d'appel provoqué, la condamnation des architectes à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
Article 1er : La somme de 476 377,25 F que l'entreprise Brosolo a été condamnée à verser à la COMMUNE DE PLEMET par le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 19 janvier 1984 est ramenée à 168 400 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er mars 1982. Les intérêts échus le 19 mars 1984 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Les architectes Y... et X... sont condamnés solidairement avec l'entreprise Brosolo, à verser à la COMMUNE DE PLEMET la somme de 132 400 F.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 janvier 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE PLEMET ainsi que le surplus des conclusions incidentes et l'appel provoqué de l'entreprise Brosolo sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE PLEMET, à l'entreprise Brosolo, à MM. Y... et X... et au ministre de l'éducation nationale.


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