Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 20 novembre 1989 et 9 mars 1990, présentés pour la SOCIETE ANONYME VITROLLAISE D'ECONOMIE MIXTE (S.A.V.E.M.), dont le siège est Domaine des Pins à Vitrolles (13127) ; la SOCIETE ANONYME VITROLLAISE D'ECONOMIE MIXTE (S.A.V.E.M.) demande au Conseil d'Etat :
1°/ d'annuler le jugement du 18 mai 1989 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 6 octobre 1986 par laquelle le ministre des affaires sociales et de l'emploi a rejeté le recours hiérarchique de M. Pierre X..., délégué du personnel suppléant, à l'encontre de la décision du 13 mai 1986 de l'inspecteur du travail des Bouches-du-Rhône autorisant la société requérante à le licencier de son emploi de directeur technique ;
2°/ de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Valérie Roux, Auditeur,
- les observations de la S.C.P. Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE ANONYME VITROLLAISE D'ECONOMIE MIXTE (S.A.V.E.M.),
- les conclusions de M. Fratacci, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.425-1 du code du travail : "Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant ... ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ... La même procédure est applicable au licenciement des anciens délégués du personnel pendant les six premiers mois qui suivent l'expiration de leur mandat ou la disparition de l'institution" ; qu'en vertu de ces dispositions, le délégué du personnel bénéficie d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'il représente ; que lorsque son licenciement est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur le comportement fautif du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, éventuellement, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une importance suffisante pour justifier le licenciement compte-tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des conditions de fonctionnement de l'entreprise ;
Considérant qu'il ressort tant des pièces produites en première instance que de celles jointes à la requête que M. X..., dans l'exercice de ses fonctions de directeur technique, a conduit la SOCIETE ANONYME VITROLLAISE D'ECONOMIE MIXTE (S.A.V.E.M.) à effectuer, à plusieurs reprises, des paiements indus, notamment à un bureau d'ingénierie ainsi qu'à l'entreprise Giraud ; que, par suite, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Marseille, les faits reprochés à M. X... doivent être regardés comme établis ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas du dossier que le licenciement de M. X... serait en rapport avec les fonctions représentatives exercées par celui-ci ni avec son appartenance syndicale ;
Considérant, d'autre part, que compte-tenu des responsabilités occupées en tant que directeur technique, les agissements reprochés à M. X..., qui sont établis et répétés et ne sont imputables ni au service comptable, ni à l'organisation interne de la SOCIETE ANONYME VITROLLAISE D'ECONOMIE MIXTE (S.A.V.E.M.), constituent des faits d'une gravité suffisante pour justifier l'octroi d'une autorisation administrative de licenciement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ANONYME VITROLLAISE D'ECONOMIE MIXTE (S.A.V.E.M.) est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 6 octobre 1986 du ministre des affaires sociales et de l'emploi autorisant la SOCIETE ANONYME VITROLLAISE D'ECONOMIE MIXTE (S.A.V.E.M.) à licencier M. X... de son emploi de directeur technique ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner M. X... à payer à la SOCIETE ANONYME VITROLLAISE D'ECONOMIE MIXTE (S.A.V.E.M.) la somme de 5 000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 18 mai 1989 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : M. X... est condamné à verser à la SOCIETE ANONYME VITROLLAISE D'ECONOMIE MIXTE (S.A.V.E.M.) la somme de 5 000 F.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME VITROLLAISE D'ECONOMIE MIXTE (S.A.V.E.M.), à M. X... et auministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.