Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 3 avril 1992 et 30 avril 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Yatay Y..., demeurant chez M. X..., 12 Place du Général Catroux à Paris (75017) ; M. Y... demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 février 1992 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 5 février 1992 par lequel le préfet de police de Paris a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y..., dûment convoqué à l'audience, à laquelle il était assisté d'un interprète, a pu prendre connaissance des pièces produites par le préfet de police de Paris et présenter contradictoirement ses observations ; qu'ainsi, les droits de la défense ont été respectés ;
Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que l'arrêté attaqué, qui expose les éléments de droit et de fait qui sont le fondement de la mesure de reconduite, est suffisamment motivé ; que les conditions de notification de l'arrêté de reconduite en question sont sans incidence sur sa légalité ; que ledit arrêté n'est donc pas entaché d'irrégularité ;
Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. Y..., ressortissant libérien, à qui la qualité de réfugié politique a été refusée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 24 juin 1991, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 8 novembre 1991, a reçu la notification le 21 novembre 1991 de la décision, prise par le préfet de police le même jour, lui refusant le renouvellement de son titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; que, par suite, il se trouvait dans le cas prévu à l'article 22-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sur les moyens tirés de l'illégalité du refus de séjour opposé à M. Y... :
Considérant que la décision de refus de séjour, qui se fonde sur le refus de la qualité de réfugié à M. Y..., sur son défaut d'attaches familiales en France et sur l'insuffisance de ses ressources, est suffisamment motivé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 susvisé : "Sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, sous réserves des nécessités de l'ordre public et de la conduite des relations internationales et exception faite des cas où il est statué sur une demande présentée par l'intéressé lui-même les décisions qui doivent être motivées (...) ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé eut été mis à même de présenter des observations écrites" ; que la demande de titre de séjour émanant de l'intéressé lui-même, le préfet de police de Paris n'était pas tenu d'entendre M. Y..., ni de le mettre à même de présenter, sur la base des pièces du dossier, des observations écrites ;
Considérant que par la décision du 21 novembre 1991, le préfet de police de Paris s'est prononcé sur la demande formée par le requérant, tout en examinant, pour les écarter, les possibilités de régulariser sa situation ; qu'ainsi, le rejet de la demande de M. Y... a été précédé d'un examen de la situation personnelle de celui-ci ;
Considérant qu'il suit de là que M. Y... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;
Sur les autres moyens :
Considérant que l'arrêté de reconduite attaqué, dont le seul objet est la reconduite à la frontière de M. Y..., n'a pas de caractère collectif ; qu'en tout état de cause, il ne contrevient donc pas aux prescriptions de l'article 4 du protocole additionnel n° 4 à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui interdit les expulsions collectives ;
Considérant que M. Y... n'avance aucun élément de nature à établir que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué porterait au droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;
Sur la légalité de la décision complémentaire fixant le pays de destination :
Considérant que si le requérant invoque les risques qu'il courrait en cas de retour au Libéria, en raison de la situation de guerre civile qui prévaut dans ce pays, il n'apporte, au soutien de ses allégations, aucune justification ; qu'ainsi, l'existence de circonstances de nature à faire légalement obstacle à sa reconduite vers son pays d'origine ne peut être regardée comme établie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., au préfet de police de Paris et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.