Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 octobre 1992 et 25 novembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Claude A..., demeurant ... ; le requérant demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 29 septembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de MM. Denis X..., Eric Z... et Jean-Claude Y..., les opérations électorales qui se sont déroulées le 29 mars 1992 dans le canton de Bourguébus (Calvados) pour l'élection d'un membre du conseil général ;
2°) rejette la protestation présentée par MM. X..., Z... et Y... devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Margerie, Maître des requêtes,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de M. Claude A... et de Me Foussard, avocat de M. Jean-Claude B...,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort de l'instruction que, dans la nuit du vendredi 27 au samedi 28 mars 1993 et pendant la journée du 28 mars, M. Claude A... a fait distribuer massivement aux électeurs du canton de Bourguébus un tract relatif aux circonstances dans lesquelles M. X..., candidat écologiste, s'était retiré à l'issue du premier tour ; que ce tract, qui a d'ailleurs motivé la condamnation de son auteur par le tribunal correctionnel de Caen, contenait des affirmations diffamatoires tant à l'égard de M. X... que de l'adversaire de M. A... au second tour de scrutin qui s'est tenu le 29 mars ; que sa diffusion a eu lieu à une date telle que les personnes visées n'ont pas eu la possibilité d'y répondre ; qu'elle a ainsi présenté le caractère d'une manoeuvre qui, eu égard au fait que M. A... n'a été élu que par cent voix de majorité sur 7 194 suffrages exprimés, a pu altérer la sincérité du scrutin ; qu'il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé son élection en qualité de conseiller général ;
Considérant que M. A... est en revanche fondé à soutenir à titre subsidiaire que le tribunal ne pouvait, comme il l'a fait, limiter au second tour de scrutin les effets de l'annulation qu'il prononçait ; que le jugement doit être réformé sur ce point ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées de ces mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. A... à verser à M. X... la somme de 5 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les opérations électorales qui se sont déroulées le 22 mars 1993 dans le canton de Bourguébus pour la désignation d'un membre du conseil général sont annulées. Le jugement du 29 septembre 1992 du tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il n'a pas annulé lesdites opérations électorales du 22 mars 1993.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de M. X... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A..., à MM. X..., Y... et Z... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.