Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 avril 1985 et 17 mai 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le Syndicat de la juridiction administrative, dûment représenté par son président en exercice ; le syndicat demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret n° 85-344 du 18 mars 1985 portant application de l'article 24 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique en tant que ce décret a inscrit le corps des membres des tribunaux administratifs sur la liste des corps pouvant autoriser l'accès direct à leur hiérarchie de fonctionnaires de l'Etat de la catégorie A ou de fonctionnaires internationaux chargées de fonctions équivalentes à celles qui sont confiées aux fonctionnaires de l'Etat de la catégorie A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi n° 77-1356 du 10 décembre 1977 relative au recrutement des membres des tribunaux administratifs ;
Vu la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique ;
Vu le décret n° 82-450 du 28 mai 1982 ;
Vu le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Stahl, Auditeur,
- les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le décret attaqué inscrit le corps des membres des tribunaux administratifs sur la liste, prévue par l'article 24 de la loi du 11 janvier 1984, des corps pouvant autoriser l'accès direct à leur hiérarchie de fonctionnaires de la catégorie A ou de fonctionnaires internationaux en fonction dans une organisation internationale intergouvernementale chargés de fonctions équivalentes à celles qui sont confiées aux fonctionnaires de catégorie A ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 82-450 du 28 mai 1982 relatif au conseil supérieur de la fonction publique dans sa rédaction alors applicable : "Le conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat est en outre saisi des projets de décrets relatifs à la situation de l'ensemble des agents publics de l'Etat ainsi que des projets de décrets comportant des dispositions communes à plusieurs corps de fonctionnaires de l'Etat sauf lorsque, par application de l'article 14 du décret n° 82-452 du 28 mai 1982, ces projets relèvent de la compétence d'un seul comité technique paritaire ministériel ou d'un seul comité technique paritaire central d'établissement public ... La consultation du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat remplace en cette matière la consultation des comités techniques paritaires prévue à l'article 12 du décret n° 82-452 du 28 mai 1982 relatif aux comités techniques paritaires" ;
Considérant qu'en application de ces dispositions, la consultation du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat remplace la consultation des comités techniques paritaires sur les projets de décrets comportant des dispositions communes à plusieurs corps de fonctionnaires de l'Etat lorsqu'ils ne relèvent pas de la compétence d'un seul comité technique paritaire ; que le décret attaqué a pour objet de modifier la liste commune à plusieurs corps de fonctionnaires, prévue à l'article 24 susvisé de la loi du 11 janvier 1984, en y ajoutant notamment le corps des membres des tribunaux administratifs ; que, par suite, il devait être précédé de la consultation du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, formalité qui a été remplie ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de consultation du comité technique paritaire des tribunaux administratifs ou du comité technique paritaire du ministère de l'intérieur doit être écarté ;
Sur la légalité interne :
Considérant que seule la loi peut fixer les règles garantissant l'indépendance des membres des tribunaux administratifs ; qu'au nombre de ces règles figurent celles qui régissent le recrutement des membres desdits tribunaux ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.2 du code des tribunaux administratifs, dans sa rédaction en vigueur à la date du décret attaqué, qui résulte de la loi du 10 décembre 1977 : "Il peut être procédé à la nomination, au tour extérieur, dans les limites et conditions définies par décret en Conseil d'Etat, de conseillers de tribunaux administratifs parmi les fonctionnaires civils et militaires de l'Etat appartenant à un corps de la catégorie A ou assimilés ..." ; que cette disposition législative a défini le principe de ce recrutement et renvoyé à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les limites et conditions de cet accès ; qu'elle a ainsi donné une base légale au décret attaqué en tant qu'il prévoit l'accès de fonctionnaires civils et militaires de l'Etat à la hiérarchie du corps des tribunaux administratifs ;
Considérant, en revanche, que cette disposition législative ne saurait être regardée comme donnant une base légale au recrutement dans le corps des tribunaux administratifs de fonctionnaires internationaux en fonction dans une organisation internationale intergouvernementale chargés de fonctions équivalentes à celles qui sont confiées aux fonctionnaires de catégorie A ; que, par suite, le syndicat requérant est fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 18 mars 1985 portant application de l'article 24 de la loi du 11 janvier 1984 en tant que ce décret inscrit le corps des tribunaux administratifs sur la liste des corps auxquels les fonctionnaires internationaux peuvent avoir accès ;
Article 1er : Le décret n° 85-344 du 18 mars 1985 portant application de l'article 24 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique est annulé en tant que ce décret inscrit le corps des tribunaux administratifs sur la liste des corps auxquels peuvent avoir accès les fonctionnaires internationaux en fonction dans une organisation internationale intergouvernementale chargés de fonctions équivalentes à celles qui sont confiées aux fonctionnaires de catégorie A.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du Syndicat de la juridiction administrative est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Syndicat de la juridiction administrative, au Premier ministre et au ministre d'Etat, Garde des sceaux, ministre de la justice.