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05/01/1994 | FRANCE | N°73875

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 05 janvier 1994, 73875


Vu le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 décembre 1985 ; le ministre de l'économie, des finances et du budget demande à ce que le Conseil d'Etat :
1°) à titre principal ordonne le reversement par l'U.A.P. des sommes dont le remboursement à été prononcé en exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 1er juillet 1985, à concurrence de 1 068 000 F et réforme, en ce sens, l'article 1er dudit jugement ;
2°) à titre subsidiaire, ordonne le reversement par l'U.A.P. d'une

somme de 504 000 F et réforme, en ce sens, l'article 1er du jugement ...

Vu le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget, enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 décembre 1985 ; le ministre de l'économie, des finances et du budget demande à ce que le Conseil d'Etat :
1°) à titre principal ordonne le reversement par l'U.A.P. des sommes dont le remboursement à été prononcé en exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 1er juillet 1985, à concurrence de 1 068 000 F et réforme, en ce sens, l'article 1er dudit jugement ;
2°) à titre subsidiaire, ordonne le reversement par l'U.A.P. d'une somme de 504 000 F et réforme, en ce sens, l'article 1er du jugement du 1er juillet 1985 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Y.... Martin, Commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention de l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (U.N.E.D.I.C.) :
Considérant que l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce ne justifie d'aucun droit auquel la décision à rendre sur le recours du ministre de l'économie, des finances et du budget serait susceptible de préjudicier ; que, dès lors, son intervention ne peut être admise ;
Sur le recours du ministre :
Considérant que l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 1979, soumet à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ; que l'article 261 D, 2° du même code exonère de la taxe les locations de locaux nus, à l'exception des emplacements pour le stationnement des véhicules ; que, toutefois, l'article 260, 2° du code, dans sa rédaction issue des dispositions, applicables en l'espèce, de l'article 15 de la loi n° 88-1193 du 29 décembre 1988, dispose que peuvent, sur leur demande, acquitter la taxe sur la valeur ajoutée "les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins d'un industriel, d'un commerçant ou d'un prestataire de services, lorsque le preneur est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée" ; qu'il ressort de ces dispositions que le propriétaire qui donne en location des locaux nus n'ayant pas le caractère d'emplacements pour le stationnement des véhicules, ne peut opter pour la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des produits tirés de cette location qu'à la condition, notamment, que le preneur soit lui-même assujetti à cette taxe ;

Considérant qu'en vertu d'un contrat signé le 1er juillet 1982 et prenant effet le 1er septembre suivant, la SA "Union des Assurances de Paris" (UAP) a donné en location à l'Association interprofessionnelle pour l'emploi dans le commerce et l'industrie "Atlantique Anjou" des locaux nus à usage de bureaux et des emplacements pour le stationnement des véhicules dont elle est propriétaire dans un immeuble sis à Nantes, dénommé "Le X... Robert" ;
Considérant que l'Association interprofessionnelle pour l'emploi dans le commerce et l'industrie "Atlantique Anjou" a, notamment, pour objet de gérer une caisse d'allocations aux travailleurs privés d'emploi et a pour principales ressources les cotisations qu'elle reçoit des employeurs et des salariés ; que, en l'absence de tout lien direct entre le montant de ces cotisations et les avantages immédiats que les parties versantes peuvent retirer des opérations confiées à l'ASSEDIC, celle-ci ne peut etre regardée comme effectuant des prestations de services à titre onéreux, au sens des dispositions précitées de l'article 256 du code général des impôts ; que du fait qu'ainsi, l'Association interprofessionnelle pour l'emploi dans le commerce et l'industrie "Atlantique Anjou" n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, l'Union des Assurances de Paris n'a pu valablement demander de soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée les loyers afférents aux locaux nus à usage de bureaux donnés à bail à cette association ; que l'administration a donc pu légalement refuser d'accorder à l'Union des Assurances de Paris le bénéfice des conséquences de cette option ;

Considérant qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 7 du décret n° 79-1163 du 29 décembre 1979, pris pour l'application de l'article 273 du même code : "Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations égale au montant de cette taxe multipliée par le rapport existant entre le montant annuel des recettes afférentes à des opérations ouvrant droit à déduction et le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations réalisées ... Les recettes s'entendent tous frais et taxes compris à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée" ; que le prorata ainsi défini s'applique à la détermination de la somme à rembourser lorsque le demandeur ne réalise pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction ; que tel étant le cas de l'Union des Assurances de Paris qui, n'ayant pu valablement exercer l'option prévue par l'article 260, 2° du code général des impôts, est exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée à raison des loyers afférents aux locaux nus à usage de bureaux qu'elle donne à bail à l'Association interprofessionnelle pour l'emploi dans le commerce et l'industrie "Atlantique Anjou", la demande qu'elle a présentée, en octobre 1982, en vue d'obtenir le remboursement de la taxe de 1 200 000 F qui a grevé le prix de revient de l'immeuble "Le Gué Robert" et dont elle n'avait pu opérer l'imputation au titre du mois de septembre 1982 au cours duquel une partie de cet immeuble a commencé à être loué à l'Association interprofessionnelle pour l'emploi dans le commerce et l'industrie "Atlantique Anjou", ne pouvait recevoir satisfaction que dans la limite du prorata ci-dessus indiqué ; qu'il résulte de l'instruction que les montants annuels, hors taxe, dont il y a lieu en l'espèce de tenir compte pour calculer ce prorata, des loyers payés à l'Union des Assurances de Paris par l'Association interprofessionnelle pour l'emploi dans le commerce et l'industrie "Atlantique Anjou" en contrepartie de la mise à sa disposition, d'une part, d'emplacements pour le stationnement des véhicules, d'autre part, de locaux nus à usage de bureaux, se sont élevés respectivement à 44 596 F et à 394 651 F ; que le rapport entre la première de ces sommes, soumise de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée et le total formé par la même somme et celle de 394 651 F, exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, est de 0,1015 ;

Considérant, il est vrai, que, dans sa défense au recours du ministre, l'Union des Assurances de Paris soutient, à titre subsidiaire, qu'il y aurait lieu d'inclure tant au numérateur qu'au dénominateur de la fraction servant au calcul du prorata prévu par l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, la somme de 407 380 F hors taxe qui lui a été payée par le vendeur de l'immeuble "Le Gué Robert" en exécution de la clause du contrat de vente qui stipulait que, dans le cas où l'ensemble des locaux à usage de bureaux et des emplacements pour le stationnement des véhicules ne seraient pas loués dans un délai d'un an courant trois mois après la prise de possession effective des lieux, elle bénéficierait, à titre de "garantie de loyer", dans la limite d'une somme maximale de 646 950 F, d'une indemnité forfaitaire pour chaque mètre carré de bureau et pour chaque emplacement de stationnement non loué et que le montant de cette "garantie" serait majoré de la taxe sur la valeur ajoutée, de sorte que le prorata applicable à sa demande de remboursement devrait être fixé à 54 % ;
Mais considérant que les indemnités ainsi payées à l'Union des Assurances de Paris ne peuvent, ni, comme le soutient le ministre, être assimilées à des loyers qui seraient passibles de la taxe sur la valeur ajoutée ou en seraient exonérées selon qu'elles ont eu pour objet de compenser l'absence momentanée de location d'emplacements de stationnement ou celle de locaux nus à usage de bureaux, dès lors que les stipulations contractuelles qui les ont prévues n'ont pas conféré la qualité de locataire au vendeur de l'Union des Assurances de Paris, ni regardées, comme le prétend l'Union des Assurances de Paris, comme des recettes accessoires qui, n'ayant pas le caractère de loyers, seraient passibles de la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'elles n'ont été la contrepartie ni d'une livraison de biens meubles ni d'une prestation de services, effectuée à titre onéreux ; qu'ayant, en réalité, constitué une modalité de réalisation de la vente de l'immeuble "Le Gué Robert" de nature à entraîner pour l'Union des Assurances de Paris une réduction du prix d'acquisition stipulé ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée incluse dans ce dernier, l'allocation de ces indemnités ne se rattache en rien aux opérations ouvrant ou n'ouvrant pas droit à déduction dont les produits doivent être pris en compte dans le calcul du prorata prévu par l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts ; que la taxe ayant grevé le prix de revient de l'investissement immobilier effectué par l'Union des Assurances de Paris ne peut donc être remboursée à celle-ci que dans la limite du prorata de 10,15 % déjà indiqué ; que, toutefois, le ministre se borne à demander que ce remboursement soit fixé à 11 % de 1 200 000 F, soit à 132 000 F et, par suite, que la somme de 1 200 000 F qui, en exécution du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris, a été remboursée à l'Union des Assurances de Paris, soit restituée par celle-ci à concurrence de 1 068 000 F ; qu'il y a lieu de faire droit à ces conclusions et de réformer, en ce sens, la décision des premiers juges ;
Article 1er : L'intervention de l'Union interprofessionnelle pour l'emploi dans le commerce et l'industrie (UNEDIC) n'est pas admise.
Article 2 : Le montant du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'Etat à la SA "Union des Assurances de Paris" est fixé à 132 000 F.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 1er juillet 1985 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : La somme de 1 200 000 F qui, en exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 1er juillet 1985, a été remboursée à la SA "Union des Assurances de Paris" sera restituée par celle-ci à concurrence de 1 068 000 F.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre du budget et à la SA "Union des Assurances de Paris".


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 73875
Date de la décision : 05/01/1994
Sens de l'arrêt : Réformation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - PERSONNES ET OPERATIONS TAXABLES - OPERATIONS TAXABLES (1) - RJ1 Activités des services publics et assimilés - Prestations de l'Association interprofessionnelle pour l'emploi dans le commerce et l'industrie (A - S - S - E - D - I - C - ) (1) - (2) Opérations immobilières - "Garantie de loyer" versée par le vendeur d'un immeuble - Modalité de la vente.

19-06-02-01-01(2), 19-06-02-08-03-03 Une somme a été versée par le vendeur d'un immeuble en exécution d'une clause du contrat de vente prévoyant, pour le cas où l'acquéreur n'aurait pas réussi à louer l'ensemble de l'immeuble sous un certain délai, le versement d'une indemnité forfaitaire par mètre carré de bureau non loué. Cette indemnité constitue une modalité de la vente, de nature à entraîner une réduction du prix d'acquisition stipulé ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée incluse dans celui-ci. Elle ne se rattache donc pas aux opérations dont les produits doivent être pris en compte dans le calcul du prorata prévu par l'article 212 de l'annexe II au C.G.I..

- RJ2 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TVA - OPTIONS - Location de locaux nus (article 260-2° du C - G - I - ) - Locataire non assujetti - Option impossible (2).

19-06-02-03 Il résulte des termes de l'article 260-2° du C.G.I. dans sa rédaction issue de l'article 15 de la loi n° 88-1193 du 29 décembre 1988 que le propriétaire qui donne en location des locaux nus, n'ayant pas le caractère d'emplacements de stationnement, ne peut opter pour la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée des produits tirés de cette location si le preneur n'est pas assujetti à cette taxe. Ne peuvent donc être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée des loyers afférents à des locaux nus à usage de bureaux donnés à bail à une association interprofessionnelle pour l'emploi dans le commerce et l'industrie (ASSEDIC), qui n'est pas assujettie à cette taxe (2).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DEDUCTIONS - CAS DES ENTREPRISES QUI N'ACQUITTENT PAS LA TVA SUR LA TOTALITE DE LEURS AFFAIRES - Calcul du prorata de déduction - Recettes à prendre en compte - Prise en compte d'une "garantie de loyer" versée par le vendeur d'un immeuble - Absence.

19-06-02-01-01(1) En l'absence de tout lien direct entre le montant des cotisations perçues et les avantages que les cotisants peuvent retirer de ses missions, une ASSEDIC, gérant une caisse d'allocations aux travailleurs privés d'emploi, ne peut être regardée comme effectuant des prestations de services à titre onéreux au sens de l'article 256 du C.G.I.. Elle n'est donc pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (1).


Références :

CGI 256, 261 D, 260, 273
CGIAN2 212
Décret 79-1163 du 29 décembre 1979 art. 7
Loi 88-1193 du 29 décembre 1988 art. 15

1.

Cf. Section 1990-07-06, Comité pour le développement industriel et agricole du Choletais (CODIAC), p. 210. 2. Comp. 1988-01-18, Union des assurances de Paris, p. 15


Publications
Proposition de citation : CE, 05 jan. 1994, n° 73875
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Dulong
Rapporteur public ?: M. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:73875.19940105
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