La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/01/1994 | FRANCE | N°135936;136193

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 14 janvier 1994, 135936 et 136193


Vu 1°) sous le n° 135 936 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er avril 1992 et 30 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la collectivité territoriale de Corse, représentée par le président du conseil exécutif ; la collectivité territoriale demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 92-129 du 7 février 1992 portant approbation du schéma d'aménagement de la Corse ;
Vu 2°) sous le n° 136 193 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 avril et 30 juillet 1992, pr

sentés pour M. Pierre X..., demeurant, 6 Parc Belvédère à Ajaccio (20000), M....

Vu 1°) sous le n° 135 936 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er avril 1992 et 30 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la collectivité territoriale de Corse, représentée par le président du conseil exécutif ; la collectivité territoriale demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 92-129 du 7 février 1992 portant approbation du schéma d'aménagement de la Corse ;
Vu 2°) sous le n° 136 193 la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 avril et 30 juillet 1992, présentés pour M. Pierre X..., demeurant, 6 Parc Belvédère à Ajaccio (20000), M. François B..., demeurant les jardins du Scudo, route des Sanguinaires, à Ajaccio (20000), M. Paul-Etienne D...
Y..., demeurant ..., M. Patrick Z..., demeurant ..., M. Raymond E..., demeurant ... (20186), M. François C..., demeurant ... BP 503 à Ajaccio cedex (20186) et M. Claude A... demeurant ... ; les requérants demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 92-129 portant approbation du schéma d'aménagement de la Corse ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 82-214 du 2 mars 1982 modifiée, la loi n° 82-659 du 30 juillet 1982 modifiée et la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 modifiée ;
Vu la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux modifiée et la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 modifiée ;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 et le décret n° 86-1252 du 5 décembre 1986 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Roul, Maître des requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la collectivité territoriale de Corse et de M. Pierre X... et autres,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la collectivité territoriale de Corse et de MM. X..., B..., D...
Y..., Z..., E..., C... et A... sont dirigées contre un même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur et de la sécurité publique à la requête de la collectivité territoriale de Corse :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 144-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi du 7 janvier 1983 : " ... la région de Corse adopte un schéma d'aménagement de la Corse qui fixe les orientations fondamentales en matière de protection, de mise en valeur et de développement de son territoire. Le schéma détermine, en outre, la destination générale des différentes parties de l'île, l'implantation des grands équipements d'infrastructure et la localisation préférentielle des activités industrielles, artisanales, agricoles et touristiques ainsi que des extensions urbaines ..." ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 144-2 du même code : "Le schéma d'aménagement de la Corse a les mêmes effets que les prescriptions définies en application de l'article L. 111-1" ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 144-3 dudit code, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 décembre 1986 : " ... le schéma d'aménagement de la Corse est élaboré par la région de Corse ... selon une procédure déterminée par décret en Conseil d'Etat" ; qu'aux termes du troisième alinéa du même article : "Avant son adoption par l'assemblée, le projet de schéma d'aménagement de la Corse, assorti des avis des conseils consultatifs régionaux, est mis à la disposition du public pendant deux mois" ; qu'aux termes du quatrième alinéa dudit article : "Le schéma d'aménagement de la Corse est approuvé par décret en Conseil d'Etat" et qu'aux termes du cinquième alinéa du même article : "A défaut d'adoption, selon la procédure définie ci-dessus, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ..., le schéma est élaboré et arrêté par l'Etat" ;

Sur les moyens tirés de ce que le schéma d'aménagement de la Corse n'aurait pas pu être légalement élaboré par l'Etat :
Considérant que le délai de 24 mois à compter de la promulgation de la loi du 23 décembre 1986 est venu à expiration sans qu'un schéma d'aménagement ait été adopté par l'assemblée de Corse ; que, par suite, la compétence pour élaborer et arrêter ce document avait été, en vertu des dispositions précitées de l'article L.144-3 du code de l'urbanisme, transférée de la région de Corse à l'Etat ; que, d'autre part, les nouveaux articles L. 144-1 à L. 144-6 du même code issus de l'article 59 de la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 qui ont transféré cette compétence de l'Etat à la collectivité territoriale de Corse, de même que l'article 58 de cette dernière loi selon lequel le schéma d'aménagement de la Corse doit être approuvé dans le délai d'un an suivant l'adoption d'un plan de développement par l'assemblée, ne sont entrés en vigueur, en vertu de l'article 87 de ladite loi, qu'à la date de la première réunion de l'assemblée issue des élections suivant la date de la loi, soit postérieurement au 7 février 1992, date à laquelle le schéma d'aménagement a été approuvé par décret en Conseil d'Etat ; qu'il résulte de ce qui précède que ce décret n'est pas entaché d'incompétence ;
Considérant que, si les autorités de l'Etat n'ont pas mis en oeuvre l'élaboration du schéma d'aménagement de la Corse dès la date à laquelle elles avaient compétence pour ce faire, et si le préfet de la région de Corse a arrêté ce schéma postérieurement à l'adoption de la loi susmentionnée du 13 mai 1991, ces circonstances ne sont pas constitutives d'un détournement de procédure ; qu'à supposer même que le préfet de région aurait eu notamment pour but de s'opposer à un projet en cours d'élaboration par l'assemblée de Corse qu'il estimait illégal, une telle circonstance ne révèlerait pas davantage un détournement de procédure ;

Sur les moyens tirés de ce que le schéma d'aménagement de la Corse n'a pas été mis à la disposition du public :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 144-15 du code de l'urbanisme : "Si le schéma d'aménagement de la Corse n'est pas adopté par l'assemblée dans le délai fixé à l'article R. 144-12 ci-dessus, il est élaboré par le commissaire de la République de la région. Il est ensuite soumis pour avis à l'assemblée qui doit se prononcer dans un délai de deux mois. La délibération de l'assemblée est réputée favorable si elle n'est pas intervenue dans ce délai" et qu'aux termes du second alinéa du même article : "Lorsque l'avis mentionné à l'alinéa précédent a été recueilli ou est réputé acquis, le schéma est approuvé par décret en Conseil d'Etat. Ce décret et le schéma d'aménagement font l'objet des mesures de publicité et d'informations prévues à l'article R. 144-13" ;
Considérant en premier lieu que si les dispositions précitées du troisième alinéa de l'article L. 144-3 du code de l'urbanisme imposent de mettre le projet de schéma d'aménagement de la Corse à la disposition du public pendant deux mois avant son adoption par l'assemblée, elles ne prévoient pas cette formalité lorsque le schéma est élaboré et arrêté par les autorités de l'Etat ; que, dès lors, les dispositions précitées de l'article R. 114-15 du même code, que la modification, par la loi susmentionnée du 23 décembre 1986, du délai initialement prévu par les articles L. 144-3 et R. 144-12 dudit code, n'a pas rendues caduques, n'ont pas méconnu les dispositions susmentionnées du troisième alinéa de l'article L. 144-3 du fait qu'elles n'imposent pas cette formalité préalablement à l'adoption du projet par le préfet de région ;

Considérant en second lieu que les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 144-2 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue de la loi du 25 janvier 1985, selon lesquelles "le schéma d'aménagement de la Corse vaut schéma de mise en valeur de la mer" n'ont ni pour objet ni pour effet de rendre applicables à ce document les dispositions de l'article 12 du décret n° 86-1252 du 5 décembre 1986 qui organisent une procédure de mise à la disposition du public pendant deux mois des projets de schémas de mise en valeur de la mer ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de disposition législative ou réglementaire imposant cette formalité, la circonstance que le projet de schéma d'aménagement de la Corse n'a pas été mis à la disposition du public pendant deux mois n'entache pas d'irrégularité la procédure à l'issue de laquelle ce document a été approuvé par le décret attaqué ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant que le schéma d'aménagement de la Corse détermine des options d'aménagement tant en ce qui concerne les objectifs poursuivis que les localisations à privilégier, notamment dans les domaines des activités touristiques, agricoles, sylvicoles et pastorales, des activités nouvelles à développer et des moyens de communication ; que les requérants ne sont dès lors fondés à soutenir ni que les dispositions précitées de l'article L. 144-1 du code de l'urbanisme auraient été méconnues du fait que ce document se bornerait à fixer les orientations fondamentales en matière de protection et omettrait de les définir en matière de mise en valeur et de développement, ni que les dispositions de l'article R. 144-2 du même code auraient été violées parce que le rapport ne présenterait pas les principales perspectives de développement envisagées ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les auteurs du schéma d'aménagement de la Corse ont institué des mesures de protection des espaces naturels en s'inspirant des zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique délimitées par les services du ministère de l'environnement, mais sans s'estimer liés par ces délimitations, dont ils se sont d'ailleurs écartés dans certains cas ; que, dans ces conditions, le schéma d'aménagement de la Corse, qui devait fixer les orientations fondamentales en matière de protection en vertu des dispositions précitées de l'article L. 144-1 du code de l'urbanisme et qui, en vertu des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article L. 144-2 du même code, a les mêmes effets que les prescriptions définies en application de l'article L. 111-1-1, pouvait légalement, sans erreur de droit, édicter de telles mesures de protection ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les partis d'aménagement qui ont été adoptés, notamment en ce qui concerne d'une part la protection des espaces naturels et d'autre part le développement de Bastia, de Corte, d'Ajaccio et des liaisons entre ces villes, soient entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la collectivité territoriale de Corse et MM. X..., B..., D...
Y..., Z..., E..., C... et A... ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 7 février 1992 portant approbation du schéma d'aménagement de la Corse ;
Article 1er : Les requêtes de la collectivité territorialede Corse et de MM. X..., B..., D...
Y..., Z..., E..., C... et A... sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la collectivité territoriale de Corse, à MM. X..., B..., D...
Y..., Z..., E..., C... et A..., au ministre d'Etat, ministre del'intérieur et de l'aménagement du territoire, au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 135936;136193
Date de la décision : 14/01/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - INTERET POUR AGIR - EXISTENCE D'UN INTERET - INTERET LIE A UNE QUALITE PARTICULIERE - Urbanisme et aménagement du territoire - Schéma d'aménagement de la Corse - Citoyen résidant dans la région.

54-01-04-02-01, 68-001-01-02-06(1) Tout citoyen résidant dans la région est recevable à contester la légalité du décret portant approbation du schéma d'aménagement de la Corse (sol. impl.).

REGION - REGIONS POSSEDANT DES STATUTS PARTICULIERS - Corse - Elaboration et adoption d'un schéma d'aménagement régional - Compétence.

58-08, 68-001-01-02-06(2) En vertu des articles L.144-1 à L.144-6 du code de l'urbanisme, dans leur version en vigueur avant le 7 février 1992, la compétence pour élaborer et arrêter le schéma d'aménagement de la Corse avait été transférée à l'Etat, faute pour l'assemblée de Corse d'avoir adopté un schéma dans le délai de 24 mois à compter de la promulgation de la loi du 23 décembre 1986.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - REGLES GENERALES D'UTILISATION DU SOL - REGLES GENERALES DE L'URBANISME - PRESCRIPTIONS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - SCHEMA D'AMENAGEMENT DE LA CORSE (1) Contentieux - Requête dirigée contre le décret portant approbation du schéma - Intérêt pour agir - Citoyen résidant en Corse - Existence - (2) Compétence pour élaborer et arrêter le schéma (avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 mai 1991) - (3) Elaboration - Procédure - Mise à disposition du public - Absence.

68-001-01-02-06(3) Les dispositions de l'article L.144-3, dans leur rédaction résultant de la loi du 23 décembre 1986 alors en vigueur, n'imposaient pas, lorsque le schéma d'aménagement de la Corse était élaboré par l'Etat, que le projet de schéma fût mis à la disposition du public.


Références :

Code de l'urbanisme L144-1, L144-2, L144-3, L144-1 à L144-6, R114-15, R144-12, R144-2, L111-1-1
Décret 86-1252 du 05 décembre 1986 art. 12
Décret 92-129 du 07 février 1992 décision attaquée confirmation
Loi 83-8 du 07 janvier 1983
Loi 85-97 du 25 janvier 1985
Loi 86-1290 du 23 décembre 1986
Loi 91-428 du 13 mai 1991 art. 59, art. 58, art. 87


Publications
Proposition de citation : CE, 14 jan. 1994, n° 135936;136193
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur ?: Mme Roul
Rapporteur public ?: M. Bonichot
Avocat(s) : Me Odent, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:135936.19940114
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award