Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 juillet 1991 et 12 novembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Abderramane X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 mai 1991 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mars 1988 du ministre de l'intérieur lui enjoignant de quitter le territoire français ;
2°) annule pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. Abderramane X...,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la circonstance que l'expédition du jugement notifiée au requérant ne comportait pas l'intégralité des visas n'a pas eu pour effet d'entacher d'irrégularité ledit jugement ; qu'il ressort de l'examen de la minute dudit jugement que celui-ci visait et analysait les mémoires échangés entre les parties ; qu'ainsi le moyen tenant à l'irrégularité du jugement contesté manque en fait ;
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dans sa rédaction applicable à l'espèce "Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article 23 ... 4°/ l'étranger qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituellement en France depuis qu'il a atteint l'âge de dix ans ou depuis plus de dix ans et qui n'a pas été condamné définitivement pour crime et délit à une peine au moins égale à six mois d'emprisonnement sans sursis ou un an avec sursis ou à plusieurs peines d'emprisonnement au moins égales, au total, à ces mêmes durées" ;
Considérant que l'expulsion d'un étranger a le caractère d'une mesure de police exclusivement destinée à protéger l'ordre et la sécurité publics ; que, dès lors, les dispositions précitées résultant de la loi du 9 septembre 1986 pouvaient être appliquées à des étrangers remplissant les conditions fixées par elles, quelle que fût la date des condamnations retenues à leur encontre ;
Considérant qu'il est constant que M. X... s'est rendu coupable de proxénétisme et de coups et blessures volontaires ayant entraîné une interruption temporaire de travail de plus de huit jours et qu'il a été condamné définitivement par la juridiction pénale pour ces faits à des peines dont le total excède six mois d'emprisonnement sans sursis ; qu'ainsi le ministre de l'intérieur pouvait légalement prononcer son expulsion en se référant à des condamnations antérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 9 septembre 1986 ;
Considérant que les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent en aucun cas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace pour l'ordre et la sécurité publics ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission spéciale, puis le ministre n'aient pas examiné l'ensemble des éléments relatifs au comportement de M. X..., et notamment au passé délictueux de l'intéressé, afin de déterminer si, après les infractions commises par ce dernier en 1981 et 1984, sa présence sur le territoire français constituait ou non une menace pour l'ordre public ; qu'ainsi le ministre de l'intérieur n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation en prononçant son expulsion par l'arrêté litigieux, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé ;
Considérant que M. X... n'établit pas qu'il ait eu une vie familiale effective à la date de l'arrêté contesté ; que, dans ces conditions, l'arrêté du 14 mars 1988 n'est pas contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans que le requérant puisse utilement exciper de l'arrêt rendu le 15 mai 1990 par la cour d'appel d'Orléans, que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué rejetant sa demande dirigée contre l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 14 mars 1988 prononçant son expulsion ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.