Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 février 1990 et le 8 juin 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Robert X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule, avec toutes les conséquences du droit, l'arrêt du 29 novembre 1989 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu, d'un montant en droits et pénalités de 403 950 F, auquel il a été assujetti au titre de l'année 1976 ;
2°) condamne l'Etat, sur le fondement de l'article 1er du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988, à lui verser la somme de 10 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 septembre 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Aprés avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. Robert X...,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 35 A, alors applicable, du code général des impôts : " ... les profits réalisés par les personnes qui cèdent des immeubles ou fractions d'immeubles bâtis ... qu'elles ont acquis ... depuis plus de deux ans mais depuis moins de dix ans, sont soumises à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux, à moins que ces personnes justifient que l'achat ... n'a pas été fait dans une intention spéculative ..." ;
Considérant que, M. X... a fait valoir que l'immeuble, acquis en 1972 par la "S.C.I. du ...", dont il détenait 90 % des parts, était destiné à être loué à la S.A. Sodilov dont il était ui-même le dirigeant, pour les besoins de l'exploitation de cette dernière, de sorte qu'eu égard à son but professionnel, cette acquisition était exclusive de toute intention spéculative, au sens de l'article 35 A du code général des impôts ; que la cour administrative d'appel n'a pas répondu à ce moyen ; qu'étant ainsi entaché d'une insuffisance des motifs, son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, "s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction statuant en dernier ressort, ... peut ... régler l'affaire au fond, si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que M. X... qui fait valoir, sans être contredit, que l'acquisition faite, en 1972, par la "S.C.I. du ..." d'un ensemble immobilier à usage commercial sis à Louviers (Eure) a été faite dans le seul but de donner celui-ci à bail à la S.A. Sodilov, qui en était déjà locataire, afin qu'elle y poursuive l'exploitation d'un supermarché, justifie, par cette circonstance, que l'achat, par ses soins, de 90 % des parts de cette société civile immobilière n'a pas été fait dans une intention spéculative ; que dès lors, la plusvalue qu'il a réalisée, en 1976, lors de la vente de ces parts à la société Sodilov, n'était pas imposable en vertu des dispositions précitées de l'article 35 A ; que M. X... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en décharge de l'imposition de cette plus-value ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 :
Considérant que le décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ayant été abrogé par le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, les conclusions de M. X... doivent être regardées comme demandant la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article 75 de ladite loi ;
Considérant qu'aux termes du I de cet article : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées de ces mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 10 000 F ;
Article 1er : L'arrêt du 29 novembre 1989 de la cour administrative d'appel de Nantes et le jugement du 31 décembre 1986 du tribunal administratif de Rouen sont annulés.
Article 2 : M. X... est déchargé du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de 1976.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer à M. X... la somme de 10 000 F.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre du budget.