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04/02/1994 | FRANCE | N°96489

France | France, Conseil d'État, 7 /10 ssr, 04 février 1994, 96489


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 mars 1988 et 26 juillet 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "SANDY BEACH", dont le siège est ... au Touquet-Paris-Plage (62520) ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 30 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 28 septembre 1984 par laquelle le conseil municipal du Touquet-Paris-Plage a décidé de céder l'ensemble immobilier "

Sunny Beach" et "Sea Bungalow", sis avenue de l'Atlantique, à la soci...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 mars 1988 et 26 juillet 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "SANDY BEACH", dont le siège est ... au Touquet-Paris-Plage (62520) ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 30 décembre 1987 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 28 septembre 1984 par laquelle le conseil municipal du Touquet-Paris-Plage a décidé de céder l'ensemble immobilier "Sunny Beach" et "Sea Bungalow", sis avenue de l'Atlantique, à la société civile immobilière "Mona-Plage" ;
2°) d'annuler cette délibération ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le décret n° 55-216 du 3 février 1955 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lambron, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE SANDY BEACH, de Me Hennuyer, avocat de la ville du Touquet-Paris-Plage et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société civile immobilière "Mona Plage",
- les conclusions de M. Fratacci, Commissaire du gouvernement ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que la délibération d'un conseil municipal relative à la vente d'un bien faisant partie du domaine privé de la commune présente le caractère d'une décision administrative ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lille s'est reconnu compétent pour connaître de la demande de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "SANDY BEACH" tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Touquet-Paris-Plage en date du 28 septembre 1984 autorisant la cession de deux immeubles sis avenue de l'Atlantique à la société civile immobilière "Mona plage" ;
Sur la légalité de la délibération attaquée :
Considérant que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "SANDY BEACH" n'a pas contesté devant le tribunal administratif la légalité externe de la délibération du 28 septembre 1984 ; que, par suite, elle n'est pas recevable à invoquer devant le Conseil d'Etat des moyens tirés de ce qu'elle aurait dû être invitée à présenter ses observations avant l'intervention de la délibération attaquée et de ce que celle-ci ne serait pas motivée ;
Considérant que, si le conseil municipal du Touquet-Paris-Plage avait décidé, par des délibérations des 27 août 1982 et 6 mai 1983, de céder les immeubles susmentionnés à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "SANDY BEACH" sans fixer le délai pour la passation de l'acte de vente, ces délibérations n'étaient créatrices de droits acquis au profit de la société que sous la condition que la vente fût réalisée dans le délai à convenir entre les parties ; qu'il ressort des pièces du dossier que la société a obtenu le report de la date initialement fixée au 15 octobre 1983 pour le paiement du prix de vente et la passation de l'acte de cession ; qu'elle s'est ensuite abstenue de déférer à la mise en demeure, qui lui avait été adressée par le maire, de signer cet acte le 27 décembre 1983 ; qu'après que la ville eut, le 9 avril 1984, informé la requérante de son intention de chercher un autre acquéreur, puis accepté, néanmoins, de conclure la vente avec elle le 12 juillet 1984, l'un des deux cogérants de la société a fait connaître, le 11 juillet, son opposition à la signature en raison d'un désaccord avec l'autre cogérant ; qu'ainsi, et alors même que la société aurait remis le 5 mai 1984 au notaire chargé de l'établissement de l'acte la somme correspondant au prix de vente, la condition mise à la cession n'a pas été remplie du fait du comportement de la requérante ; que, par suite, celle-ci n'est pas fondée à se prévaloir de prétendus droits acquis qu'elle tiendrait des délibérations des 27 août 1982 et 6 mai 1983 ;

Considérant qu'en relevant, notamment, que le comportement de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "SANDY BEACH" avait fait obstacle à la conclusion de la vente, le conseil municipal du Touquet-Paris-Plage ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts ;
Considérant que les immeubles faisant l'objet de la délibération attaqué ont été acquis par la ville à la suite d'une expropriation pour cause d'utilité publique prononcée en vue de la construction d'un bâtiment comprenant des logements et un établissement culturel ; qu'ils doivent être cédés à la société "Mona plage" dans le même but, l'établissement culturel étant cependant remis gratuitement à la ville après réalisation des travaux ; qu'aux termes de l'article L. 21-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : "Peuvent être cédés de gré à gré ou concédés temporairement à des personnes de droit privé ou de droit public et sous condition que ces personnes les utilisent aux fins prescrites par le cahier des charges annexé à l'acte de cession ou de concession temporaire : 1°) les immeubles expropriés en vue de la construction d'ensembles immobiliers à usage d'habitation avec leurs installations annexes ..." ; qu'aux termes de l'article L. 23-3 de ce code : "Pour l'application de l'article L. 21-1, des cahiers des charges types approuvés par décret en Conseil d'Etat précisent notamment les conditions selon lesquelles les cessions et les concessions temporaires seront consenties et résolues en cas d'inexécution des charges. - Toute dérogation individuelle à ces cahiers doit être approuvée par décret en Conseil d'Etat ..." ; qu'aux termes de l'article L. 21-4 du même code : "Pour l'application des articles L. 21-1 (1° et 2°) ..., les cahiers des charges joints aux actes de cession devront comprendre les clauses types prévues par le décret ... du 3 février 1955" ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'exige que le cahier des charges qui doit être joint à l'acte de cession soit soumis à l'approbation du conseil municipal lorsque celui-ci délibère de la vente d'un immeuble précédemment exproprié ; que, par suite, en admettant même que le cahier des charges concernant la cession consentie à la société "Mona plage" n'ait pas comporté toutes les clauses types prévues par le décret du 3 février 1955, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la délibération attaquée ;

Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête, que la société "SANDY BEACH" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, qui n'a omis de répondre à aucun des moyens invoqués devant lui par la société, a rejeté la demande de celle-ci dirigée contre la délibération du 28 septembre 1984 ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; que ces dispositions font obstacle à ce que la société "Mona plage", qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à payer la somme que la société "SANDY BEACH" demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "SANDY BEACH" à verser à la société "Mona plage", en application des dispositions précitées, la somme de dix mille francs ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "SANDY BEACH" est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "SANDY BEACH" est condamnée à verser la somme de dix mille francs à la société civile immobilière "Mona plage".
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "SANDY BEACH", à la ville de Touquet-Paris-plage, à la société civile immobilière "Mona plage", au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Formation : 7 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 96489
Date de la décision : 04/02/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

16-04-02-01-02 COMMUNE - FINANCES, BIENS, CONTRATS ET MARCHES - BIENS DES COMMUNES - DOMAINE PRIVE - GESTION


Références :

Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique L21-1, L23-3, L21-4
Décret 55-216 du 03 février 1955
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75-1


Publications
Proposition de citation : CE, 04 fév. 1994, n° 96489
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Lambron
Rapporteur public ?: Fratacci

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:96489.19940204
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