La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/1994 | FRANCE | N°98233

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 04 février 1994, 98233


Vu la requête, enregistrée le 17 mai 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. X..., demeurant ..., (37000) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 10 mars 1988 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 19 décembre 1985 par laquelle le maire de Tours a confirmé son affectation à la protection des installations sportives municipales et par voie de conséquence la suppression de la prime de fonction dont il bénéficiait en tant que gar

dien de police municipale et lui a ordonné de restituer son unifor...

Vu la requête, enregistrée le 17 mai 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. X..., demeurant ..., (37000) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 10 mars 1988 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 19 décembre 1985 par laquelle le maire de Tours a confirmé son affectation à la protection des installations sportives municipales et par voie de conséquence la suppression de la prime de fonction dont il bénéficiait en tant que gardien de police municipale et lui a ordonné de restituer son uniforme, et d'autre part, à la condamnation de la ville de Tours à lui verser la somme de 10 000 F, en réparation du préjudice subi ;
2°) annule pour excès de pouvoir la décision du maire de Tours, en date du 19 décembre 1985 ;
3°) condamne la ville de Tours à lui payer, d'une part, la prime dont il a été privé à compter du 1er mars 1985, d'autre part une indemnité de 30 000 F, avec intérêts de droit à compter du jour de sa demande ainsi que la capitalisation desdits intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations desfonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Labarre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Michel X... et de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la Ville de Tours,
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par la décision attaquée, en date du 19 décembre 1985, le maire de Tours a, d'une part, confirmé la mutation de M. X..., gardien de police municipale, au service des sports pour assurer la surveillance des propriétés de la ville dépendant de ce service et la suppression de la prime de risque qu'il percevait comme gardien de police et, lui a, d'autre part, ordonné de restituer l'uniforme de gardien de police qu'il détenait ;
Sur la mutation :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la mutation de M. X... du service de la police municipale au service des sports a été décidée non dans l'intérêt du service mais en raison du comportement jugé répréhensible par la ville de cet agent à l'encontre duquel une procédure disciplinaire avait été engagée mais n'avait pas abouti par suite de l'avis défavorable du conseil de discipline ; que cette mesure qui a comporté une réduction des attributions de l'intéressé et une modification de sa situation a constitué une sanction disciplinaire déguisée qui, n'étant pas au nombre des sanctions énumérées par l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, seules susceptibles d'être infligées à un agent municipal, est entachée d'illégalité ;
Sur l'ordre de restituer l'uniforme :
Considérant qu'est, par voie de conséquence, également entachée d'illégalité la décision du maire en tant qu'elle intime à M. X... l'ordre de restituer son uniforme de gardien de police qui a été prise en exécution de la mesure de mutation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision du 19 décembre 1985 confirmant sa mutation au service des sports et lui ordonnant de restituer son uniforme ;
Sur la suppression de la prime de risque :Considérant que la prime de risque allouée aux gardiens de police municipale, qui a pour objet de compenser les risques et sujétions auxquels ils sont soumis, est liée à l'exercice effectif de telles fonctions ; que M. X... qui, à la suite de sa mutation au service des sports a cessé d'exercer des fonctions de gardien de police, n'est, en tout état de cause, pas fondé à demander le remboursement des sommes représentatives de cette prime alors même qu'il en aurait été privé illégalement ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant que les conclusions de M. X... tendant à ce qu'une indemnité lui soit versée au titre de son travail de nuit et pendant les jours fériés sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;
Considérant, en revanche, que la décision illégalement prise à son encontre lui a causé un préjudice moral et des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence dont il est fondé à demander réparation ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces préjudices en l'évaluant à 20 000 F ;
Sur les intérêts :

Considérant que M. X... a droit aux intérêts de la somme que la ville de Tours est condamnée à lui payer, à compter de la date de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif d'Orléans intervenu le 3 février 1986 ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 17 mai 1988, 6 avril 1990 et 8 novembre 1993 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans, en date du 10 mars 1988, en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. X... tendant à l'annulation des décisions du maire de Tours en date du 19 décembre 1985 le mutant au service des sports et lui intimant l'ordre de restituer son uniforme de gardien de police municipale, ensemble lesdites décisions du maire de Tours, sont annulés.
Article 2 : La ville de Tours est condamnée à payer à M. X... une indemnité de 20 000 F. Cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter du 3 février 1986.
Article 3 : Les intérêts échus les 17 mai 1988, 6 avril 1990 et 8novembre 1993, seront capitalisés à chacune de ces dates, pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à la ville de Tours et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 98233
Date de la décision : 04/02/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMMUNE - AGENTS COMMUNAUX - DISCIPLINE - SANCTIONS.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - POSITIONS - AFFECTATION ET MUTATION - MUTATION.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MATERIEL - PERTE DE REVENUS - PREJUDICE MATERIEL SUBI PAR DES AGENTS PUBLICS.


Références :

Code civil 1154
Loi 84-53 du 26 janvier 1984 art. 89


Publications
Proposition de citation : CE, 04 fév. 1994, n° 98233
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Labarre
Rapporteur public ?: Savoie

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:98233.19940204
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award