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07/02/1994 | FRANCE | N°142969

France | France, Conseil d'État, Le president de la section du contentieux, 07 février 1994, 142969


Vu le recours, enregistré le 25 novembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le PREFET DE LA SAVOIE ; le PREFET DE LA SAVOIE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 octobre 1992 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 24 septembre 1992 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X...
Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Vu les autres p

ièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l...

Vu le recours, enregistré le 25 novembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le PREFET DE LA SAVOIE ; le PREFET DE LA SAVOIE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 octobre 1992 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 24 septembre 1992 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X...
Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990 et la loi du 26 février 1992 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. du Marais, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité du recours du PREFET DE LA SAVOIE :
Considérant que l'original du recours susvisé est revêtu de la signature manuscrite du PREFET DE LA SAVOIE ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par Mme Y... tirée de l'absence de la signature du préfet n'est pas fondée ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en date du 24 septembre 1992 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y... a été signé par le secrétaire général de la préfecture de la Savoie qui avait reçu délégation à cet effet par arrêté du PREFET DE LA SAVOIE en date du 24 juillet 1992 publié au recueil des actes administratifs du département du mois de juillet 1992 ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 26 février 1992 : "I - Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ... 2°) si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré" ; que ces dispositions sont applicables à tout étranger se trouvant dans la situation qu'elles prévoient, quelles que soient les démarches qui ont pu être faites pour son compte avant son entrée en France ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y..., entrée en France le 16 décembre 1990 avec son fils né en 1981 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa les autorisant à séjourner au plus tard jusqu'au 30 janvier 1991, s'est maintenue sur le territoire national au-delà de cette date sans avoir obtenu ni même sollicité un titre de séjour après son entrée en France ; que, par suite, nonobstant la demande du bénéfice du regroupement familial effectuée par le mari de Mme Y... plusieurs mois avant leur entrée en France et rejetée le 8 juin 1990 au motif que les ressources et le logement n'avaient pu être déterminés, le PREFET DE LA SAVOIE a pu, sans commettre d'erreur de droit, se fonder comme il l'a fait sur les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour ordonner la reconduite à la frontière de Mme Y... par l'arrêté attaqué en date du 24 septembre 1992 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur ce que cet arrêté avait été signé par une autorité incompétente et était, au surplus, entaché d'une erreur de droit ;
Considérant qu'il appartient au juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y... ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée que les dispositions de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 ne sont pas applicables aux arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière pris en application de l'article 22 de ladite ordonnance ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions dudit article 8 ne peut en tout état de cause être accueilli ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard au fondement légal susindiqué de la mesure de reconduite à la frontière attaquée l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour qui résulterait de la lettre du préfet en date du 12 juin 1992 est inopérante ; qu'au surplus d'ailleurs, il ressort de son examen que cette lettre, dont les pièces produites devant le Conseil d'Etat établissent que Mme Y... en a reçu notification le 13 juin 1992, loin de rejeter une demande de titre de séjour formulée par l'intéressée, relève qu'elle s'est maintenue sur le territoire national après l'expiration du délai de validité de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour ou d'un récépissé de demande de délivrance d'un tel titre après avoir rappelé la teneur du courrier adressé à son mari le 8 juin 1990 lui indiquant qu'il lui appartenait de présenter une nouvelle demande d'introduction de famille lorsque les conditions de logement et de ressources seraient remplies ;
Considérant, en troisième lieu, que si Mme Y... fait valoir qu'elle vit en France avec son époux, titulaire d'une carte de résident, et ses deux enfants dont l'un est né en France le 14 décembre 1991, qu'à la date de l'arrêté attaqué un début de grossesse était en cours et que sa proche famille est également établie en France, il résulte des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions dans lesquelles l'intéressée s'est maintenue sur le territoire, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du 24 septembre 1992 n'a pas porté au droit de Mme Y... au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que Mme Y... n'est, par suite, pas fondée à invoquer les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne résulte pas des pièces du dossier, qu'à la date de la décision attaquée, Mme Y... ait été, eu égard à l'état d'avancement de sa grossesse, hors d'état de supporter un voyage sans danger pour sa santé ; que le PREFET DE LA SAVOIE a donc pu, sans commettre d'erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée, décider qu'il sera reconduit à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SAVOIE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions de Mme Y... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme Y... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble en date du 29 octobre 1992 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Rouen sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SAVOIE, à Mme Y... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : Le president de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 142969
Date de la décision : 07/02/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

26-05-01-04 DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ETRANGERS, REFUGIES, APATRIDES - ETRANGERS - QUESTIONS COMMUNES - RECONDUITE A LA FRONTIERE


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 8
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 92-190 du 26 février 1992
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 07 fév. 1994, n° 142969
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Latournerie
Rapporteur public ?: du Marais

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:142969.19940207
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