Vu la requête enregistrée le 3 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Henri Y... demeurant Pharmacie de la Place à Romagne (86700) ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé à la demande de Mme X..., l'arrêté du 23 septembre 1991 par lequel le préfet de la Vienne a autorisé M. Y... à créer à titre dérogatoire une officine de pharmacie à Romagne ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Poitiers et tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Laure Denis, Auditeur, - les observations de Me Odent avocat de M. Henri Y...,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'article L. 571 du code de la santé publique relatif à la création d'officines de pharmacie dispose dans son deuxième alinéa : "Dans les communes d'une population inférieure à 5.000 habitants, il ne peut être délivré qu'une licence par tranche entière de 2.000 habitants recensés dans les limites de la commune." ; que selon le 4ème alinéa du même article : "La population dont il est tenu compte ... est la population municipale totale, telle qu'elle est définie par le décret ayant ordonné le dernier dénombrement général de la population. " ; qu'enfin, selon le 5ème alinéa du même article : "Si les besoins de la population résidente et de la population saisonnière l'exigent, des dérogations à ces règles peuvent être accordées par le préfet" ;
Considérant qu'il n'appartient ni au préfet lorsqu'il statue sur une demande de création d'officine par dérogation ni au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'il est saisi d'un recours formé contre une telle décision de se fonder sur d'autres considérations que celles relatives aux besoins de la population, au sens des dispositions précitées de l'avant dernier alinéa de l'article L. 571 du code de la santé publique ;
Considérant que la population municipale de la commune de Romagne, qui lors du recensement de 1982 s'élevait à 910 habitants dont 274 au chef-lieu, était, lors du recensement de 1990 de 805 habitants, auxquels s'ajoutaient cependant 124 habitants "comptés à part " ; que si M. Y... fait état de divers projets visant au développement de la commune, notamment en matière touristique, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date du 23 septembre 1991, à laquelle le préfet de la Vienne a pris la décision litigieuse, ces projets aient été de nature à entraîner une augmentation d'ores et déjà certaine de la population résidente ou saisonnière ; que l'approvisionnement en médicaments des habitants de Romagne pouvait être assuré, dans des conditions ne présentant pas de difficulté spécifique, par les officines implantées dans des communes avoisinantes, et, notamment, par l'officine existant dans la commune de Sommières du Clain, distante de 4,5km ; que si, pour délivrer l'autorisation de création par dérogation sollicitée par M. Y..., le préfet de la Vienne a entendu prendre également en considération les besoins des habitants des communes de Vaux, Champagne Saint Hilaire, Brux et Champniers, limitrophes de celle de Romagne également dépourvus d'officine, il ressort des pièces du dossier d'une part que ces communes d'habitat dispersé ne comptent qu'un nombre limité d'habitants, d'autre part et surtout que, compte tenu notamment de la configuration des lieux, des distances à parcourir et du réseau des voies de communication, la commune de Romagne ne constitue pas un centre d'approvisionnement pour la plus grande partie des habitants de ces communes, dont la desserte en médicaments est assurée par les pharmaciens existant dans les communes de Couhé, Gençay, Chaunay, Sommières du Clain ou Civray ;
Considérant que de ce qui précède, il résulte que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Poitiers a estimé que les besoins de la population ne justifiaient pas la création par voie dérogatoire d'une officine à Romagne et a par suite annulé pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral du 23 septembre 1991 ;
Article 1er : La requête de M. Henri Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à Mme Geneviève X... et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.