Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE MANOIR INDUSTRIE, DIVISION BAR LORFORGE, dont le siège est situé ... ; la SOCIETE MANOIR INDUSTRIE, DIVISION BAR LORFORGE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 14 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a annulé la décision du 8 septembre 1987 par laquelle le ministre des affaires sociales et de l'emploi a annulé la décision du 30 avril 1987 de l'inspecteur du travail de Bar-sur-Aube (10200) refusant d'autoriser le licenciement de MM. X..., Gracia et Lopes, représentants du personnel ;
2°) de rejeter la demande présentée par MM. X..., Gracia et Lopes devant le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Laure Denis, Auditeur,
- les observations de Me Boulloche, avocat de la SOCIETE MANOIR INDUSTRIE, DIVISION BAR LORFORGE,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte-tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi ; qu'en outre pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un des intérêts en présence ;
Considérant que la participation des trois salariés concernés à un mouvement revendicatif au cours duquel se seraient produits des actes illicites ou de violence n'a pu à elle seule constituer une faute d'une gravité suffisante pour justifier leur licenciement dès lors qu'il n'est pas établi qu'ils ont commis personnellement les faits dénoncés, que l'employeur leur impute à tort ;
Considérant que dès lors que la SOCIETE MANOIR INDUSTRIE, DIVISION BAR LORFORGE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a annulé la décision du ministre des affaires sociales et de l'emploi du 8 septembre 1987 autorisant le licenciement de MM. X..., Gracia et Lopes ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE MANOIR INDUSTRIE, DIVISION BAR LORFORGE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE MANOIR INDUSTRIE, DIVISION BAR LORFORGE, à MM. X..., Gracia et Lopes et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.