Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, les 26 décembre 1991 et 26 mars 1992, présentés pour la COMMISSION NATIONALE DES CONSEILS JURIDIQUES, dont le siège est à Paris 75008, 4 square du Roule ; la COMMISSION NATIONALE DES CONSEILS JURIDIQUES demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 24 septembre 1991 fixant la composition des commissions prévues au deuxième alinéa de l'article 50-X de la loi du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines profession judiciaires et juridiques ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée en dernier lieu par la loi du 31 décembre 1990 ;
Vu le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Aberkane, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMISSION NATIONALE DES CONSEILS JURIDIQUES,
- les conclusions de M. du Marais, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions du garde des Sceaux, ministre de la justice tendant à ce qu'il n'y ait lieu de statuer sur la requête :
Considérant que la COMMISSION NATIONALE DES CONSEILS JURIDIQUES a été instituée et dotée de la personnalité morale par le décret du 15 mars 1978 pris sur le fondement de l'article 66 de la loi du 31 décembre 1971 ; que la commission nationale, dont la mission est d'assurer la défense des intérêts collectifs des conseils juridiques, avait intérêt à déférer au juge de l'excès de pouvoir le décret du 24 septembre 1991 qui réglemente, par application de l'article 50-X de la loi du 31 décembre 1971 dans sa rédaction résultant de la loi du 31 décembre 1990, certaines modalités d'accès de conseils juridiques à la profession d'expert-comptable et comptable-agréé ;
Considérant que la loi du 31 décembre 1990, entrée en vigueur le 1er janvier 1992, a créé une nouvelle profession d'avocat à laquelle ont accès les anciens conseils juridiques ; qu'en conséquence, le décret du 27 novembre 1991 a, d'une part, abrogé le décret du 15 mars 1978 et, d'autre part, précisé dans son article 251 que la COMMISSION NATIONALE DES CONSEILS JURIDIQUES était prorogée sans changement de sa composition jusqu'à la mise en place du conseil national des barreaux, laquelle a eu lieu en avril 1992 ;
Considérant que les changement ainsi intervenus dans la profession de conseil juridique, qui ont produit effet postérieurement à l'introduction de la requête, ne font pas obstacle à la poursuite de l'instance engagée régulièrement par la COMMISSION NATIONALE DES CONSEILS JURIDIQUES ; que les conclusions du garde des Sceaux, ministre de la justice tendant à ce qu'il n'y ait lieu de statuer en l'état sur la requête doivent par suite être écartées ;
Sur le décret du 24 septembre 1991 :
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le décret ne respecterait pas le principe de parité posé par la loi :
Considérant que l'article 24 de la loi du 31 décembre 1990 ajoute un X à l'article 50 de la loi du 31 décembre 1971 ; que ce paragraphe X accorde aux conseils juridiques en fonction remplissant les conditions qu'il prévoit la possibilité d'être intégrés dans l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés, après que leur candidature soit appréciée par des commissions qui "outre les représentants de l'administration ... comprendront, de manière paritaire, des experts-comptables et des conseils juridiques et fiscaux" ;
Considérant que les commissaires du gouvernement près les conseils régionaux et le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés sont, non des personnes chargées d'assurer la défense de la profession mais des représentants de l'Etat investis d'un pouvoir de contrôle de l'institution ordinale ; qu'il suit de là que le décret attaqué a pu, sans méconnaître le principe de la parité prévu par les dispositions susrappelées de la loi du 31 décembre 1990, les charger de présider, avec voix prépondérante, les commissions dont s'agit ; que le moyen sus-mentionné doit donc être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait ajouté pour l'inscription à l'ordre une condition non prévue par la loi :
Considérant qu'aux termes du X de l'article 50 de la loi du 31 décembre 1971: "les anciens conseils juridiques justifiant d'une pratique professionnelle d'au moins dix ans qui avaient été autorisés à faire usage d'une mention de spécialité en matière fiscale ... sont, sur leur demande, ... inscrits au tableau de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés, aux fins d'exercer les prérogatives reconnues aux comptables agréés par l'article 8 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ... Un décret fixe la composition des commissions qui sont appelées à se prononcer sur les candidatures ..." ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 24 septembre 1991 : "les justifications produites doivent notamment permettre à la commission de vérifier l'exercice professionnel par le candidat de missions comptables de la nature de celles prévues par l'article 8 de l'ordonnance du 19 septembre 1945." ;
Considérant que cette exigence est impliquée par les dispositions précitées de la loi relatives à l'exercice d'une "pratique professionnelle" ; qu'il suit de là qu'en ne se bornant pas à exiger des candidats de rapporter la seule preuve de l'autorisation qui leur a été délivrée de faire usage de la mention de spécialité en matière fiscale, le décret attaqué ne saurait être regardé comme ayant ajouté à l'inscription à l'ordre une condition non prévue par la loi ; que le moyen sus-mentionné doit donc être écarté ;
Sur les conclusions de la COMMISSION NATIONALE DES CONSEILS JURIDIQUES tendant à l'octroi d'une indemnité de 12.000 F au titre des frais irrépétibles :
Considérant que la requête de la commission nationale des conseils juridiques étant rejetée, l'Etat ne saurait être condamné à lui verser une indemnité au titre de ses frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; que les conclusions susmentionnées de la COMMISSION NATIONALE DES CONSEILS JURIDIQUES ne peuvent donc qu'être rejetées ;
Article 1er : La requête de la COMMISSION NATIONALE DES CONSEILS JURIDIQUES est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au conseil national des barreaux français, à l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés, au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministrede la justice et au Premier ministre.