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30/03/1994 | FRANCE | N°143128

France | France, Conseil d'État, Le president de la section du contentieux, 30 mars 1994, 143128


Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL D'OISE ; le PREFET DU VAL D'OISE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 novembre 1992 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 9 septembre 1992 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Yunbao Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les

autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des dr...

Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL D'OISE ; le PREFET DU VAL D'OISE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 19 novembre 1992 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 9 septembre 1992 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Yunbao Y... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990 et la loi du 26 février 1992 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, d'une part, que si M. Y... invoque les risques que comporterait pour lui son retour dans son pays d'origine, le moyen est inopérant à l'égard de l'arrêté attaqué qui ne précise pas le pays vers lequel M. Y... doit être reconduit ;
Considérant, d'autre part, qu'à l'appui des conclusions dirigées contre la décision, distincte de l'arrêté du 9 septembre 1992, prescrivant qu'il sera reconduit en Chine, M. Y... fait valoir qu'en raison des risques que lui ferait courir son retour dans son pays d'origine, cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que la qualité de réfugié a été refusée à M. Y... par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 12 novembre 1991, confirmée par une décision de la commission des recours des réfugiés en date du 5 juin 1992 ; que M. Y... ne fait état d'aucun élément nouveau par rapport à ceux qu'il a exposés devant ces deux organismes et ne produit aucune pièce probante permettant de regarder les faits qu'il allègue comme établis ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU VAL D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur ce qu'il aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des risques que courrait M. Y... s'il devait être reconduit à destination de son pays d'origine pour annuler son arrêté du 9 septembre 1992 ;

Considérant qu'il appartient au juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif de Versailles ou en appel devant le Conseil d'Etat ;
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière :
Considérant qu'il est constant que M. Y..., à qui la qualité de réfugié a été refusée, ainsi qu'il vient d'être dit, par une décision en date du 12 novembre 1991 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 5 juin 1992 par la commission des recours des réfugiés, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un mois à compter de la notification, le 20 juillet 1992, de la décision du même jour par laquelle le PREFET DU VAL D'OISE lui a refusé le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; que l'intéressé entrait donc dans le champ d'application des dispositions de l'article 22-I-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée qui autorisent la reconduite à la frontière des ressortissants étrangers en situation irrégulière ;
Considérant que les dispositions de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 aux termes desquelles "I. Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent ... décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ..." ne font pas obstacle à ce que le préfet puisse donner délégation de signature des arrêtés de reconduite à la frontière au secrétaire général de la préfecture ;

Considérant que Mme X..., secrétaire général de la préfecture du Val d'Oise, bénéficiait d'une délégation de signature du PREFET DU VAL D'OISE en date du 13 mars 1992, publiée au recueil des actes administratifs du département d'avril 1992, l'autorisant notamment à signer les arrêtés de reconduite à la frontière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que Mme X... n'aurait pas été compétente pour signer l'arrêté attaqué ne peut être accueilli ; que les conditions dans lesquelles a été signée l'ampliation de cet arrêté, en vue de sanotification à M. Y..., sont, en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité ;
Considérant que si M. Y... fait état de son mariage le 28 août 1992 avec une ressortissante française, il résulte des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. Y... en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DU VAL D'OISE en date du 9 septembre 1992 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que si M. Y... soutient qu'il pourrait bénéficier d'une carte de résident sur le fondement de l'article 15-1°) de l'ordonnance du 2 novembre 1945, il est constant qu'il n'a pas sollicité l'octroi d'un tel titre de séjour avant l'intervention de l'arrêté attaqué ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL D'OISE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Article 1er : Le jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles en date du 19 novembre 1992 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL D'OISE, à M. Yunbao Y... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : Le president de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 143128
Date de la décision : 30/03/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

26-05-01-04 DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ETRANGERS, REFUGIES, APATRIDES - ETRANGERS - QUESTIONS COMMUNES - RECONDUITE A LA FRONTIERE


Références :

Convention européenne du 04 novembre 1950 sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 3, art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 1994, n° 143128
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Chéramy
Rapporteur public ?: Mme Denis-Linton

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:143128.19940330
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