Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 janvier 1991 et 28 mai 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SA Etablissements Charbonneaux-Brabant, dont le siège est ... ; la SA Etablissements Charbonneaux-Brabant demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 30 octobre 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation d'un jugement du 29 novembre 1988 du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 6 865 286,19 F en réparation des conséquences dommageables résultant de la modification du régime économique de l'alcool de betterave opérée par la loi du 11 juillet 1985 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser ladite somme avec intérêts de droit et intérêts des intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lévis, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Delvové, avocat de la SA Etablissements Charbonneaux-Brabant,
- les conclusions de M. Dael, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que si la société requérante soutient qu'en écartant sa requête qui tendait à ce que l'Etat soit condamné à réparer les conséquences dommageables résultant de l'application de la loi du 11 juillet 1985 mettant fin au monopole d'Etat de commercialisation de l'alcool éthylique, au motif que la loi ne prévoyait aucune indemnisation, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit, il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que la cour, qui s'est bornée à relever l'absence de dispositions législatives expresses prévoyant une indemnisation, ne s'est pas fondée sur ce seul motif pour rejeter la requête mais a également recherché si la responsabilité de l'Etat était engagée sur le fondement de la rupture d'égalité devant les charges publiques ; que le moyen doit par suite être écarté ;
Considérant qu'en relevant que l'objet de la loi était de rationaliser le marché des alcools et en en déduisant que les objectifs d'intérêt général ainsi poursuivis faisaient obstacle à l'indemnisation, sur le fondement de l'égalité devant les charges publiques, des conséquences dommageables qui pourraient résulter, pour les dépositaires du service des alcools, de la modification de leurs conditions d'activité qu'exigeait cette rationalisation, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant que si la société requérante fait grief à l'arrêt attaqué de n'avoir pas reconnu le caractère anormalement grave du préjudice qu'elle allègue, il résulte des termes mêmes de l'arrêt que ce motif a un caractère surabondant et ne saurait, par suite, en tout état de cause, entraîner l'annulation de l'arrêt de la cour ;
Considérant, enfin, que la cour ne s'est pas fondée sur l'absence de caractère spécial du préjudice allégué ; que par suite le moyen relatif à la spécialité du préjudice est inopérant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation dudit arrêt ;
Article 1er : La requête de la SA Etablissements Charbonneaux-Brabant est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SA Etablissements Charbonneaux-Brabant et au ministre du budget.