Vu le recours du ministre des affaires étrangères enregistré le 18 mars 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre des affaires étrangères demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 21 janvier 1988 en tant que par ce jugement le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 11 septembre 1985 par laquelle le ministre des relations extérieures a rejeté la demande de Mme X... tendant à la consultation, en application de la loi du 3 janvier 1979, des documents financiers de l'ancienne concession française de Shanghai contenus dans les archives publiques françaises ;
2°) rejette la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Vu la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 ;
Vu le décret n° 79-1038 du 3 décembre 1979 ;
Vu le décret n° 80-975 du 1er décembre 1980 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ronteix, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de Mme X...,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que pour refuser à Mme X..., par sa décision du 11 septembre 1985, la possibilité de consulter certains documents financiers de l'ancienne concession française de Shanghai, le ministre des affaires étrangères s'est fondé sur le double motif que la communication de ces documents pouvait être refusée en application de la loi du 17 juillet 1978 relative à la liberté d'accès aux documents administratifs et qu'ils ne pouvaient être consultés qu'après l'expiration d'un délai de soixante ans en vertu des dispositions de l'article 1er du décret du 3 décembre 1979 pris pour l'application de la loi du 3 janvier 1979 sur les archives et de celles de l'article 8 du décret du 1er décembre 1980, relatif aux archives du ministère des affaires étrangères ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 3 janvier 1979 : "Les documents dont la communication était libre avant leur dépôt aux archives publiques continueront d'être communiqués sans restriction d'aucune sorte à toute personne qui en fera la demande. - Les documents visés à l'article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal demeurent communicables dans les conditions fixées par cette loi. - Tous les autres documents d'archives publiques pourront être librement consultés à l'expiration d'un délai de trente ans ou des délais spéciaux prévus à l'article 7 ci-dessous" ; qu'il résulte de ces dispositions que les documents administratifs dont la communication peut être refusée en application de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, notamment parce que leur communication porterait atteinte au secret de la politique extérieure ou à la monnaie et au crédit public, sont au nombre des "autres documents d'archives publiques" qui peuvent être librement consultés dans les conditions fixées par la loi du 3 janvier 1979 à l'expiration d'un délai de trente ans ou des délais spéciaux prévus à l'article 7 de ladite loi ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 3 janvier 1979 sur les archives : "Le délai au-delà duquel les documents d'archives publiques peuvent être librement consultés est porté à ... 5°) soixante ans à compter de la date de l'acte pour les documents qui contiennent des informations mettant en cause la vie privée ou intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense nationale, et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat" ; que ces dispositions définissent de façon limitative les critères auxquels est subordonné le classement des documents d'archives publiques qui ne peuvent être librement consultés qu'après un délai de soixante ans ; que "les documents mettant en cause les négociations financières, monétaires et commerciales avec l'étranger" ainsi que "les documents concernant les contentieux avec l'étranger non réglés, qui intéressent l'Etat ou les personnes physiques ou morales françaises" qui figurent, sur la liste des documents d'archives publiques établie par le décret du 3 décembre 1979, parmi les documents d'archives ne pouvant être communiqués qu'après un délai de soixante ans ne mettent pas nécessairement en cause la sûreté de l'Etat ou la défense nationale ; que, par suite, en se fondant, pour rejeter la demande de Mme X... sur la seule circonstance que les documents qu'elle demandait à consulter étaient au nombre des documents énumérés par les dispositions précitées du décret du 3 décembre 1979 et par celles du décret du 1er décembre 1980 qui s'y réfèrent, le ministre des affaires étrangères a entaché sa décision d'excès de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des affaires étrangères n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 11 septembre 1985 ;
Article 1er : Le recours du ministre des affaires étrangères est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme X... et au ministre des affaires étrangères.