Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 12 décembre 1990 et 12 avril 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune d'Argenteuil (Val-d'Oise), représentée par son maire en exercice ; la commune d'Argenteuil demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 9 octobre 1990 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision en date du 12 mai 1989 par laquelle le maire d'Argenteuil a exercé le droit de préemption urbain sur un appartement sis ... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... et la SARL Sogim devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Gervasoni, Auditeur,
- les observations de Me Riziger, avocat de la commune d'Argenteuil,
- les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant en premier lieu qu'il ressort de la minute du jugement attaqué que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait omis d'analyser les moyens de la demande et les moyens du mémoire en défense manque en fait ;
Considérant en second lieu que, si le jugement attaqué mentionne que le bien préempté est la propriété de la SARL "Sogim", alors qu'il appartenait à M. et Mme Y..., cette erreur matérielle a été sans influence sur ledit jugement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant que la demande au tribunal administratif a été présentée au nom de la SARL "Sogim", agent immobilier, et pour Mme X... ; que cette dernière, qui était titulaire d'une promesse de vente du bien sur lequel la commune d'Argenteuil a exercé son droit de préemption, avait intérêt à demander l'annulation de la décision attaquée ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de rechercher si la SARL "Sogim" avait également intérêt pour agir, la demande était recevable ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée, "les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites opérations. Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé" ; qu'au nombre des actions ou opérations que mentionne l'article L. 300-1 du même code figurent notamment les actions ou opérations d'aménagement qui ont pour objet de mettre en oeuvre une politique locale de l'habitat ;
Considérant qu'en se bornant à énoncer dans sa décision "qu'il exerce le droit de préemption, conformément à l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme pour l'objet suivant : mise en oeuvre de la politique locale de l'habitat dans le cadre de la procédure de l'habitat adapté", sans préciser en quoi consistait la politique de l'habitat pour laquelle l'acquisition était poursuivie, le maire d'Argenteuil n'a pas satisfait aux prescriptions ci-dessus rappelées de l'article L. 210-1 qui exige que toute décision de préemption mentionne l'objet pour lequel ce droit est exercé ; qu'il suit de là que cette décision était entachée d'illégalité et que c'est dès lors à bon droit qu'elle a été annulée par le jugement attaqué ;
En ce qui concerne les frais irrépétibles que la commune d'Argenteuil a été condamnée à payer par l'article 3 du jugement attaqué en application de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il n'y avait pas lieu d'accorder à Mme X... et à la SARL "Sogim" la somme demandée au titre des frais exposés dans le procès ; que l'article 3 du jugement attaqué doit dès lors être annulé ;
Article 1er : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 10 juillet 1990 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune d'Argenteuil est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Argenteuil, à Mme X..., à la SARL Sogim et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.