Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juillet 1991 et 4 novembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Lucas-France, dont le siège est ..., représentée par ses dirigeants en exercice ; la société Lucas-France demande au Conseil d'Etat d'annuler avec toutes les conséquences de droit le jugement du 18 avril 1991 en tant que par ce jugement le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à ce que le sursis de paiement lui fut accordé et à ce que fut abandonné ou limité l'avis à tiers détenteur émis par le comptable public à l'encontre de la requérante auprès du crédit commercial de France ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez , avocat de société Lucas-France,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Sur le litige relatif au sursis de paiement :
Considérant qu'il ressort des dispositions des articles L. 277 et L. 279 du livre des procédures fiscales que les impositions contestées par un contribuable qui a assorti sa réclamation d'une demande régulière de sursis de paiement, notamment en offrant les garanties prévues par ces dispositions, cessent d'être exigibles à compter de la date de cette demande et qu'elles ne le redeviennent que si le comptable public a notifié par lettre recommandée au contribuable que les garanties offertes n'étaient pas propres à assurer le recouvrement des impositions contestées ;
Considérant qu'ayant estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des faits, qu'aucune décision expresse du comptable public n'était intervenue pour refuser les garanties offertes par la société "LUCAS FRANCE", recherchée en paiement de diverses cotisations à l'impôt sur les sociétés, le tribunal administratif, après avoir relevé qu'il en résultait que la société bénéficiait dès lors du sursis de paiement pour les impositions contestées, n'a commis aucune erreur de droit en jugeant que, faute pour le juge du référé fiscal d'être régulièrement saisi d'un litige portant sur un refus de garantie, les conclusions de la société portées devant ce dernier étaient irrecevables ;
Sur le litige relatif à l'avis à tiers-détenteur :
Considérant qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : "A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés jusqu'à la saisie inclusivement. Mais la vente ne peut être effectuée ou la contrainte par corps ne peut être exercée jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. Lorsque le comptable a notifié un avis à un tiers détenteur ou a fait procéder à une saisie en application de l'alinéa précédent, le contribuable peut demander au juge du référé prévu, selon le cas, aux articles L. 279 et L. 279 A, de prononcer la limitation ou l'abandon de ces mesures si elles comportent des conséquences difficilement réparables. Les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 279 sont applicables à cette procédure, le tribunal d'appel étant, selon le cas, le tribunal administratif ou le tribunal de grande instance" ; qu'il résulte de ces dispositions que le juge du référé est incompétent pour prononcer la limitation ou l'abandon d'un avis à tiers détenteur lorsque le contribuable, qui a constitué les garanties demandées ou auquel aucun refus des garanties offertes n'a été notifié, bénéficie du sursis de paiement ; qu'il appartient éventuellement au contribuable de porter devant l'administration puis devant le juge administratif du recouvrement sa contestation de la légalité de l'acte de poursuites et de l'exigibilité de la somme réclamée, en application des dispositions des articles L. 281 et R. 281-1 à R. 281-5 du livre des procédures fiscales ; que ce motif de pur droit tiré du champ d'application de la loi et exclusif de toute appréciation de fait doit être substitué au motif erroné en droit du jugement attaqué dont il justifie légalement le dispositif, le tribunal s'étant fondé, pour rejeter les conclusions de la société tendant à l'abandon ou la limitation de l'avis à tiers détenteur décerné par le comptable du Trésor à une banque où le contribuable avait un compte, sur l'absence de conséquences difficilement réparables de la mesure ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société "Lucas France" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de la société Lucas-France est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Lucas-France et au ministre du budget.