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25/05/1994 | FRANCE | N°65893

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 25 mai 1994, 65893


Vu la requête enregistrée le 7 février 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.) représentée par son représentant légal en exercice, domiclié au siège social, ... ; la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 novembre 1984, par lequel le tribunal administratif de Dijon, d'une part, l'a condamnée à verser diverses sommes aux sociétés Treficable Pirelli et Transports Bunel et à la compagnie d'assurances Seine et Rhône Oc

éanides Réunies, en réparation des avaries survenues à des tourets de...

Vu la requête enregistrée le 7 février 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.) représentée par son représentant légal en exercice, domiclié au siège social, ... ; la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 novembre 1984, par lequel le tribunal administratif de Dijon, d'une part, l'a condamnée à verser diverses sommes aux sociétés Treficable Pirelli et Transports Bunel et à la compagnie d'assurances Seine et Rhône Océanides Réunies, en réparation des avaries survenues à des tourets de câbles électriques transportés sur des camions, d'autre part, a rejeté son appel en garantie formé contre le département de l'Yonne ;
2°) subsidiairement, de déclarer irrecevable la demande de la compagnie Seine et Rhône Océanides Réunies, procéder à un partage de responsabilité plus favorable à la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.), condamner l'Etat et le département de l'Yonne à la garantir, enfin diminuer sensiblement l'évaluation des préjudices effectuée par les premiers juges ; . . . . . . . . . . . . . .
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la route et notamment son article R.3-2 .
Vu le code des assurances et notamment son article L.121-12 ;Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de la Verpillière, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.), de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat du département de l'Yonne, de Me Boullez, avocat de la société Treficable Pirelli, de la SCP Le Bret, Laugier, avocat de la société Transports Bunel et de la SA Seine et Rhône Océanides Réunies,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le 23 avril 1980, un véhicule de la société Transports Bunel, transportant des tourets de câbles électriques pour le compte de la société Treficable Pirelli, circulait sur l'autoroute A 6 ; que, parvenu au péage de Fleury-en-Bierre ce véhicule, sur injonction des agents de la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.), dût quitter l'autoroute et emprunter la route départementale 101 entre Auxerre-Sud et Bierre-lesSemur ; qu'au cours de ce trajet, son chargement, d'une hauteur au-dessus du sol de 4,86 m, a heurté le tablier d'un pont de chemin de fer enjambant la voie départementale, qui ne laissait aux véhicules qu'une hauteur libre de 4,55 m ; que cette collision a causé aux tourets de câbles électriques des dommages que la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.) a été condamnée à réparer ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'en obligeant les véhicules d'une hauteur de plus de 4 m 45 à quitter l'autoroute et en les invitant à "emprunter obligatoirement l'itinéraire de déviation" figurant sur un imprimé distribué aux conducteurs, la société requérante, qui avait été informée dès le 28 octobre 1979 par la direction départementale de l'équipement de l'Yonne, de l'existence sur le chemin départemental 101 d'un nouveau pont de chemin de fer qui ne permettait pas le passage de véhicules d'un gabarit supérieur à 4 m 55, et qui n'avait pris aucune disposition pour en prévenir les usagers, a commis dans l'exercice des pouvoirs qui découlent de sa concession, une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à réparer une partie des conséquences dommageables de l'accident susrelaté ;

Considérant que cette responsabilité est toutefois atténuée par la faute commise par le conducteur du véhicule de la société anonyme des Transports Bunel, qui, en engageant son camion sous le pont de chemin de fer sans s'être assuré que la hauteur disponible était suffisante, a méconnu les obligations qui lui incombaient en raison de la hauteur exceptionnelle de son chargement ; qu'ainsi, en condamnant la société requérante à indemniser la société des Transports Bunel et la société anonyme Treficable Pirelli des quatre cinquièmes des conséquences dommageables de l'accident restées définitivement à leur charge, les premiers juges ont fait uneexacte appréciation des circonstances de l'affaire ;
Sur l'appel en garantie de l'Etat et du département de l'Yonne par la société requérante :
Considérant que, pour demander que l'Etat et le département de l'Yonne soient condamnés à la garantir des condamnations mises à sa charge, la société requérante ne peut se fonder que sur les fautes que ces collectivités publiques auraient éventuellement commises et qui auraient directement concouru à la réalisation du dommage ; qu'il ressort des pièces du dossier que le département, maître d'ouvrage du chemin départemental 101, n'a commis aucune faute dans l'exploitation de cet ouvrage ; qu'en particulier, aucune disposition législative ou réglementaire ne l'obligeait à signaler l'existence d'un obstacle situé à une hauteur au-dessus de la chaussée supérieure à 4 m 50 ; que les conclusions dirigées contre l'Etat ne sont assorties d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée ; que la société requérante n'est dès lors pas fondée à appeler en garantie l'Etat et le département de l'Yonne ;
Sur la recevabilité de la demande de la société Seine et Rhône Océanides Réunies :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la compagnie Seine et Rhône Océanides Réunies a réglé à la société Treficable Pirelli pour le compte de son assuré, les Transports Bunel, la somme de 200 000 F ; qu'en vertu des dispositions de l'article L.121-12 du code des assurances, ladite compagnie est subrogée, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de son assuré contre les tiers ; que, dès lors, elle avait qualité pour rechercher en première instance, le remboursement de ce versement par les moyens de son choix ; qu'enfin sa requête ayant été introduite le 16 octobre 1984, soit un mois avant le jugement du tribunal administratif, la société requérante, à qui cette requête avait été notifiée, n'est pas fondée à soutenir que l'instruction n'aurait pas été contradictoire ;
Sur le montant du préjudice :
Considérant que si la société requérante n'a pas été convoquée aux deux premières réunions d'expertise des 14 et 28 mai 1980, les comptes-rendus de ces réunions lui ont cependant été transmis ; qu'elle a pu, d'autre part, faire valoir son point de vue lors de la réunion du 24 juin 1980 où toutes les parties en cause étaient représentées ; que l'expertise doit donc être tenue pour contradictoire ;
Considérant que si l'expert a considéré que l'un des deux câbles endommagés dans l'accident avait "les plus fortes chances" de fonctionner de manière satisfaisante, il a également indiqué qu'il était impossible de prévoir le comportement de ce câble à terme, et souligné que son utilisation nécessiterait que l'une des parties accepte de la garantir pour une durée totale de dix ans, condition qui n'a pas été réalisée ; qu'en choississant l'autre solution préconisée par l'expert, à savoir le remplacement complet des deux câbles, les premiers juges n'ont pas fait du préjudice une évaluation excessive ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que le coût de remplacement des deux câbles endommagés et des dommages connexes s'élève à la somme de 675 295 F ; que la réparation de ce dommage incombant entièrement à la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.) et au transporteur, il y a lieu, suivant le partage des responsabilités précédemment arrêté, de mettre à la charge de la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE(S.A.P.R.R.) la somme de 540 236 F et à la charge de la société des Transports Bunel et de son assureur la somme de 135 059 F ; que pour tenir compte du versement de 200 000 F déjà effectué par la compagnie d'assurances Seine et Rhône Océanides Réunies à la société Treficable Pirelli, la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.) devra verser à la société Treficable Pirelli la somme de 475 295 F, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 23 avril 1982, et à la compagnie d'assurances Seine et Rhône Océanides Réunies la somme de 64 941 F, en remboursement du trop versé sur la part de réparation lui incombant, cette somme portant intérêt à compter du 16 octobre 1984 ;
Considérant que compte tenu de l'intervention de sa compagnie d'assurances, le préjudice dont la SARL Transports Bunel a supporté définitivement la charge se limite, d'une part, à la somme de 1 000 F payée aux Etablissements Poids lourds 2000 pour la remise en place des tourets et, d'autre part, au coût d'un constat d'huissier soit 348,62 F ; qu'il y a lieu de condamner la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.) à verser à la société Transports Bunel les 4/5èmes du montant de ce préjudice soit 1 078,90 F, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du 16 juillet 1982 ;
Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant, d'une part, que la société Treficable a demandé la capitalisation des intérêts de la somme qui lui est due échus le 6 septembre 1985, le 5 janvier 1988 et le 1er octobre 1991 ; qu'à ces dates, il lui était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Considérant, d'autre part, que la compagnie Seine et Rhône Océanides Réunies a également demandé la capitalisation des intérêts de la somme qui lui est due échus le 31 octobre 1985, le 10 novembre 1987 et le 8 novembre 1991 ; qu'à ces dates, il lui était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, selon les dispositions susrappelées, il y a lieu de faire droit auxdites demandes ;
Considérant, enfin, que la société Bunel a demandé la capitalisation des intérêts de la somme qui lui est due échus les 31 octobre 1985, 10 novembre 1987 et 8 novembre 1991 ; qu'à ces dates, il lui était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, selon les dispositions susrappelées, il y a lieu de faire droit auxdites demandes ;
Article 1er : La requête n° 65 893 de la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.) est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.) est condamnée à verser les sommes suivantes : - à la SA Treficable Pirelli : quatre cent soixante quinze mille deux cent quatre vingt quinze francs (475 295 F), cette somme portant intérêt au taux légal à compter du 23 avril 1982, ces intérêts étant capitalisés pour porter eux-mêmes intérêt à compter du 6 septembre 1985, du 5 janvier 1988 et du 1er octobre 1991 ; - à la compagnie d'assurance Seine et Rhône Océanides Réunies : soixante quatre mille neuf cent quarante et un francs (64 941 F), cette somme portant intérêt au taux légal à compter du 16 octobre 1984, et capitalisationdes intérêts à compter du 31 octobre 1985, du 10 novembre 1987 et du 8 novembre 1991 ; - à la SARL Transports Bunel : mille soixante dix huit francs et quatrevingt dix centimes (1 078,90 F), cette somme portant intérêt à compter du 16 juillet 1982, et capitalisation des intérêts à compter du 31 octobre 1985, du 10 novembre 1987 et du 8 novembre 1991.
Article 3 : Le jugement en date du 20 novembre 1984 du tribunal administratif de Dijon est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.), du recours incident et de l'appel provoqué de la société Treficable Pirelli et de l'appel provoqué de la société des Transports Bunel et de la compagnie d'assurances Seine et Rhône Océanides Réunies est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (S.A.P.R.R.), à la SA Treficable Pirelli,à la SARL Transports Bunel, à la compagnie d'assurances Seine et Rhône Océanides Réunies, au département de l'Yonne et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - CAUSES D'EXONERATION - FAUTE DE LA VICTIME - EXISTENCE D'UNE FAUTE.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES SUR LES VOIES PUBLIQUES TERRESTRES.

TRAVAUX PUBLICS - DIFFERENTES CATEGORIES DE DOMMAGES - DOMMAGES CAUSES PAR L'EXISTENCE OU LE FONCTIONNEMENT D'OUVRAGES PUBLICS - EXISTENCE DE L'OUVRAGE.


Références :

Code civil 1154
Code des assurances L121-12


Publications
Proposition de citation: CE, 25 mai. 1994, n° 65893
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: de la Verpillière
Rapporteur public ?: Sanson

Origine de la décision
Formation : 6 / 2 ssr
Date de la décision : 25/05/1994
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 65893
Numéro NOR : CETATEXT000007834764 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1994-05-25;65893 ?
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