Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 décembre 1989 et 11 avril 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Z...
X..., demeurant ... et M. Jean-Pierre Y..., demeurant B.P. 13813 à Punaauta (Polynésie française) ; MM. X... et Y... demandent au Conseil d'Etat :
1) d'annuler le jugement du 10 octobre 1989 du tribunal administratif de Papeete en tant qu'il a, par son article 1er, rejeté leur demande dirigée contre la délibération n° 88-157 du 22 novembre 1988 par laquelle l'assemblée territoriale de la Polynésie française a approuvé le budget du territoire pour l'exercice 1989 ;
2) d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut de la Polynésie française ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Simon-Michel, Auditeur,
- les observations de Me Blondel, avocat de MM. X... et Y...,
- les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande :
Considérant qu'aux termes de l'article 63 de la loi du 6 septembre 1984 portant statut de la Polynésie française, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "L'assemblée territoriale vote le budget et approuve les comptes du territoire. Le budget du territoire est voté en équilibre réel. Le budget du territoire est en équilibre lorsque la section de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre et lorsque le prélèvement sur les recettes de la section de fonctionnement au profit de la section d'investissement, ajouté aux recettes propres de cette section, à l'exclusion du produit des emprunts, et éventuellement aux dotations des comptes d'amortissement et de provision, fournit des ressources suffisantes pour couvrir le remboursement en capital des annuités d'emprunt à échoir au cours de l'exercice ..." ; qu'aux termes de l'article 77 de la même loi : "Lorsque le budget du territoire n'est pas voté en équilibre réel, la Cour des Comptes, saisie par le haut-commissaire dans le délai de trente jours à compter de la notification qui lui est faite de la délibération de l'assemblée territoriale, le constate et propose à l'assemblée territoriale, dans un délai de trente jours à compter de sa saisine, les mesures nécessaires au rétablissement de l'équilibre budgétaire. La Cour des Comptes demande à l'assemblée territoriale une nouvelle délibération ..." ;
Considérant d'une part que si l'existence de la procédure prévue par l'article 77 précité fait obstacle à ce que soient présentées devant le juge de l'excès de pouvoir des prétentions dirigées contre les délibérations de l'assemblée territoriale et fondées sur la méconnaissance de l'équilibre réel, cette irrecevabilité ne peut être opposée aux personnes justifiant d'un intérêt lorsque le haut-commissaire n'a pas saisi la Cour des Comptes dans le délai de trente jours imparti par l'article 77 précité ; qu'en pareil cas, les demandeurs disposent pour invoquer cette méconnaissance devant le tribunal administratif de Papeete d'un délai, dont la durée est de trois mois aux termes de l'article R.103 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et qui commence à courir à l'expiration du délai de trente jours précité ; qu'en l'espèce, le haut-commissaire de la République en Polynésie française n'ayant pas saisi la Cour des Comptes de la délibération de l'assemblée territoriale qui lui avait été transmise le 29 novembre 1988, MM. X... et Y... étaient recevables à présenter, le 29 mars 1989, comme ils l'ont fait, leur demande fondée sur la méconnaissance de la règle de l'équilibre réel ;
Considérant d'autre part qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération attaquée de l'assemblée territoriale a été publiée au Journal officiel de la Polynésie française du 29 décembre 1988 ; qu'ainsi les prétentions de la requête fondées sur un moyen tiré de l'illégalité des modalités de répartition d'un abattement forfaitaire sur certains crédits budgétaires, qui ont été présentées au tribunal administratif le 29 mars 1989, c'est-à-dire dans le délai de trois mois courant à compter de ladite publication sont également recevables ;
Sur le moyen tiré de ce que les modalités de répartition d'un abattement forfaitaire sur certains crédits budgétaires seraient illégales :
Considérant que les requérants n'invoquent aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit auxquels seraient contraires les modalités de répartition d'un abattement forfaitaire sur certains crédits budgétaires, instituées par la délibération attaquée ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que ces modalités seraient illégales ne peut qu'être écarté ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'équilibre réel :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les dépenses, notamment les dépenses obligatoires, auraient été sous-évaluées ou les recettes sur-estimées ; qu'en particulier, les irrégularités alléguées ne sont pas établies ; que la circonstance que des modificatifs ont été apportés au budget adopté par la délibération attaquée le 22 novembre 1988 ne constitue pas en elle-même une manoeuvre destinée à équilibrer de manière fictive le budget, qui est, par nature, un document prévisionnel et aléatoire qui peut être modifié ultérieurement ;
Considérant que la légalité d'une décision s'apprécie au jour où elle a été prise ; qu'ainsi, la circonstance que la commission permanente de l'assemblée territoriale a abrogé le 8 décembre 1988 l'article 15 de la délibération attaquée est sans influence sur la légalité de cette délibération ;
Considérant enfin que, comme il a été dit ci-dessus, l'article 63 précité de la loi du 6 septembre 1984 impose que le budget du territoire soit voté en équilibre réel ; qu'eu égard à l'objet de cette disposition législative, la circonstance que la délibération créant une recette inscrite au budget ait été ultérieurement annulée est par elle même sans influence sur la légalité d'un budget voté en équilibre ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de l'annulation, par un jugement devenu définitif du 21 mars 1989 du tribunal administratif de Papeete, des articles 6 à 12 de la délibération du 22 novembre 1988 créant une taxe de sortie ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MM. X... et Y... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Papeete a rejeté leur demande dirigée contre la délibération n° 88-157 de l'assemblée territoriale de Polynésie française en date du 22 novembre 1988 ;
Article 1er : La requête de MM. X... et Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à MM. X... et Y..., au président de l'assemblée territoriale de Polynésie française, au haut-commissaire de la République, représentant du gouvernement en Polynésie française et au ministre des départements et territoires d'outre-mer.