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03/06/1994 | FRANCE | N°107257

France | France, Conseil d'État, 1 ss, 03 juin 1994, 107257


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 mai 1989 et 9 juin 1989 au secrétariat de la section du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COLMANT CUVELIER, dont le siège est ..., représentée par M. Choucroy, avocat au Conseil d'Etat ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 26 avril 1989 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision en date du 24 novembre 1986 du ministre des affaires sociales annulant la décision du 2 juillet 1986 par laquelle l'inspecteur du travail de

Lille a refusé d'autoriser le licenciement de M. Michel X..., memb...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 mai 1989 et 9 juin 1989 au secrétariat de la section du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COLMANT CUVELIER, dont le siège est ..., représentée par M. Choucroy, avocat au Conseil d'Etat ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 26 avril 1989 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision en date du 24 novembre 1986 du ministre des affaires sociales annulant la décision du 2 juillet 1986 par laquelle l'inspecteur du travail de Lille a refusé d'autoriser le licenciement de M. Michel X..., membre suppléant du comité d'entreprise ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Debat, Auditeur,
- les observations de Me Choucroy, avocat de la SOCIETE COLMANT CUVELIER,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.436-1 du code du travail : "Tout licenciement envisagé par l'employeur d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise (...) est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement" ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis d'un mandat de membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est demandé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ; qu'en outre pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou à l'autre des intérêts en présence ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SOCIETE COLMANT CUVELIER, à la suite d'importantes difficultés économiques, a décidé de procéder en 1986 à une réorganisation de ses services et à la suppression de plusieurs emplois dont celui qu'occupait M. X... au service technico-commercial ; que si la société a estimé qu'en raison de ses insuffisances professionnelles M. X... n'était pas apte à occuper certains emplois vacants dans l'entreprise, cette circonstance n'est pas de nature à retirer au licenciement demandé son caractère économique ; que dès lors c'est à tort que le tribunal administratif de Lille s'est fondé, pour annuler pour erreur de droit la décision en date du 24 novembre 1986 du ministre des affaires sociales et de l'emploi autorisant le licenciement de M. X..., sur ce que la demande d'autorisation de licenciement ne reposait pas sur un motif d'ordre économique mais sur l'insuffisance professionnelle de l'intéressé ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SOCIETE COLMANTCUVELIER a, au cours du premier trimestre de l'année 1986, réorganisé et modernisé son service technico-commercial ; que cette réorganisation a eu pour conséquence la suppression de l'emploi qu'occupait M. X... ; que la circonstance que l'entreprise Colmant-Cuvelier a, à compter du 1er juillet 1986, recruté au sein du service technico-commercial, un salarié de qualification et de rémunération différentes pour occuper d'autres fonctions, est sans influence sur le motif économique de la suppression du poste de M. X... ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un emploi correspondant aux qualifications et aptitudes de M. X... et permettant son reclassement ait été vacant dans la société ou ses filiales ; que la circonstance que son employeur ne l'aurait pas mis en mesure au cours de sa carrière dans l'entreprise d'accéder à des formations qui auraient pu faciliter son reclassement est sans incidence sur les obligations de recherche d'un reclassement qui incombaient à l'entreprise lors de la procédure de licenciement et ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision autorisant le licenciement ; que le moyen tiré par le requérant de l'absence de proposition de reclassement doit par suite être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE COLMANT CUVELIER est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 24 novembre 1986 du ministre des affaires sociales et de l'emploi autorisant la SOCIETE COLMANT CUVELIER à licencier M. X... pour cause économique ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille, en date du 26 avril 1989, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE COLMANT CUVELIER, à M. Michel X... et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Synthèse
Formation : 1 ss
Numéro d'arrêt : 107257
Date de la décision : 03/06/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01-04-03-01 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE - OBLIGATION DE RECLASSEMENT


Références :

Code du travail L436-1


Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 1994, n° 107257
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Debat
Rapporteur public ?: Le Chatelier

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:107257.19940603
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