Vu la requête enregistrée le 23 juillet 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Nourredine X..., domicilié communauté de l'abbaye d'Autrey-Lion de Juda à Autrey (88700) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 16 mai 1991 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision implicite de rejet, par le ministre de l'intérieur, de sa demande d'abrogation de l'arrêté du 25 avril 1988 prononçant son expulsion du territoire français ;
2°) d'annuler le rejet, par le ministre de l'intérieur, de sa demande d'abrogation, ainsi que l'arrêté d'expulsion du 25 avril 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Piveteau, Auditeur,
- les conclusions de M. du Marais, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté d'expulsion du 25 avril 1988 :
Considérant que ces conclusions, qui n'ont pas été présentées en première instance, sont irrecevables ;
Sur les conclusions dirigées contre le refus implicite du ministre de l'intérieur d'abroger l'arrêté d'expulsion :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort du dossier que M. X..., de nationalité algérienne, est né en France où il a toujours résidé ; que les membres de sa famille proche demeurent en France et que certains possèdent la nationalité française ; qu'à la date du refus d'abrogation de l'arrêté d'expulsion, il était marié à une personne de nationalité française dont il avait eu un enfant ; que, dans les circonstances de l'espèce, s'il est établi qu'il s'était rendu coupable d'infractions lui ayant valu des condamnations à plusieurs peines d'emprisonnement, dont une peine de 15 ans de réclusion criminelle pour vol avec armes, violences et tentative d'homicide, la décision attaquée a néanmoins porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'il suit de là que les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus implicite du ministre de l'intérieur d'abroger l'arrêté d'expulsion du 25 avril 1988 ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à payer 3 000 F au titre des sommes exposées par le requérant et non comprises dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions du I de l'article 75 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 3 000 F qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges et la décision implicite du ministre de l'intérieur refusant d'abroger l'arrêté du 25 avril 1988 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... la somme de 3 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.