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20/06/1994 | FRANCE | N°125857

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 20 juin 1994, 125857


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mai 1991 et 16 septembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-Hélène X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 mars 1991 par lequel le tribunal administratif de Lyon n'a que partiellement fait droit à ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Loire, en date du 10 août 1989, prononçant sa prise en charge ainsi que de l'arrêté de la

même autorité du 21 février 1990 prononçant son licenciement, à la c...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mai 1991 et 16 septembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-Hélène X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 mars 1991 par lequel le tribunal administratif de Lyon n'a que partiellement fait droit à ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Loire, en date du 10 août 1989, prononçant sa prise en charge ainsi que de l'arrêté de la même autorité du 21 février 1990 prononçant son licenciement, à la condamnation du centre de gestion de la fonction publique territoriale à lui verser une indemnité de 30 000 F, à l'annulation de l'arrêté du maire de Rozieren-Donzy, en date du 30 avril 1990, supprimant l'emploi d'agent de bureau qu'elle occupait et mettant fin à ses fonctions ainsi que des délibérations des 30 mai et 27 avril 1990 supprimant cet emploi et, enfin, à la condamnation de la commune à lui verser une indemnité de 250 000 F ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les délibérations du conseil municipal de Rozier-en-Donzy des 30 mars et 27 avril 1990, l'arrêté du maire de Rozier-en-Donzy du 30 avril 1990 et l'arrêté du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Loire du 10 août 1989 ;
3°) de condamner la commune de Rozier-en-Donzy à lui verser une indemnité de 25 000 F et le centre de gestion de la fonction publique territoriale à lui verser une indemnité de 30 000 F, ces sommes portant intérêts et intérêts des intérêts ;
4°) de condamner la commune de Rozier-en-Donzy et le centre de gestion de la fonction publique territoriale à lui verser chacun une indemnité de 5 000 F au titre des fraisirrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Daussun, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Delvolvé, avocat de Mme Marie-Hélène X... et de Me Guinard, avocat de la commune de Rozier-en-Donzy et du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Loire ;
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par deux délibérations des 25 mai 1989 et 3 juillet 1989, le conseil municipal de Rozier-en-Donzy a supprimé l'emploi d'agent de bureau occupé par Mme X... et, que par un arrêté du 5 juillet 1989, le maire de la commune a mis fin aux fonctions exercées par l'intéressée ; que ces délibérations et, par voie de conséquence, l'arrêté du maire, ont été annulés par un jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 22 février 1990, devenu définitif ; que Mme X..., dont la prise en charge par le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale de la Loire avait, entre temps, été prononcée par une décision du président de ce centre du 10 août 1989 a été licenciée par une décision de la même autorité du 21 février 1990 ; qu'à la suite de l'annulation des décisions supprimant l'emploi d'agent de bureau occupé par Mme X... et mettant fin à ses fonctions, le conseil municipal de Rozier-en-Donzy a, par deux délibérations des 30 mars 1990 et 27 avril 1990, de nouveau décidé de supprimer cet emploi ; que le maire, par un arrêté du 30 avril 1990, a mis fin auxfonctions exercées par Mme X... au sein de la commune ; que Mme X... fait appel du jugement attaqué en tant que, par celui-ci, le tribunal administratif a, d'une part, rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 10 août 1989 prononçant sa prise en charge par le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale et ses conclusions tendant à ce que ledit centre soit condamné à l'indemniser du préjudice que lui aurait causé son licenciement et, d'autre part, rejeté ses conclusions dirigées contre les délibérations des 30 mars 1990 et 27 avril 1990 ainsi que contre l'arrêté du 30 avril 1990 et condamné la commune de Rozier-en-Donzay à lui verser une indemnité qu'elle estime insuffisante ;
Sur les conclusions dirigées contre le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale de la Loire :
En ce qui concerne l'arrêté du président du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale de la Loire, en date du 10 août 1989 prononçant la prise en charge de Mme X... :

Considérant que le jugement attaqué, qui énonce, dans ses motifs, que Mme X... est fondée à demander l'annulation des décisions du président du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale des 10 août 1989 et 21 février 1990, annule dans son dispositif le seul arrêté du 21 février 1990 et rejette le surplus des conclusions de la demande de Mme X... ; que cette dernière est, par suite, fondée à soutenir que le jugement attaqué qui est entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif doit être annulé en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 1989 ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de Mme X... dirigées contre l'arrêté du 10 août 1989 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été notifié à Mme X... le 30 août 1989 et que ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté n'ont été enregistrées au greffe du tribunal administratif de Lyon que le 29 janvier 1991 soit après l'expiration du délai de recours contentieux ; qu'ainsi lesdites conclusions sont tardives et, par suite, irrecevables ;
En ce qui concerne la responsabilité du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale de la Loire :
Considérant qu'en raison de l'annulation, par le jugement susmentionné du 22 février 1990, de la décision du maire de Rozier-en-Donzy du 5 juillet 1989 mettant une première fois fin aux fonctions d'agent de bureau de Mme
X...
, le tribunal administratif de Lyon a, par le jugement attaqué dont la commune n'a pas fait appel, condamné ladite commune à verser à Mme X... une indemnité destinée à réparer le préjudice correspondant à la perte de revenus qu'elle a subie au cours de la période qui a suivi son licenciement par le président du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale ; qu'ainsi ce licenciement n'a causé à Mme X... aucun préjudice matériel ; que, par suite, Mme X..., qui n'allègue pas que ledit licenciement lui aurait causé des préjudices d'une autre nature, n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du centre départemental de gestion de la fonction publique de la Loire ;
Sur les conclusions dirigées contre la commune de Rozier-en-Donzy :
En ce qui concerne les délibérations du conseil municipal de Rozier-en-Donzydes 30 mars et 27 avril 1990 supprimant l'emploi d'agent de bureau occupé par Mme X... :

Considérant qu'il n'est pas contesté que le comité technique paritaire a émis, ainsi que l'exige l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, un avis sur la suppression de l'emploi d'agent de bureau préalablement à la délibération susmentionnée du 3 juillet 1989 annulée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 22 février 1990 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un changement des circonstances de droit ou de fait ait rendu nécessaire une nouvelle consultation du comité préalablement à la délibération du 30 mars 1990 ;
Considérant que les délibérations des conseils municipaux créant ou supprimant un emploi présentent un caractère réglementaire ; que, par suite, ces délibérations ne sont pas au nombre des actes qui, en vertu de la loi du 11 juillet 1979 exclusivement applicable, aux termes de son article 1er, aux "décisions administratives individuelles", doivent être motivées ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes d'annulation des délibérations susanalysées ;
En ce qui concerne l'arrêté du maire de Rozier-en-Donzy du 30 avril 1990 mettant fin aux fonctions de Mme X... :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue de l'article 38 de la loi du 13 juillet 1987 : "Un emploi ne peut être supprimé qu'après avis du comité technique paritaire. Si la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, le fonctionnaire de catégorie A est pris en charge par le centre national de la fonction publique territoriale et le fonctionnaire de catégorie B, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 12 bis, C ou D par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement. Pendant la période de prise en charge, l'intéressé est placé sous l'autorité du centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion ; il reçoit la rémunération correspondant à l'indice détenu dans son grade. Pendant cette période, le centre peut lui confier des missions correspondant à son grade. Le centre lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade. La prise en charge cesse après trois refus d'offre ferme d'emploi. Ne peut être comprise dans ce décompte qu'une seule offre d'emploi émanant de la collectivité ou établissement d'origine. Pour l'application de ces dispositions aux fonctionnaires de catégorie C ou D, les emplois proposés doivent se situer dans le département où le fonctionnaire était précédemment employé ou un département limitrophe ... Après trois refus, le fonctionnaire est licencié ou, lorsqu'il peut bénéficier de la jouissance immédiate de ses droits à pension, admis à faire valoir ses droits à la retraite ; (...) En cas de licenciement, les allocations prévues par l'article L.351-12 du code du travail sont versées par le centre national de la fonction publique territoriale ou par le centre de gestion et sont remboursées par la collectivité ou l'établissement qui employait le fonctionnaire antérieurement" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le maire de Rozier-en-Donzy était tenu, dès lors que la commune ne pouvait offrir à Mme X... un emploi correspondant à son grade, de mettre en oeuvre la procédure instituée par l'article 98 précité ; que la décisionpar laquelle, sans informer le centre de gestion auquel l'intéressée était affiliée, il a mis fin à ses fonctions est entachée d'excès de pouvoir ; qu'il suit de là que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 30 avril 1990 ;
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Rozier-en-Donzy :
Considérant, d'une part, que si Mme X... soutient que les délibérations des 25 mai et 3 juillet 1989 et l'arrêté du 5 juillet 1989 lui auraient causé des troubles dans ses conditions d'existence, elle n'apporte aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de ces allégations ;
Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les délibérations des 30 mars et 27 avril 1990 supprimant l'emploi d'agent de bureau à compter du 1er mai 1990 ne sont pas entachés d'illégalité ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal a refusé d'accorder à Mme X... une indemnité destinée à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de ces délibérations pour la période postérieure au 1er mai 1990 ;

Considérant enfin, que si l'illégalité de l'arrêté du 30 avril 1990 est de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard de Mme X..., celle-ci n'apporte aucune justification à l'appui de sa demande tendant à être indemnisée du préjudice matériel, résultant notamment des pertes de traitement, que cette décision lui a causé ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant des troubles de toute nature qu'elle a subis dans ses conditions d'existence en condamnant la commune à lui verser de ce chef la somme de 10 000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mme X... a droit aux intérêts de la somme de 10 000 F à compter du jour de la réception de sa demande préalable par le maire, soit le 19 mai 1990 ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 14 mai 1991 ; qu'à cette date, il n'était pas dû une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément à l'article 1154 du code civil, il y a lieu de rejeter cette demande ;
Sur les conclusions de Mme X... tendant à l'application de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et les conclusions de la commune de Rozier-en-Donzy et du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale de la Loire tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que les conclusions de Mme X... doivent être regardées comme demandant la condamnation de la commune de Rozier-en-Donzy et du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale de la Loire sur le fondement de cesdispositions ; que lesdites dispositions font obstacle à ce que le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale de la Loire qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdant soit condamné à payer à Mme X... la somme qu'elle demande ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner la commune à verser à Mme X... la somme de 10 000 F ;

Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que Mme X... qui n'est pas, à l'égard de la commune, la partie perdante soit condamnée à verser à la commune la somme qu'elle demande ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme X... à payer au centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale la somme qu'il demande, sur le fondement de l 'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Article 1er : L'article 4 du jugement du tribunal administratif de Lyon, en date du 7 mars 1991 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions des demandes de Mme X... tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du président du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale de la Loire du 10 août 1989, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté du maire de Rozier-en-Donzy en date du 30 avril 1990.
Article 2 : L'arrêté du maire de Rozier-en-Donzy en date du 30 avril 1990 est annulé.
Article 3 : La commune de Rozier-en-Donzy est condamnée à verser à Mme X... une indemnité de 10 000 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 mai 1990.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 125857
Date de la décision : 20/06/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMMUNE - AGENTS COMMUNAUX - EMPLOIS COMMUNAUX - SUPPRESSION D'EMPLOIS.

COMMUNE - AGENTS COMMUNAUX - POSITIONS.

COMMUNE - AGENTS COMMUNAUX - CESSATION DE FONCTIONS - LICENCIEMENT.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - STATUT GENERAL DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT ET DES COLLECTIVITES LOCALES - DISPOSITIONS STATUTAIRES RELATIVES A LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (LOI DU 26 JANVIER 1984).

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - TROUBLES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R222
Code du travail L351-12
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1
Loi 84-53 du 26 janvier 1984 art. 97
Loi 87-634 du 13 juillet 1987 art. 38, art. 12 bis
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 1994, n° 125857
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Daussun
Rapporteur public ?: Savoie

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:125857.19940620
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