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04/07/1994 | FRANCE | N°133006

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 04 juillet 1994, 133006


Vu 1°), sous le n° 133006, la requête enregistrée le 8 janvier 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE SALEUX (80480) ; la COMMUNE DE SALEUX demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de l'association des habitants du Val de Selles et de l'association locale des parents d'élèves de Saleux, annulé l'arrêté du 3 juin 1991 par lequel le maire de la commune requérante a accordé à la société Agro-Picardie un permis de construire quatre silos d

e stockage de céréales et un bâtiment de réception ;
2°) d'ordonner ...

Vu 1°), sous le n° 133006, la requête enregistrée le 8 janvier 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE SALEUX (80480) ; la COMMUNE DE SALEUX demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de l'association des habitants du Val de Selles et de l'association locale des parents d'élèves de Saleux, annulé l'arrêté du 3 juin 1991 par lequel le maire de la commune requérante a accordé à la société Agro-Picardie un permis de construire quatre silos de stockage de céréales et un bâtiment de réception ;
2°) d'ordonner le sursis à exécution dudit jugement ;
Vu 2°), sous le n° 133013, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 8 janvier 1992 et 11 mai 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE COOPERATIVE AGRO-PICARDIE, dont le siège social est sis ... ; la SOCIETE COOPERATIVE AGRO-PICARDIE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 7 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de l'association des habitants du Val de Selles et de l'association locale des parents d'élèves de Saleux, annulé l'arrêté du 3 juin 1991 par lequel lemaire de Saleux a accordé à la société requérante un permis de construire quatre silos de stockage de céréales et un bâtiment de réception ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 76-683 du 19 juillet 1976 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Marchand, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la COMMUNE DE SALEUX et de Me Delvolvé, avocat de la SOCIETE COOPERATIVE AGROPICARDIE,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes n° 133006 et 133013 présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les interventions :
Considérant que la COMMUNE DE SALEUX est intervenue au soutien de la requête n° 133013 et la SOCIETE COOPERATIVE AGRO-PICARDIE à celui de la requête n° 133006 ; que ces deux intervenants ont l'un et l'autre intérêt à l'annulation du jugement attaqué ; que leurs interventions sont donc recevables ;
En ce qui concerne la recevabilité des demandes de première instance :
Considérant que l'arrêté en date du 3 juin 1988, par lequel le maire de Saleux a délivré à la SOCIETE COOPERATIVE AGRO-PICARDIE un permis de construire un bâtiment d'accueil et quatre silos d'une hauteur de 29,80 mètres a été attaqué pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif d'Amiens par l'association des habitants du Val de Selles et par l'association locale des parents d'élèves de Saleux, représentées par leurs présidents ; que ceux-ci ont produit, à la suite de l'invitation qui leur en a été faite en appel, les statuts desdites associations et les délibérations les autorisant à engager cette action en leur nom ; que comptetenu de leur objet statutaire, ces associations avaient intérêt et, par suite, qualité pour agir ; que dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont admis la recevabilité de la requête ;
Sur la légalité de l'arrêté du 3 juin 1991 du maire de la commune de Saleux :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L.123-4 du codede l'urbanisme : "Le plan d'occupation des sols est révisé dans les formes prévues aux six premiers alinéas de l'article L.123-3 puis soumis à enquête publique (...) puis est approuvé dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L.123-3-1 "et qu'aux termes du 2ème alinéa du même article" : Un plan d'occupation des sols peut également être modifié par délibération du conseil municipal après enquête publique à la condition qu'il ne soit pas porté atteinte à son économie générale ..." ; que le plan d'occupation des sols de la COMMUNE DE SALEUX a été approuvé par arrêté préfectoral du 26 juin 1986 ; que l'article UF 10 de ce plan disposait : "La hauteur absolue de toute construction ne devra pas excéder 10 mètres" ; que par une délibération en date du 18 février 1988, le conseil municipal de la commune a modifié, après enquête publique, l'article VI de ce plan, en ajoutant l'alinéa suivant : "en outre, pourront être exemptés des règles de hauteur, lorsque leurs caractéristiques techniques l'imposent, ou pour des raisons fonctionnelles, les équipements d'infrastructures ou de superstructures d'intérêt général ou économique (ex : antennes, pylônes, châteaux d'eau, cheminées, silos, édifices du culte etc.)" ;
Considérant que la modification ainsi apportée n'a pas porté atteinte à l'économie générale du plan d'occupation des sols de la commune ; que, dès lors, elle pouvait légalement intervenir en vertu de la procédure instituée par l'alinéa 2 de l'article L.123-4 précité ; que, par suite, la délibération du conseil municipal approuvant cette modification n'est pas entachée d'illégalité ;

Considérant, d'autre part, que l'article R.111-2 du code de l'urbanisme, applicable dans la COMMUNE DE SALEUX en vertu de l'article R.111-1 du même code, dispose que : "le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la construction litigieuse consiste en l'édification de bâtiments à usage de silo d'une longueur de 85 mètres et d'une hauteur de 29,80 mètres, d'une capacité totale de stockage de 30 000 tonnes ; que cette construction est située à 120 mètres de la première habitation et à 350 mètres de l'école ; que dans ces circonstances, l'arrêté du maire de la COMMUNE DE SALEUX accordant le permis de construire attaqué n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, dès lors, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ces deux motifs pour annuler l'arrêté attaqué ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association locale des parents d'élèves de Saleux et par l'association des habitants du Val de Selles devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Considérant que le moyen tiré de ce que la délibération du 18 février 1988 ne figurerait pas dans le compte-rendu des séances du conseil municipal manque en fait ;

Considérant que le moyen tiré de l'irrégularité de la notice explicative et du rapport de présentation du projet de modification du plan d'occupation des sols n'est pas assorti des précisions permettant au juge d'en apprécier la portée ; qu'il doit donc être écarté ;
Considérant que, compte tenu de l'existence de constructions anciennes d'une hauteur très supérieure à la limite de 10 mètres instituée par l'article UF 10 du plan d'occupation des sols de Saleux, l'autorisation donnée à la SOCIETE COOPERATIVE AGRO-PICARDIE deconstruire des silos à grains d'une hauteur de 29,80 mètres, hauteur rendue nécessaire par des impératifs techniques, ne méconnait pas dans la circonstance de l'affaire, les dispositions de l'article VI du plan d'occupation des sols ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.111-4 du code de l'urbanisme, le permis de construire peut être refusé "si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celles des personnes utilisant ces accès" ; que ces dispositions ne s'appliquent qu'aux conditions de la desserte directe de l'immeuble ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué mettrait en danger la circulation générale dans le quartier est inopérant ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme, le permis de construire peut être refusé si "les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou des ouvrages à modifier sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants" ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que les constructions autorisées sont situées dans une zone UF où sont autorisés les immeubles d'activité et en particulier les silos à grains ; qu'il existe déjà sur ce site depuis 1937, huit silos d'une hauteur voisine de 20 mètres ; que, dans ces conditions, en accordant à la SOCIETE COOPERATIVE AGRO-PICARDIE l'autorisation de construire quatre silos supplémentaires sur le même site, le maire de Saleux n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE COOPERATIVE AGRO-PICARDIE et la COMMUNE DE SALEUX sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du maire de Saleux en date du 3 juin 1991 ;
Article 1er : Les interventions de la SOCIETE COOPERATIVE AGRO-PICARDIE et de la COMMUNE DE SALEUX sont admises.
Article 2 : Le jugement en date du 7 novembre 1991 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 3 : La demande présentée par l'association locale des parents d'élèves de Saleux et par l'association des habitants du Val de Selles devant le tribunal administratif d'Amiens est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE COOPERATIVE AGRO-PICARDIE et à la COMMUNE DE SALEUX, ainsi qu'à l'association des habitants du Val de Selles, à l'association locale des parents d'élèves de Saleux et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 133006
Date de la décision : 04/07/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03-03-01-02 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - LEGALITE INTERNE DU PERMIS DE CONSTRUIRE - LEGALITE AU REGARD DE LA REGLEMENTATION NATIONALE - REGLEMENT NATIONAL D'URBANISME


Références :

Code de l'urbanisme R111-2, R111-1, R111-4, R111-21


Publications
Proposition de citation : CE, 04 jui. 1994, n° 133006
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Marchand
Rapporteur public ?: Sanson

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:133006.19940704
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