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29/07/1994 | FRANCE | N°150586

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 29 juillet 1994, 150586


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 et 9 août 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS, dont le siège social est ... ; la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. X..., la décision en date du 18 octobre 1989 par laquelle l'inspecteur du travail et des transports de Rouen avait autorisé son licenciement ;
2°) de rejeter l

a demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 et 9 août 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS, dont le siège social est ... ; la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. X..., la décision en date du 18 octobre 1989 par laquelle l'inspecteur du travail et des transports de Rouen avait autorisé son licenciement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Rouen ;
3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement du 8 juillet 1993 du tribunal administratif de Rouen ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 83-109 relatif aux statuts de la société nationale des chemins de fer français ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Stasse, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS ;
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. X... :
Considérant qu'aux termes de l'article 10 du décret du 18 février 1983 relatif aux statuts de la société nationale des chemins de fer français : "Le président du conseil d'administration de la société nationale des chemins de fer français représente la société nationale des chemins de fer français en justice et dans tous les actes de la vie civile" ; que ces dispositions habilitaient le président de la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS à saisir le Conseil d'Etat sans avoir à justifier d'une délibération du conseil d'administration ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. X... doit être écartée ;
Considérant que pour annuler la décision de l'inspecteur du travail en date du 19 décembre 1986 autorisant la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS à licencier M. X..., le tribunal administratif de Rouen s'est, dans son jugement en date du 12 octobre 1989, fondé sur le seul motif que cette décision ne précisait pas la nature des faits reprochés à l'intéressé, ni si ces faits revêtaient le caractère de faute suffisamment grave pour justifier son licenciement ; qu'en exécution de ce jugement, l'inspecteur du travail pouvait prendre une nouvelle décision sur la demande d'autorisation de licenciement, sans reprendre la procédure d'instruction, en complétant toutefois la motivation dont l'insuffisance avait été censurée par letribunal administratif ; que, par suite, la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour prononcer l'annulation de la nouvelle décision en date du 12 octobre 1989, le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur le motif que la procédure d'instruction de la demande n'avait pas été reprise ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Rouen ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 15-1 de la loi susvisée du 20 juillet 1988 : "Sont amnistiés, dans les conditions fixées à l'article 14, les faits retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur ..." et qu'aux termes de l'article 14 de la même loi : "Sont amnistiés les faits commis avant le 22 mai 1988 en tant qu'ils constituent des faits passibles de sanctions disciplinaires et professionnelles ... Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier, notamment des constatations de fait du jugement du tribunal correctionnel de Rouen en date du 2 mai 1988, que, le 18 octobre 1986, M. X... a fait partie du groupe de salariés qui a porté des coups à un membre du personnel d'encadrement de la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS, et détérioré son véhicule ; que cette agression a été précédée plusieurs heures auparavant de menaces de violences proférées par M. X... à son encontre ; que ces faits, alors même qu'ils se sont produits dans une période de grève avec occupation des lieux de travail, sont contraires à l'honneur ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir qu'en les retenant pour autoriser son licenciement, l'inspecteur du travail aurait méconnu la loi du 20 juillet 1988 susvisée portant amnistie ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article L.122-4 du code du travail : "Aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction" ; qu'en réitérant sa demande d'autorisation de licenciement de M. X... fondée sur des faits survenus le 18 octobre 1986, après l'annulation par le tribunal administratif de rouen de l'autorisation de licenciement délivrée le 19 décembre 1986, la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS n'a pas envisagé une sanction nouvelle ; que l'administration pouvait faire droit à sa demande sans méconnaître les dispositions législatives précitées ;
Considérant, enfin, que la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS pouvait, dès le 16 octobre 1989, sans attendre la notification du jugement du tribunal administratif de Rouen, demander à l'inspecteur du travail de prendre une nouvelle décision régulièrement motivée et que l'inspecteur du travail n'était pas tenu de mentionner cette nouvelle demande dans sa décision ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS est fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 18 octobre 1989 l'autorisant à licencier M. X... et le rejet de la demande présentée par ce dernier devant le tribunal administratif ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions del'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie pendante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que ces dispositions font obstacle à ce que la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 8 juillet 1993 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. X... tendant à l'applicationdes dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS, à M. X... et au ministre del'équipement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 150586
Date de la décision : 29/07/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR FAUTE - EXISTENCE D'UNE FAUTE D'UNE GRAVITE SUFFISANTE.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - EFFETS DE L'AMNISTIE.


Références :

Code du travail L122-4
Décret 83-109 du 18 février 1983 art. 10
Loi 88-828 du 20 juillet 1988 art. 15-1, art. 14
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75-1, art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 1994, n° 150586
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Stasse
Rapporteur public ?: Schwartz

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:150586.19940729
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