Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juin 1990 et 5 octobre 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE "CONSTRUCTIONS INDUSTRIELLES D'ANJOU", dont le siège social est ..., représentée par son présidentdirecteur général ; la SOCIETE "CONSRUCTIONS INDUSTRIELLES D'ANJOU" demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 28 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre la décision de l'inspecteur du travail d'Angers, en date du 25 juillet 1989, refusant de lui accorder l'autorisation de licencier M. José X... ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail, notamment son article L. 436-1 ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu la loi n° 92-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Delarue, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE "CONSTRUCTIONS INDUSTRIELLES D'ANJOU",
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la SOCIETE "CONSTRUCTIONS INDUSTRIELLES D'ANJOU" :
Considérant que le licenciement d'un salarié investi d'un mandat de représentant du personnel ne peut être autorisé, dans le cas où il est motivé par un comportement fautif, que si les faits reprochés sont d'une gravité suffisante pour justifier cette mesure, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont l'intéressé est investi ;
Considérant que la demande de licenciement que la SOCIETE "CONSTRUCTIONS INDUSTRIELLES D'ANJOU" a adressée, après d'autres démarches identiques renouvelées les années précédentes, par courrier en date du 1er juillet 1989, à l'inspecteur du travail d'Angers, se fondait sur un incident survenu le 28 juin 1989 entre M. X..., membre titulaire du comité d'entreprise, et un chef d'équipe de la société, au cours duquel le représentant du personnel a injurié et menacé l'agent de maîtrise ; que le grief fait à M. X... s'ajoute à des manquements au travail et à la discipline dont la société s'est plaint à l'encontre de ce salarié à plusieurs reprises ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les insultes et menaces proférées le 28 juin 1989 par M. X... trouvent leur origine dans un différend qui l'a opposé la veille, puis le même jour, au même agent de maîtrise, et relatif à une anomalie dans les pièces utilisées pour l'exécution de la tâche confiée à M. X..., le 27 juin ; que la faute ainsi commise ne présente pas, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu de ce différend, une gravité suffisante pour justifier le licenciement ; que les autres griefs faits à M. X..., à les supposer établis, ne sauraient fonder, comme l'allègue la requérante, ni une perte de confiance de la société envers le salarié, ni une perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de rechercher si la demande de licenciement n'était pas en rapport avec le mandat détenu par l'intéressé, l'inspecteur du travail a pu légalement refuser d'accorder à la société l'autorisation de licencier M. X... ; qu'il en résulte que la SOCIETE "CONSTRUCTIONS INDUSTRIELLES D'ANJOU" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre la décision en date du 25 juillet 1989 de l'inspecteur du travail d'Angers ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner laSOCIETE "CONSTRUCTIONS INDUSTRIELLES D'ANJOU" à payer à M. X... la somme de 5 000 F au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE "CONSTRUCTIONS INDUSTRIELLES D'ANJOU" est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE "CONSTRUCTIONS INDUSTRIELLES D'ANJOU" versera à M. X... une somme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE "CONSTRUCTIONS INDUSTRIELLES D'ANJOU", à M. X... et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.