Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la S.C.I. du Chêne vert, dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 20 novembre 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel tendant à la décharge de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1983, 1985 et 1986 ;
2°) de lui accorder, en réglant l'affaire au fond, la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, de la Varde, avocat de la S.C.I. du Chêne vert,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts ; "La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une profession non salariée" et qu'aux termes de l'article 1467 du même code : "La taxe professionnelle a pour base ... 2° dans le cas des titulaires de bénéfices non commerciaux, employant moins de cinq salariés, le dixième des recettes et la valeur locative des seules immobilisations passibles des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties et dont le contribuable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle ..." ; que l'article 1469-1° du code précise, en ce qui concerne les biens passibles d'une taxe foncière, que "les locaux donnés en location à des redevables de la taxe professionnelle sont imposés au nom du locataire" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en vertu d'un contrat de crédit-bail conclu le 10 octobre 1980, la société Sogefim a mis un immeuble neuf à usage de centre commercial, sis à Pessac (Gironde), à la disposition de la "SCI du Chêne vert", qui l'a sous-loué nu à la SA "Pessac Distribution" ; que la "SCI du Chêne vert", qui avait initialement été assujettie à la taxe professionnelle au titre des années 1983, 1985 et 1986 à raison tant du dixième des recettes tirées par elle, au cours de chacune de ces années, de la sous-location de l'immeuble de Pessac, que de la valeur locative de cet immeuble, a obtenu le dégrèvement de la fraction de la taxe assise sur cette valeur locative, l'administration ayant admis, par application de l'article 1469-1° du code, que le local devait être imposé au nom du sous-locataire ;
Considérant que la "SCI du Chêne vert", qui conteste le principe même de l'imposition maintenue à sa charge, se pourvoit contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui a refusé de l'en décharger en jugeant qu'elle avait été à bon droit regardée comme "exerçant à titre habituel la profession d'entrepreneur de location d'immeubles", motif pris de ce que n'ayant acquis, en vertu du contrat de crédit-bail conclu avec la société Sogedim, aucun droit de propriété sur l'immeuble mis par cette dernière à sa disposition, elle n'était pas fondée à soutenir que le fait de le sous-louer à la SA Pessac Distribution constituait une opération patrimoniale à caractère purement privé et, en outre, de ce que l'administration tenait des dispositions précitées du 1° de l'article 1469 du code général des impôts le droit de ne l'imposer que sur la base du dixième des recettes réalisées par elle ; que, toutefois, en se bornant à relever la circonstance que la société civile immobilière donnait en sous-location un immeuble nu à une société passible de la taxe professionnelle, sans rechercher les éléments qui eussent permis de caractériser l'exercice d'une profession tels que, notamment, la régularité de l'activité et la mise en oeuvre de moyens matériels ou intellectuels, alors que le seul fait par une personne physique ou morale de sous-louer un immeuble nu à une société commerciale et de tirer d'une telle opération des profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus et que l'article 92 du code général des impôts assimile à des bénéfices non commerciaux ne suffit pas à caractériser l'exercice d'une profession non salariée, la cour administrative d'appel a fait une fausse application de l'article 1454 du même code ; que son arrêt doit, dès lors, être annulé ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 20 novembre 1990 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la "SCI du Chêne vert" et au ministre du budget.