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26/10/1994 | FRANCE | N°64020

France | France, Conseil d'État, 7 / 10 ssr, 26 octobre 1994, 64020


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 novembre 1984 et 8 mars 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme GRANGETTE PASSAGER LAMY, dont le siège est ... ; la société demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 4 septembre 1984 par lequel le tribunal administratif de Lyon l'a condamnée, d'une part, à payer à l'Etat, conjointement et solidairement avec la société "Omnium technique O.T.H.", une indemnité de 7 116 F et, conjointement et solidairement avec MM. X... et Y..., une indemni

té de 2 079 713,42 F, avec les intérêts à compter du 23 septembre 198...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 novembre 1984 et 8 mars 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme GRANGETTE PASSAGER LAMY, dont le siège est ... ; la société demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 4 septembre 1984 par lequel le tribunal administratif de Lyon l'a condamnée, d'une part, à payer à l'Etat, conjointement et solidairement avec la société "Omnium technique O.T.H.", une indemnité de 7 116 F et, conjointement et solidairement avec MM. X... et Y..., une indemnité de 2 079 713,42 F, avec les intérêts à compter du 23 septembre 1980, et, d'autre part, à garantir MM. X... et Y... à concurrence de 90 % du montant des condamnations prononcées contre ceux-ci ;
2°) rejette la demande présentée par le ministre des universités devant le tribunal administratif ou, subsidiairement, réduise le montant des indemnités allouées à l'Etat ;
3°) rejette l'appel en garantie formé par MM. X... et Y... ou, subsidiairement, limite le taux de la garantie à laquelle est tenue la société ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Méda, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la société anonyme GRANGETTE PASSAGER LAMY, de Me Roger, avocat du bureau d'études OTH et de Me Boulloche, avocat de M. X... et de M. Y...,
- les conclusions de M. Lasvignes, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne les conclusions de la société anonyme GRANGETTE PASSAGER LAMY dirigées contre l'Etat :
Sur la recevabilité des conclusions présentées au nom de l'Etat devant le tribunal administratif :
Considérant que, dans la demande qu'il a présentée devant le tribunal administratif de Lyon le 23 décembre 1980, le ministre des universités a conclu à ce que MM. X... et Y..., la société "Omnium technique OTH" et la société "Entreprise Grangette et Passager" soient condamnés conjointement et solidairement envers l'Etat, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, à réparer les conséquences de désordres affectant les bâtiments de l'institut universitaire de technologie de Villeurbanne ; qu'après le dépôt du rapport de l'expert désigné le 14 avril 1982 par le président du tribunal administratif statuant en référé, le ministre de l'éducation nationale a précisé, dans un mémoire enregistré le 25 mai 1983, le montant de l'indemnité demandée par l'Etat aux constructeurs ; qu'ainsi, la société anonyme GRANGETTE PASSAGER LAMY, substituée dans les droits et obligations de la société "Entreprise Grangette et Passager", n'est pas fondée à prétendre que, faute d'avoir été chiffrées, les conclusions présentées au nom de l'Etat devant le tribunal administratif auraient été irrecevables ;
Sur la responsabilité :
Considérant que la réception définitive des ouvrages, laquelle a constitué le point de départ du délai de l'action en garantie décennale ouverte à l'Etat contre les constructeurs, a eu lieu le 29 janvier 1972 ; que, même si elle ne comportait pas de conclusions chiffrées, la saisine du tribunal administratif par le ministre des universités le 23 décembre 1980 a eu pour effet, contrairement à ce que soutient la société requérante, d'interrompre au bénéfice de l'Etat le délai de la garantie décennale ;
Considérant qu'en faisant notamment état, dans sa demande introductive d'instance, des dommages affectant l'étanchéité des toitures et des terrasses des bâtiments, le ministre des universités a indiqué avec une précision suffisante la nature de certains des désordres pour lesquels l'Etat entendait obtenir une indemnisation ; qu'ainsi, le tribunal administratif a pu à bon droit condamner la société requérante à réparer les conséquences des désordres mentionnés par l'expert sous les appellations "défauts d'étanchéité des relevés d'acrotères et des points dedilatation", "défauts d'étanchéité des superstructures et des sorties de chutes et ventilations" et "fissurations ... des panneaux de façades au droit des joints" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, qu'en raison de leur importance, les désordres affectant, d'une part, les couvertures, les façades et les revêtements de sol de six des bâtiments et, d'autre part, les canalisations de gaz domestique et d'air comprimé sont de nature à rendre ces ouvrages impropres à leur destination ; que, par suite, même si certains des travaux de réfection doivent être d'un coût modique, ces désordres engagent la responsabilité de la société requérante, auxquels ils sont imputables ; que, dès lors, c'est à bon droit que celle-ci a été condamnée à réparer les conséquences desdits désordres conjointement et solidairement avec MM. X... et Y..., architectes, s'agissant des dommages concernant les bâtiments et avec la société "Omnium technique OTH", chargée d'une mission de conseil technique des architectes, s'agissant des dommages concernant les canalisations ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'Etat ait utilisé les bâtiments d'une manière non conforme à leur destination ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de retenir à son encontre une faute qui serait de nature à atténuer la responsabilité encourue par la requérante pour les désordres affectant les revêtements de sol ;
Considérant qu'il suit de là que la société anonyme GRANGETTE PASSAGER LAMY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamnée, conjointement et solidairement avec MM. X... et Y..., d'une part, et avec la société "Omnium technique OTH", d'autre part, à réparer les conséquences des désordres concernant six des bâtiments de l'institut universitaire de technologie de Villeurbanne, ainsi que certaines canalisations de produits gazeux ;
Considérant que le ministre des universités a joint à sa demande introductive d'instance devant le tribunal administratif un plan sur lequel étaient reportés les emplacements des désordres constatés quant à l'étanchéité des terrasses des bâtiments ; que ce document ne faisait état d'aucun désordre affectant les terrasses du bâtiment dénommé "hall demi grand chimie" ; que c'est seulement dans un mémoire enregistré le 26 décembre 1983, soit après l'expiration du délai de l'action en garantie décennale, que le ministre de l'éducation nationale a présenté des conclusions tendant à ce que l'entrepreneur et les architectes fussent condamnés à réparer les conséquences des désordres concernant les terrasses de ce bâtiment ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir, par la voie du recours incident, que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté lesdites conclusions ;
Sur l'indemnité :
Considérant que le coût des travaux nécessaires à la remise en état des canalisations de gaz domestique et d'air comprimé, d'un montant de 7 116 F, lequel a été mis par le jugement attaqué à la charge de la société anonyme GRANGETTE PASSAGER LAMY et de la société "Omnium technique OTH", a été également pris en compte par le tribunal administratif pour la fixation de l'indemnité due par la société requérante et MM. X... et Y... ; qu'il y a lieu, en conséquence, de déduire cette somme du montant de la condamnation prononcée à l'encontre de cette dernière société ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour des raisons tenant à la bonne exécution des travaux, la réparation des dommages affectant les carrelages des bâtiments ne peut être limitée au remplacement des revêtements détériorés ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif a condamné la société requérante à réparer les conséquences de cesdésordres pour l'ensemble des surfaces déterminées par l'expert ;
Considérant que les désordres les plus graves sont apparus environ deux ans après la réception définitive des ouvrages ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement pour vétusté au montant des travaux de réparation mis à la charge de l'entrepreneur ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux de réfection puissent apporter aux ouvrages une plus-value autre que celle qui sera la conséquence de la disparition des désordres ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif n'a pas appliqué au coût de ces travaux un abattement pour plus-value ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité due à l'Etat par la société requérante pour les désordres affectant les couvertures, les façades et les revêtements de sol des bâtiments de l'institut universitaire de technologie de Villeurbanne doit être réduite à la somme de 2 072 597,42 F ;
En ce qui concerne les conclusions de la société anonyme GRANGETTE PASSAGER LAMY dirigées contre MM. X... et Y... :
Considérant que, devant le tribunal administratif, MM. X... et Y... avaient conclu à ce que la société "Entreprise Grangette et Passager" fût condamnée à les garantir à concurrence de 85 % du montant des condamnations prononcées à leur encontre pour les désordres affectant les carrelages ; qu'ainsi, en condamnant la société à garantir les architectes à concurrence de 90 % du montant de ces condamnations, le tribunal administratif a statué audelà des conclusions dont il avait été saisi ; qu'il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres concernant les couvertures, les façades et les revêtements de sol des bâtiments ont pour cause déterminante une mauvaise exécution des travaux par l'entrepreneur ; que, si MM. X... et Y... ont commis des manquements dans leur mission de maîtrise d'oeuvre, le tribunal administratif a fait une exacte appréciation des circonstances de l'affaire en condamnant la société à garantir les architectes à concurrence de 90 % du montant des condamnations prononcées contre ces derniers pour les désordres autres que ceux qui concernent les carrelages ; que la requérante doit être condamnée à garantir MM. X... et Y... à concurrence de 85 % du montant des condamnations prononcées contre ceux-ci pour les dommages affectant les carrelages ;
En ce qui concerne les conclusions de MM. X... et Y... dirigées contre l'Etat :

Considérant que, postérieurement à l'expiration du délai qui leur était imparti pour faire appel, MM. X... et Y... ont présenté des conclusions tendant à ce qu'ils soient déchargés des condamnations prononcées à leur encontre par le tribunal administratif ; que, la présente décision ayant pour effet d'aggraver la situation des architectes, ces conclusions, qui ont été provoquées par l'appel de la société anonyme GRANGETTE PASSAGER LAMY, sont recevables ; que MM. X... et Y..., qui déclarent se référer aux moyens invoqués par cette société, sont fondés à demander que l'indemnité mise à leur charge par le jugement attaqué soit diminuée du même montant que l'indemnité due par la requérante ;
Article 1er : L'indemnité que la société anonyme GRANGETTE PASSAGER LAMY et MM. X... et Y... ont été conjointement et solidairement condamnés, par le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 4 septembre 1984, à verser à l'Etat est réduite à la somme de 2 072 597,42 F.
Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 4 septembre 1984 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er de la présente décision.
Article 3 : L'article 4 du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 4 septembre 1984 est annulé en tant que le tribunal administratif a condamné la société anonyme GRANGETTE PASSAGER LAMY à garantir MM. X... et Y... à concurrence de plus de 85 % du montant des condamnations prononcées contre ceux-ci en réparation des conséquences des désordres affectant les carrelages des bâtiments de l'institut universitaire de technologie de Villeurbanne.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme GRANGETTE PASSAGER LAMY, le recours incident du ministre de l'éducation nationale et le surplus des conclusions de MM. X... et Y... dirigées contre l'Etat sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme GRANGETTE PASSAGER LAMY , à MM. X... et Y..., à la société "Omnium technique OTH" et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE.


Références :

Code civil 1792, 2270


Publications
Proposition de citation: CE, 26 oct. 1994, n° 64020
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Méda
Rapporteur public ?: M. Lasvignes

Origine de la décision
Formation : 7 / 10 ssr
Date de la décision : 26/10/1994
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 64020
Numéro NOR : CETATEXT000007837523 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1994-10-26;64020 ?
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