Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 14 avril 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Giacomo X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 6 février 1992 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 24 juin 1986 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé son expulsion selon la procédure d'urgence absolue et sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de retrait ou d'abrogation de cet arrêté ;
2°) annule pour excès de pouvoir ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la communauté européenne ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Vu la directive du conseil des communautés européennes n° 221 du 25 février 1964 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifié ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret du 11 janvier 1965 modifié par le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Nallet, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe de l'arrêté du 24 juin 1986 :
Considérant que si, aux termes de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 relatif aux délais de recours contentieux en matière administrative, dans sa rédaction résultant du décret du 28 novembre 1983 : "Les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision", la méconnaissance de ces dispositions est sans influence sur la légalité de la décision notifiée ; qu'ainsi, le défaut des mentions prescrites par l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 précité n'a pas eu pour effet d'entacher d'illégalité l'arrêté du 24 juin 1986, par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé l'expulsion de M. X... et n'a pas davantage constitué, à son encontre, une violation des droits de la défense ;
Considérant que l'arrêté attaqué, pris en application de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, porte comme motif que l'intéressé s'était rendu coupable d'actes portant atteinte à la sécurité des personnes, sanctionnés par des condamnations pénales, et que sa libération était imminente ; qu'une telle motivation satisfait, en l'espèce, aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; que l'intéressé ne peut utilement se prévaloir, pour demander l'annulation de l'arrêté prononçant son expulsion, qui a le caractère d'un acte administratif individuel, de ce que cette décision méconnaîtrait la directive n° 64-221 du 25 février 1964 du conseil des communautés européennes ;
Sur la légalité interne de l'arrêté du 24 juin 1986 :
Considérant qu'aux termes de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : "En cas d'urgence absolue et par dérogation aux articles 23 à 25, l'expulsion peut être prononcée lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou pour la sécurité publique" ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a commis en 1982 et 1983 des actes portant atteinte à la sécurité des personnes en se rendant coupable de coups et blessures volontaires avec arme, et a été condamné à ce titre à quatre ans d'emprisonnement ; que, par suite, le ministre de l'intérieur a pu légalement estimer que l'expulsion de M. X... constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ; que, compte tenu de l'imminence de sa sortie de prison et de l'incertitude sur la date de sortie du Centre hospitalier spécialisé où il avait été placé par arrêté préfectoral, elle présentait également un caractère d'urgence absolue à la date de l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 du traité du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne : "Dans le domaine d'application du présent traité, et sans préjudice de dispositions particulières qu'il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité" ; que l'expulsion de M. X... étant fondée sur des motifs d'ordre public, celui-ci ne saurait utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de l'article 7 du traité précité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la mesure attaquée, nécessaire à la défense de l'ordre public, n'a pas porté, eu égard notamment à la gravité des actes commis par le requérant, une atteinte excessive à la vie familiale de M. X... ; que, dans ces conditions, elle n'a pas été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 24 juin 1986 et de la décision implicite par laquelle ce dernier a rejeté son recours gracieux tendant à l'abrogation de cet arrêté ;
Considérant que le remboursement de "frais taxables de l'instance" réclamé par le requérant n'est prévu par aucune des dispositions législatives ou réglementaires dont il se prévaut ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 :
Considérant que le décret susvisé du 2 septembre 1988 ayant été abrogé par le décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991, les conclusions de M. X... doivent être regardées comme demandant la condamnation de l'Etat sur le fondement du I de l'article 75 de ladite loi ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Giacomo X... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.