Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 avril 1990 et 3 août 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société UAT-Raillard dont le siège est ... représentée par ses dirigeants en exercice ; la société UAT-Raillard demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du 7 février 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel tendant à la réduction de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1978 à 1983 ;
2°) annule, en réglant l'affaire au fond, les jugements des 3 mars et 8 juin 1988 du tribunal administratif de Rennes et de lui accorder en tout ou partie la décharge de l'imposition contestée ;
3°) condamne l'Etat, sur le fondement de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988, à lui verser la somme de 12 000 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des ports maritimes ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Parmentier, avocat de la société UAT-Raillard,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions du pourvoi relatives aux salaires à prendre en compte pour le calcul de la taxe professionnelle :
Considérant qu'aux termes de l'article 1467-1 du code général des impôts : "la taxe professionnelle a pour base ... b) les salaires au sens de l'article 231-1 ... versés pendant la période de référence ..." ; qu'au sens de l'article 231-1 du même code les salaires s'entendent des salaires versés par l'employeur ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.511-4 du code des ports maritimes alors en vigueur, le bureau central de la main d'oeuvre du port, organisme paritaire institué par l'article L. 511-3 du même code qui réunit représentants des entreprises de manutention et représentants des ouvriers-dockers, "est chargé notamment et pour le compte de toutes les entreprises employant des ouvriers-dockers et assimilés : 1° de l'identification et de la classification de tous les ouvriers-dockers et assimilés ; 2° de l'organisation générale et du contrôle de l'embauchage dans le port ; 3° de la répartition numérique du travail entre les ouvriers-dockers professionnels ; 4° de tous pointages nécessaires pour l'attribution aux ouvriers-dockers du bénéfice de la législation sociale existant" ; qu'aux termes de l'article R.511-5 du même texte : "Sous réserve des dispositions prévues ... à l'article R.511-4, le contrat de louage de service résulte de l'accord entre l'employeur et l'ouvrier-docker" ;
Considérant, en premier lieu, que la société requérante, qui exerce l'activité de manutention portuaire, pour contester la qualification que l'arrêt attaqué lui attribue, d'employeur, au sens de l'article 231-1 du code général des impôts, des ouvriers-dockers dont elle utilisait les services, fait valoir que leurs salaires leur ont été versés par l'association des dockers du port de Brest agissant pour le compte du bureau central de la main d'oeuvre du port, que ce bureau les met, de manière ponctuelle et intermittente, à la disposition des entreprises du port et que, compte tenu des prérogatives de cet organisme, les ouvriers-dockers sont en situation de subordination à son égard ;
Considérant, toutefois, que la cour, en déduisant des dispositions précitées du code des ports maritimes, que le bureau central de la main d'oeuvre du port n'était que le mandataire des entreprises de manutention, de sorte que celles-ci avaient la qualité d'employeur au sens de l'article 231-1 du code général des impôts, nonobstant le statut, dérogatoire du droit commun, des ouvriers-dockers, qui restreint les prérogatives des employeurs, a exactement qualifié la situation de ces entreprises vis-à-vis des ouvriers-dockers ;
Considérant, en second lieu, que si la cour en indiquant "que la société UAT-Raillard ... ne conteste pas avoir versé ... aux ouvriers-dockers dont elle utilisait les services, les salaires qui leur étaient dus", a dénaturé les écritures d'appel de la société requérante et entaché sa motivation d'une erreur matérielle de fait, ce motif erroné revêt un caractère surabondant au regard du motif susmentionné qui suffit à fonder la qualification d'employeur retenue par la cour ;
Sur les conclusions du pourvoi relatives aux immobilisations à prendre en compte pour le calcul de la taxe professionnelle :
Considérant qu'aux termes de l'article 310 HH de l'annexe II au code général des impôts relatif à la détermination des bases d'imposition à la taxe professionnelle : "pour les entreprises qui exercent une partie de leur activité en dehors du territoire national et qui disposent en France de locaux ou de terrains : ... 2° la valeur locative de l'ensemble des véhicules dont dispose une entreprise de transport ou de pêche maritime, ainsi que de leurs équipements et matériels de transport, est retenue proportionnellement à la part, dans les recettes hors taxes de l'entreprise, de celles qui correspondent à des opérations effectuées dans les limites du territoire national et soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ..." ;
Considérant que pour refuser à la société UAT-Raillard le bénéfice de ces dispositions, la cour, tout en admettant que la société exerçait une activité de transport au sens du 2° de l'article 310 HH de l'annexe II au code, a estimé à tort que le lieu de cette activité était dans tous les cas, situé sur le territoire national, alors d'ailleurs que les dispositions combinées de l'article 262-II-7° du code général des impôts et l'article 73 C de l'annexe III à ce code exonèrent de la taxe sur la valeur ajoutée les prestations de services, telles le chargement et le déchargement, effectuées pour les besoins directs des navires de commerce maritime ou des bateaux de pêche ;
Considérant, toutefois, ainsi que le soutient le ministre qui avait déjà soulevé ce moyen devant la cour, que les entreprises de manutention portuaire ne peuvent être regardées comme des entreprises de transport ou de pêche maritime au sens du 2° de l'article 310 HH de l'annexe II au code général des impôts ; que ce motif, qui n'implique aucune appréciation de circonstances de fait, doit être substitué au motif juridiquement erroné retenu par l'arrêt attaqué dont il justifie en droit le dispositif ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société UAT-Raillard ne peut qu'être rejeté ;
Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante il n'y a pas lieu en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, qui doivent être substituées à celles du décret du 2 septembre 1988, et de condamner l'Etat à payer à la société requérante les sommes que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la société UAT-Raillard est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société UAT-Raillard et au ministre du budget.