Vu, 1°) sous le n° 100 875, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 août 1988 et 9 décembre 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE, dont le siège est ... (13292), représentée par son directeur général en exercice à ce dûment habilité ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 25 mai 1988 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé pour excès de pouvoir, à la demande de Mme Y..., d'une part, l'arrêté du directeur de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE en date du 18 octobre 1985 prononçant la réintégration de Mme Y... et la plaçant en congé sans traitement du 7 novembre 1983 au 21 octobre 1985, d'autre part, l'arrêté du même jour suspendant Mme Y... à compter du 21 octobre 1985 et l'arrêté du 6 décembre 1985 prononçant le licenciement de Mme Y... pour insuffisance professionnelle ;
- rejette la demande de Mme Y... ;
Vu, 2°) sous le n° 130 502, la requête enregistrée le 30 octobre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE, dont le siège est ... (13292), représentée par son directeur général en exercice à ce dûment habilité ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE demande que le Conseil d'Etat annule le jugement du 20 juin 1991 par lequel letribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser une indemnité de 265 790 F, augmentée des intérêts à compter du 7 novembre 1988, en réparation du préjudice financier subi par Mme Y..., une indemnité de 20 000 F au titre du préjudice moral et une de 3 000 F au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Piveteau, Auditeur,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE et de Me Roue-Villeneuve, avocat de Mme Sylviane Dian Y...,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes enregistrées sous les n° 100 875 et 130 502 ont un lien de connexité et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu, par suite, de retenir la compétence du Conseil d'Etat pour connaître de l'ensemble de ces deux affaires et d'y statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 100 875 :
Sur la légalité de l'arrêté du directeur général de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE en date du 18 octobre 1985 plaçant Mme Y... en congé sans traitement du 7 novembre 1983 au 21 octobre 1985 :
Considérant que l'annulation par le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 21 octobre 1985, devenu définitif, du licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme Y... prononcé le 8 août 1983 faisait obligation à l'administration de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE de remettre l'intéressée dans la situation où elle se trouvait à l'époque où est intervenue la mesure illégale qui est réputée n'être jamais intervenue et de procéder à la reconstitution de sa carrière dans les conditions où elle aurait normalement dû se poursuivre si aucune irrégularité n'avait été commise ; qu'à la date à laquelle elle a été licenciée pour la première fois, Mme Y... était en position d'activité ; qu'en procédant à sa réintégration à compter du 21 octobre 1985 mais en la plaçant, rétroactivement, en congé sans traitement pour la période allant de son licenciement illégal à cette réintégration sans procéder à la reconstitution de sa carrière, le directeur de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE a méconnu l'étendue de ses obligations ;
Sur la légalité de l'arrêté du 18 octobre 1985 suspendant Mme Y... de ses fonctions d'infirmière diplômée d'Etat à compter du 21 octobre 1985 :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.845 du code de la santé publique dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits : "En cas de faute grave commise par l'agent, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être immédiatement suspendu" ;
Considérant que plusieurs rapports, émanant de chefs de service ou de surveillants-chef différents, établis à des époques différentes, relèvent à l'encontre de Mme Y... des fautes d'asepsie, de manque de soins, d'inattention à l'égard des malades et de négligences dans l'organisation de son travail, notamment dans la transmission aux autres équipes de soins des informations nécessaires à la bonne conduite du traitement des malades hospitalisés ; que, contrairement à ce qu'ont énoncé les premiers juges, ces faits ressortent des pièces du dossier et ne sont pas sérieusement contestés ; que la circonstance que Mme Y... souffrait d'une affection rhumatoïde est sans influence sur la gravité des faits qui lui sont reprochés ; qu'au demeurant, elle a été reconnue apte à l'exercice de ses fonctions d'infirmière par un médecin du travail ; qu'il suit de là que les fautes reprochées à Mme Y..., bien qu'elle n'ait pas repris ses fonctions à compter de l'annulation de son licenciement, présentent un caractère de gravité suffisant, eu égard au danger qu'un tel comportement faisait courir aux malades, pour justifier légalement sa suspension ;
Sur la légalité de l'arrêté du 6 décembre 1985 prononçant le licenciement de Mme Y... pour insuffisance professionnelle :
Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L.888 du code de la santé publique dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits : "L'agent qui fait preuve d'insuffisance professionnelle et qui ne peut être reclassé dans un autre service ou dans un autre établissement peut, soit être admis à faire valoir ses droits à la retraite, soit être licencié. La décision est prise par l'autorité investie du pouvoir de nomination après observation des formalités prescrites en matière disciplinaire" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de la réunion du conseil de discipline réuni le 13 novembre 1985, qu'un membre de la direction du centre hospitalier de la Timone, où exerçait Mme Y..., a assisté à l'intégralité des débats devant le conseil de discipline et ne s'est pas retiré pour la délibération, arguant du fait qu'il exerçait des fonctions au secrétariat du conseil de discipline ; mais qu'il est constant que Melle X..., directeur du personnel de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE, exerçait esqualités, le secrétariat dudit conseil ; que la seule présence aux délibérations d'une personne qui n'était pas membre du conseil de discipline a eu pour effet d'entacher d'irrégularité l'avis émis par cet organisme ; que la circonstance que cette personne n'ait pas pris part au délibéré est sans influence sur l'irrégularité ainsi commise ;
Considérant que de ce qu'il précède il résulte que l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a annulé les arrêtés des 18 octobre 1985 plaçant Mme Y... en congé sans traitement et du 6 décembre 1985 licenciant l'intéressée pour insuffisance professionnelle ; qu'en revanche, elle est fondée à demander l'annulation de l'article 3 du jugement du 25 mai 1988, par lequel le tribunal administratif a prononcé l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 1985 prononçant la suspension de Mme Y... à compter du 21 octobre 1985 ;
Sur la requête n° 130 502 :
Considérant que, par la présente décision, le Conseil d'Etat statuant aucontentieux confirme l'illégalité de l'arrêté du directeur de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE en date du 6 décembre 1985 licenciant Mme Y... de ses fonctions d'infirmière diplômée d'Etat pour insuffisance professionnelle ;
Considérant que l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE n'apporte aucun élément de nature à établir que le tribunal administratif de Marseille aurait fait une évaluation exagérée des préjudices subis par Mme Y... du fait de son licenciement illégal ;
Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont attribué à Mme Y... la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête n° 130 502 de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE doit être rejetée ;
Article 1er : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 25 mai 1988 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 1985 par lequel le directeur de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE l'a suspendue de ses fonctions est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 100 875 et la requête n° 130 502 de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE, à Mme Sylviane Y... et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.