La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/1994 | FRANCE | N°133540

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 30 novembre 1994, 133540


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 31 janvier 1992 et le 23 mars 1992, présentés pour le ministre de l'économie, des finances et du budget ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement en date du 23 octobre 1991 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a ordonné la communication, par la commission bancaire, d'un rapport établi le 12 octobre 1987 à la suite des contrôles effectués auprès de la Lebanese Arab Bank et ayant abouti à l'ouverture de poursuites disciplinaire

s contre cet établissement ;
- rejette la demande présentée deva...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 31 janvier 1992 et le 23 mars 1992, présentés pour le ministre de l'économie, des finances et du budget ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement en date du 23 octobre 1991 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a ordonné la communication, par la commission bancaire, d'un rapport établi le 12 octobre 1987 à la suite des contrôles effectués auprès de la Lebanese Arab Bank et ayant abouti à l'ouverture de poursuites disciplinaires contre cet établissement ;
- rejette la demande présentée devant le tribunal par l'Association de défense des créanciers déposants de la Lebanese Arab Bank et tendant à la communication de ce document ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Piveteau, Auditeur,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, avocat du ministre de l'économie, des finances et du budget,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article premier de la loi susvisée du 17 juillet 1978 modifiée : "Le droit de toute personne à l'information est garanti par le présent titre en ce qui concerne la liberté d'accès aux documents administratifs de caractère non nominatif" ; qu'en conséquence, sont exclus du champ d'application de la loi les documents d'ordre juridictionnel ou qui en sont inséparables ;
Considérant qu'en vertu de l'article 37 de la loi susvisée du 24 janvier 1984, la commission bancaire est "chargée de contrôler le respect par les établissements de crédit des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et de sanctionner les manquements constatés ( ...)" ; qu'il résulte des dispositions des articles 39 à 41 de la même loi que la commission bancaire peut exiger des établissements la remise de certains documents et informations et faire effectuer des contrôles sur pièces et sur place ; que les articles 44 et 46 habilitent respectivement la commission bancaire à désigner un administrateur provisoire et à nommer un liquidateur aux établissements de crédit qui cessent d'être agréés, qui exercent irrégulièrement l'activité bancaire ou enfreignent l'une des interdictions définies à l'article 10 ; que l'article 45 ouvre à la commission la faculté de prononcer à l'encontre d'un établissement de crédit qui a enfreint une disposition législative ou réglementaire afférente à son activité, n'a pas déféré à une injonction ou n'a pas tenu compte d'une mise en garde, une sanction disciplinaire qui peut être complétée ou remplacée par une sanction provisoire ou égale au capital minimum auquel est astreint l'établissement ; que l'article 48 dispose que : "Lorsque la commission bancaire statue en application des articles 44, 45 et 46, elle est une juridiction administrative ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort en l'espèce des pièces du dossier qu'à la suite d'une inspection effectuée pour le compte de la commission bancaire dans les locaux de la société anonyme Lebanese Arab Bank et achevée le 20 août 1987, la commission bancaire a adressé, le 16 novembre 1987, une injonction à cet établissement bancaire afin qu'il remédie aux irrégularités décrites par le rapport établi le 12 octobre 1987 à la suite de cette inspection ; que des investigations complémentaires entreprises dans le cadre d'une procédure disciplinaire engagée le 22 mars 1988 ont permis de constater l'existence de certaines irrégularités initialement relevées et d'en préciser les données chiffrées dans un rapport du 28 novembre 1988 ; qu'au vu des éléments figurant dans ces deux rapports, la commission a infligé à l'établissement des sanctions pécuniaires de 100.000 Frs par décision du 20 janvier 1989 ; que de nouveaux manquements ayant été ultérieurement relevés lors d'inspections sur place et décrits dans des rapports en date des 6 et 12 juillet 1989, la commission a, par décision en date du 26 juillet 1989 devenue définitive, prononcé le retrait de l'agrément de l'établissement et nommé un liquidateur ;

Considérant que si le rapport daté du 12 octobre 1987 a été établi dans le cadre de la mission administrative de surveillance de l'activité des établissements de crédit dévolue à la commission bancaire, il a ensuite servi de base, concurremment avec le rapport dressé par le même inspecteur à l'issue des investigations complémentaires postérieurement au déclenchement de la procédure disciplinaire, à la sanction prononcée par la commission dans l'exercice des attributions juridictionnelles qu'elle tient de l'article 45 de la loi ; que, dans ces conditions, le rapport du 12 octobre 1987, qui n'était pas détachable de la procédure juridictionnelle suivie devant la commission et relative aux manquements dont il avait révélé l'existence, ne pouvait être regardé comme un document administratif pour l'application de la loi du 17 juillet 1978 ; que le secrétaire général de la commission bancaire était, par suite, en droit d'en refuser la communication à l'association de défense des créanciers déposants de l'établissement ainsi qu'il l'a fait par sa décision du 14 décembre 1989 ; que le moyen tiré de ce que cette décision n'est pas motivée manque en fait ; que dès lors, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a reconnu au rapport litigieux le caractère d'un document administratif au sens de la loi du 17 juillet 1978 et a ordonné qu'il lui soit communiqué afin qu'il apprécie le bien-fondé du refus opposé à l'association au regard des dispositions de celles-ci ;
Article 1er : le jugement susvisé du tribunal administratif de Paris en date du 23 octobre 1991 est annulé en tant qu'il a trait à la demande de l'Association de défense des créanciers déposants de la Lebanese Arab Bank relative au rapport du 12 octobre 1987.
Article 2 : la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par l'Association de défense des créanciers déposants de la Lebanese Arab Bank est rejetée en tant qu'elle porte sur le rapport du 12 octobre 1987.
Article 3 : la présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, à l'Association de défense des créanciers déposants de la Lebanese Arab Bank et à la Lebanese Arab Bank.


Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CAPITAUX - CREDIT ET INSTRUMENTS FINANCIERS - REGLEMENTATION DU SECTEUR BANCAIRE - Commission bancaire - Communication des documents administratifs (loi du 17 juillet 1978) - Absence en l'espèce - Rapport d'inspection non détachable d'une procédure juridictionnelle.

13-04, 26-06-01-02-01 Un rapport d'inspection, établi dans le cadre de la mission administrative de surveillance de l'activité des établissements de crédit dévolue à la commission bancaire, qui sert ensuite de fondement à une sanction prononcée par la commission bancaire dans l'exercice de ses attributions juridictionnelles qu'elle tient de l'article 45 de la loi du 24 janvier 1984, n'est pas détachable de la procédure juridictionnelle suivie devant la commission. Il ne peut par suite être regardé comme un document administratif pour l'application de la loi du 17 juillet 1978.

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ACCES AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - ACCES AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS AU TITRE DE LA LOI DU 17 JUILLET 1978 - DROIT A LA COMMUNICATION - NOTION DE DOCUMENT ADMINISTRATIF - Absence - Documents non détachables d'une procédure juridictionnelle - Rapport d'inspection servant de fondement à une sanction prononcée par la commission bancaire dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles.


Références :

Loi 78-753 du 17 juillet 1978 art. 1
Loi 84-46 du 24 janvier 1984 art. 37, art. 39 à 41, art. 44, art. 46, art. 10, art. 45, art. 48


Publications
Proposition de citation: CE, 30 nov. 1994, n° 133540
Publié au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: M. Piveteau
Rapporteur public ?: M. Sanson
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Avocat

Origine de la décision
Formation : 6 / 2 ssr
Date de la décision : 30/11/1994
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 133540
Numéro NOR : CETATEXT000007848741 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1994-11-30;133540 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award