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07/12/1994 | FRANCE | N°129822

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 07 décembre 1994, 129822


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 septembre 1991 et 27 janvier 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel X... demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt en date du 9 juillet 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 23 mars 1989 rejetant sa demande tendant à la décharge de la redevance pour prélèvement d'eau à laquelle il a été assujetti par l'age

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 septembre 1991 et 27 janvier 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel X... demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt en date du 9 juillet 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 23 mars 1989 rejetant sa demande tendant à la décharge de la redevance pour prélèvement d'eau à laquelle il a été assujetti par l'agence financière de bassin "Adour-Garonne" au titre de la campagne d'irrigation de 1985 ;
2°) lui accorde décharge de la redevance contestée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Traité en date du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne ;
Vu la loi du 16 décembre 1964 modifiée ;
Vu le décret du 14 septembre 1966 modifié ;
Vu la loi du 10 juillet 1991, notamment son article 75-I ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. X..., et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'agence financière du bassin Adour-Garonne,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X... a été assujetti par l'agence financière de bassin Adour-Garonne à une redevance en raison des prélèvements d'eau effectués pendant la campagne d'irrigation de 1985 ; qu'il demande l'annulation de l'arrêt en date du 9 juillet 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a refusé d'annuler le jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a refusé de faire droit à sa demande en décharge de cette redevance ;
Sur les moyens tirés de ce que la redevance contestée méconnaîtrait la loi susvisée du 16 décembre 1964 et le principe d'égalité devant les charges publiques :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 16 décembre 1964 "l'agence financière de bassin établit et perçoit sur les personnes publiques ou privées des redevances, dans la mesure où ces personnes ...rendent nécessaire ou utile l'intervention de l'agence ou dans la mesure où elles y trouvent leur intérêt ..." ; qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du titre I de ladite loi que les agences financières de bassin ont pour objet non seulement de lutter contre la pollution des eaux mais également de veiller à l'équilibre des ressources et des divers besoins en eau dans chaque bassin ; que par suite, dans la mesure où elles effectuent des prélèvements sur la ressource en eau, et même s'ils sont suivis de restitution, les personnes publiques ou privées rendent nécessaire ou utile l'intervention de l'agence ; que la cour n'a dès lors commis aucune erreur de droit en jugeant que l'activité d'irrigation était justiciable de la redevance prévue par les dispositions précitées ;
Considérant, en deuxième lieu, que les redevances perçues par les agences financières de bassin doivent être rangées au nombre des impositions, et ne sont pas dès lors perçues en contrepartie d'un service rendu directement à l'assujetti ; que par suite la circonstance que l'agence n'aurait réalisé ni financé aucun travail dans la zone où est installé le requérant était sans incidence sur la légalité de la redevance contestée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'article 18 du décret du 14 septembre 1966, modifié par le décret du 28 octobre 1975, et qui trouve son fondement dans l'article 14 de la loi du 16 décembre 1964 dont il n'appartient pas à la juridiction administrative d'apprécier la conformité à la Constitution, que les conseils d'administration des agences financières de bassin ont compétence pour déterminer l'assiette et le taux des redevances de prélèvement dans le respect des règles arrêtées par ledit décret ; que par suite le moyen tiré de l'incompétence du conseil d'administration de l'agence ne peut qu'être écarté ;

Considérant enfin que la loi du 16 décembre 1964 a confié à plusieurs agences le soin de définir, en fonction des particularités de chaque bassin, leur programme d'intervention et de fixer en conséquence le montant des redevances à percevoir ; qu'en jugeant que, dans ces conditions, la circonstance, qui trouve son origine dans les dispositions de la loi, que, dans d'autres bassins, les opérations d'irrigation ne supporteraient pas de redevance ne révélait pas de manquement au principe d'égalité devant les charges publiques susceptible d'entacher la légalité de la redevance contestée, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens susmentionnés doivent être écartés ;
Sur les moyens tirés du Traité instituant la communauté économique européenne, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par l'agence financière de bassin :
Considérant, en premier lieu, que le requérant a demandé à la cour de soumettre à la Cour de Justice des communautés européennes la question de l'interprétation tant de l'article 14 de la loi du 16 décembre 1964 que de l'article 18 du décret du 14 septembre 1966, dont il soutient qu'ils seraient contraires aux engagements souscrits par la France au titre du Traité instituant la communauté économique européenne ; que, compte-tenu des termes de l'article 177 dudit Traité, qui n'attribuent compétence à la Cour de Justice, pour statuer à titre préjudiciel, qu'en ce qui concerne l'interprétation du Traité et des actes pris par les institutions de la communauté, et non des actes de droit interne, la cour n'a pas dénaturé ces conclusions en les regardant comme tendant à ce que soit soumise à la Cour de Justice des communautés européennes la question de l'interprétation des articles du Traité de Rome dont la violation était alléguée par M. X..., et en leur donnant ainsi une portée utile ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'article 177 du traité instituant la communauté économique européenne fait obligation aux seules "juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne" de saisir à titre préjudiciel la cour de justice des communautés européennes en cas de difficulté sérieuse d'interprétation du traité ; qu'il suit de là qu'en s'abstenant de saisir la Cour de justice des communautés européennes de la question de l'interprétation des dispositions invoquées d'une part de l'article 90, d'autre part de l'article 92 du Traité instituant la communauté économique européenne, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a fait qu'exercer la faculté qui lui est reconnue par les stipulations de l'article 177 du Traité ;
Considérant, en troisième lieu, que les règles fixées à l'article 90 du Traité de Rome ne concernent que des "entreprises", qu'elles soient publiques, chargées de la gestion de services d'intérêt économique général, dotées par l'Etat de droits spéciaux ou exclusifs, ou présentent le caractère d'un monopole fiscal ; qu'en jugeant que la mission des agences financières de bassin ne consiste pas à intervenir sur un marché de biens ou services et que ces agences ne constituent ainsi pas des "entreprises", et échappent dès lors aux règles fixées par l'article 90 susmentionné, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni donné aux faits une qualification juridique erronée ;

Considérant enfin qu'en écartant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 92 du Traité instituant la communauté économique européenne par le motif que cet article ne crée pas pour les particuliers de droits dont ils puissent se prévaloir devant une juridiction nationale, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur l'application du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. X..., sur le fondement des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à verser à l'agence financière de bassin Adour-Garonne la somme qu'elle réclame au titre des frais non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : M. X... est condamné à payer une somme de 550 F à l'agence financière de bassin Adour-Garonne au titre des frais non compris dans les dépens.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Michel X..., à l'agence financière de bassin Adour-Garonne et au ministre de l'environnement.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 129822
Date de la décision : 07/12/1994
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

44 NATURE ET ENVIRONNEMENT.


Références :

Décret 66-700 du 14 septembre 1966 art. 18, art. 177, art. 90
Décret 75-996 du 28 octobre 1975
Loi 64-1245 du 16 décembre 1964 art. 14
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 07 déc. 1994, n° 129822
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Chabanol
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:129822.19941207
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