Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 novembre 1990 et 12 décembre 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 12 octobre 1990 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juin 1990 du préfet de la Haute-Savoie le déclarant démissionnaire de ses fonctions de conseiller municipal et de maire de Veyrier-du-Lac ;
2°) annule pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral, notamment son article L.236 ;
Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, notamment ses articles 195 et 240 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Gervasoni, Auditeur,
- les observations de Me Ricard, avocat de M. Bernard X...,
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article L.236 du code électoral : "Tout conseiller municipal qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un des cas d'inéligibilité prévus par les articles L.230, L.231 et L.232 est immédiatement déclaré démissionnaire par le préfet, sauf réclamation au tribunal administratif dans les dix jours de la notification et sauf recours au Conseil d'Etat, conformément aux articles L.249 et L.250" ; qu'aux termes de l'article L.230 dudit code : "Ne peuvent être conseillers municipaux : 1° Les individus privés du droit électoral" ; qu'aux termes de l'article R.120 du code électoral : "Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation au greffe ..." ; qu'aux termes de l'article R.121 du même code : "Faute d'avoir statué dans les délais ci-dessus fixés, le tribunal administratif est dessaisi" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Grenoble, saisi le 6 juillet 1990 par M. X..., maire de la commune de Veyrier-du-Lac (Haute-Savoie), d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 juin 1990 par lequel le préfet l'a déclaré, en application des dispositions précitées de l'article L.236 du code électoral, démissionnaire d'office de ses fonctions de conseiller municipal et de maire, n'a pas statué avant le 6 septembre 1990 ; que, dès lors, le jugement attaqué, rendu le 12 octobre 1990, est intervenu hors délai et doit être annulé ;
Considérant que le tribunal administratif de Grenoble se trouve dessaisi par l'expiration du délai précité et qu'il y a lieu de statuer au fond sur la demande de M. X... ;
Considérant que si, à la date à laquelle l'arrêté prononçant sa démission d'office, M. X... avait été condamné, par jugement du tribunal de commerce de Bonneville en date du 3 février 1988 confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Chambéry en date du 22 mai 1989, à supporter le passif de la société dont il présidait le conseil d'administration et était ainsi, en application des dispositions de l'article 110 de la loi du 13 juillet 1967, devenu inéligible postérieurement à son élection, il résulte de l'instruction que, par un jugement en date du 21 novembre 1990 devenu définitif, le tribunal de commerce de Bonneville a prononcé la clôture de la procédure d'extinction de passif qui avait été ouverte à la suite de la liquidation judiciaire de ladite société et constaté que M. X... était réhabilité de plein droit ; qu'ainsi, M. X... doit être réputé n'avoir jamais été atteint par l'incapacité prévue à l'article 110 précité de la loi du 13 juillet 1967 ; que, d'autre part, en application de l'article L.250 du code électoral, M. X... a continué après l'intervention tant de l'arrêté contesté devant le tribunal administratif que du jugement frappé d'appel, d'exercer ses fonctions de conseiller municipal et de maire ; que l'arrêté en date du 28 juin 1990 du préfet de l'Isère se trouvant ainsi privé de tout effet, la requête susvisée de M. X... est devenue sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 12 octobre 1990 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X... dirigées contre l'arrêté du 28 juin 1990.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard X... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.