Vu le recours sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mai 1991 et 3 juillet 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 19 mars 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 25 octobre 1989 du tribunal administratif de Paris ayant annulé, à la demande de la société "Patol Equipements", la contrainte dont procède l'avis à tiers détenteur décerné le 28 août 1987 par le trésorier principal de Neuilly-sur-Seine à la SARL "Euroéquipements" pour avoir paiement d'un arriéré d'impôt dû par la société "Patol Equipements" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce ;
Vu le code général des impôts ;Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Jacoupy, avocat de la société "Patol Equipements",
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la loi modifiée du 17 mars 1909, relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce, prévoit, en son article 3, d'une part, que toute vente ou cession de fonds de commerce doit, dans la quinzaine de sa date, donner lieu, à la diligence de l'acquéreur, à la publication dans un journal habilité à recevoir les annonces légales, d'un extrait ou avis indiquant, notamment, la date de l'acte, les noms, prénoms et domiciles de l'ancien et du nouveau propriétaire, la nature et le siège du fonds, le prix stipulé et une élection de domicile dans le ressort du tribunal, d'autre part, que, dans les quinze jours de cette insertion, un avis doit être publié au "bulletin officiel des annonces civiles et commerciales" ; que le même article ajoute : "Dans les dix jours suivant la dernière en date de ces publications, tout créancier du précèdent propriétaire, que sa créance soit ou non exigible, pourra former au domicile élu, par simple acte extrajudiciaire, opposition au paiement du prix ; l'opposition, à peine de nullité, énoncera le chiffre et les causes de la créance (...) Aucun transport amiable ou judiciaire du prix ou de partie du prix ne sera opposable aux créanciers qui se seront fait connaître dans ce délai. Au cas d'opposition au payement du prix, le vendeur pourra, en tout état de cause, après l'expiration du délai de dix jours, se pourvoir en référé devant le président du tribunal de grande instance afin d'obtenir l'autorisation de toucher son prix malgré l'opposition" ;
Considérant que le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET soutient qu'en notifiant, le 28 août 1987, à la SARL "Euroéquipements", qui avait acquis, le 1er du même mois, le fonds de commerce de la société "Patol Equipements", un avis à tiers détenteur ayant les mêmes effets que l'acte extrajudiciaire prévu par les dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 17 mars 1909, le trésorier principal de Neuilly-sur-Seine n'a eu en vue que de former opposition, dans les termes prévus par cet article, au paiement du prix de cession de ce fonds, à concurrence d'une somme de 11 354 F, correspondant au montant "probable" d'impositions devant être mis à la charge de la société "Patol Equipements" au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle et de maintenir ainsi l'indisponibilité du prix entre les mains de l'acheteur, de manière à ce que le Trésor public puisse faire valoir ultérieurement ses droits dans la distribution de ce prix ; que le ministre entend ainsi démontrer, dès lors que les impositions auxquelles la société "Patol Equipements" devait être assujettie n'avaient pas encore été mises en recouvrement et n'était donc pas exigibles, à la date de l'avis à tiers détenteur, que celui-ci n'a eu, en l'espèce, que le caractère d'une simple mesure conservatoire et n'était donc pas susceptible de produire les effets prévus par les articles L.262 et L.263 du livre des procédures fiscales, c'est-à-dire d'obliger la SARL "Euroéquipements", à payer, au lieu et place de la société "Patol Equipements", la somme ci-dessus mentionnée de 11 354 F au Trésor public de sorte qu'il appartenait, à la société "Patol Equipements", si elle entendait contester la validité de cette mesure conservatoire, ayant, comme il a été dit, la nature d'une opposition ausens de l'article 3 de la loi du 17 mars 1909, de saisir du litige le président du tribunal de grande instance statuant en référé, seul compétent, aux termes de cet article, pour connaître d'une telle action ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'avis à tiers détenteur contesté, qui se présentait comme étant décerné en application des articles L.262 et L.263 du livre des procédures fiscales, dont il rappelait et reproduisait les dispositions, spécifiait que les sommes dont la SARL "Euroéquipements" était dépositaire, détentrice ou débitrice à l'égard de la société "Patol Equipements" étaient affectées au privilège du Trésor, à concurrence du montant indiqué des impôts privilégiés dûs par ce contribuable, et précisait qu'il produisait des effets identiques à ceux d'un jugement de validation de saisie-arrêt, de sorte que le versement demandé était obligatoire en dépit de toutes oppositions éventuellement notifiées par d'autres créanciers ; qu'en l'absence de toute mention ajoutée au texte, pré-imprimé, de l'avis, de l'intention du comptable du Trésor de faire jouer les dispositions de l'article 3 de la loi du 17 mars 1909 pour former, en réalité, opposition au paiement du prix de cession du fonds de commerce de la société "Patol Equipements", celle-ci était fondée à se croire mise dans l'obligation d'acquitter, comme dette fiscale, la somme dont elle était informée que le paiement était réclamé, en son lieu et place, à la SARL "Euroéquipements", et à en déduire que, pour la contester, elle devait suivre la procédure prévue, à cet effet, par l'article L.281, 2° et par les articles R.281.1, R.281.2 et R.281.4 du livre des procédures fiscales ; qu'elle a, en conséquence, saisi le tribunal administratif d'une demande en décharge de cette obligation ; que, eu égard au contenu, ci-dessus analysé, de l'avis à tiers détenteur et au fait qu'en réponse à la réclamation préalable de la société, le trésorier-payeur général n'a pas cru devoir le rapporter bien qu'il ait reconnu, dans les motifs de sa décision de rejet de cette réclamation, qu'il n'avait que la valeur d'une opposition formée en application de l'article 3 de la loi du 17 mars 1909, la cour administrative d'appel a pu, implicitement, juger, sans se méprendre sur la portée du litige soumis au tribunal administratif, qu'en vertu des dispositions précitées du livre des procédures fiscales, celui-ci s'était à bon droit regardé compétent pour en connaître et estimer, sans erreur de droit, par le motif, à lui seul déterminant, qu'à la date d'émission de l'avis à tiers détenteur, les impositions visées par celui-ci n'étaient pas exigibles, faute d'avoir encore été mises en recouvrement, que les premiers juges avaient à juste titre déchargé la société "Patol Equipements" de l'obligation qu lui avait été faite de payer la somme correspondante ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société "Patol Equipements" et au ministre du budget.